Le « FrontRunner » me fait découvrir le « Train de la reconnaissance française »

Salt Lake City est la capitale de l’Utah. Au nord et au sud, à une cinquantaine de kilomètres dans l’une et l’autre des directions, deux villes portent le nom de personnages historiques issus de la vallée du Saint-Laurent, les voyageurs et coureurs de bois, Peter Skene Ogden (né en 1794 à Québec et mort en 1854 à Oregon City) et Étienne Provost (né à Chambly en 1785 et mort à Saint-Louis en 1850). Entre les deux villes se trouve environ 80% de la population totale de l’Utah qui comptait en 2013  2 900 872 habitants. La région s’appelle  « Wasatch Front » parce qu’elle se situe au pied d’un front de la chaine des montagnes Wasatch dont certaines crêtes atteignent les 4 000 mètres.

Depuis un peu plus d’un an, cette conurbation—car il s’agit bel et bien d’une trentaine de villes qui se touchent formant, par conséquent, un ruban urbanisé de 120 km—est desservie par un train de banlieue baptisé le « FrontRunner ». Mû par des locomotives à base du diésel, le train peut atteindre 115 km à l’heure, se rendant d’un but à l’autre de son trajet en 95 minutes, s’arrêtant 15 fois.

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Tout au long du trajet, de l’étage supérieur des voitures, la vue sur le flanc occidental du Wasatch est remarquable

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En descendant du « FrontRunner » à Ogden, mon attention fut tout de suite attirée vers un vieux wagon dont il n’en a jamais existé en Amérique du Nord. En m’y rapprochant, je vois inscrit dessus « French Gratitude Train » :

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En le contournant, j’y vois « Train de la reconnaissance française ».

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Il s’agit d’un wagon fabriqué à Lyon, en France, en 1885 qui a servi à transporter des soldats à travers la France lors de la première Guerre mondiale.  En grosses lettres, inscrite sur chaque wagon sa capacité : Hommes-40, Chevaux-8. Quelle explication donnée de la présence si étonnante de ce vestige d’une autre époque et d’un autre continent?

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En 1949, en guise de remerciement des Français à l’endroit du peuple américain pour son précieux appui à la fin de la guerre, la France a offert aux États-Unis 49 de ces « Merci Boxcars », l’un pour chaque État et un autre pour le District de Columbia. Afin de refléter le caractère national du cadeau, les armoiries de plusieurs régions du territoire de l’Hexagone  sont mises evidence.

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Le choix d’Ogden comme lieu d’attribution en Utah fut facile car cette ville, la deuxième plus grande de l’Utah, portait le sobriquet « Junction City »  en raison de son rôle de carrefour pour plusieurs grandes compagnies ferroviaires dont l’Union Pacific et la Southern Pacific. Pendant la deuxième Guerre mondiale, des centaines de milliers de jeunes militaires transitaient par Ogden en route vers les villes portuaires de la Californie avant de prendre passage pour le Pacifique et les terribles confrontations avec les Japonais.


Les Français sont bien servis à St. George

L’image que l’on se fait des Mormons est celle de jeunes Américains, mâles et femelles, habillés toujours de manière conservatrice, les hommes en complet foncé avec chemise blanche et cravate, les femmes en robe ou jupe longue, les deux portant sur le cœur un macaron identitaire ou porte nom, en train de faire du porte à porte ou de la sollicitation dans les autobus ou centres d’achats comme des Témoins de Jéhovah.

Il est donc étonnant d’arriver au Centre d’interprétation de l’Église de Jésus-Christ des Saints Jours à St. George, au cœur du pays des Mormons,  et de se faire accueillir par deux Québécoises, engagées à leurs frais, pour rendre témoignage de leur foi aux passants.

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En fait, ce sont deux jeunes filles de Laval, Sarah Anthian, qui terminera son service missionnaire en juillet prochain, et Alexandra Garcia-Quinteros, ayant amorcé le sien le moi dernier, qui se feront un plaisir de passer du temps avec tout visiteur de langue française.

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« Mais des visiteurs francophones, il n’y en a sûrement pas beaucoup! » me direz-vous.

Au contraire, il y en a entre 2 000 et 3 000 par année. Oui, bien sûr, le touriste québécois arrête à l’occasion entre décembre et mars dans sa voiture ou son motorisé, mais les francophones de passage sont surtout des Français qui passent en autocar en raison de deux ou trois ou quatre par semaine pendant les mois d’été. L’an dernier il y en a eu une soixantaine. Soixante fois 45, le nombre moyen de sièges dans un tel car, égal 2 700 visiteurs, de loin le groupe national le plus important qui rend visite chaque année au St. George Temple Visitors’ Center. Non, ils ne sont pas venus de Paris, Lille, Nancy, Bordeaux et Aix-en-Provence en pèlerinage. Ce sont des touristes qui ont acheté un forfait—un voyage organisé comme on dit par ici—pour vivre en 15 jours ou moins l’Amérique, pour observer les paysages éblouissants de l’Ouest américain et voir des Indiens. Ils peuvent descendre de l’avion à Los Angeles sauter dans un autocar qui les conduit à Universal Studios et Disneyland, et peut-être Sea World à San Diego. Ensuite, les merveilles de la nature, le Grand Canyon, le lac Powell, les parcs nationaux Zion et Bryce. En route, une halte ou deux le long des chemins en plein désert pour acheter des bijoux en turquoise des Navajos. Au retour vers la Ville des anges pour reprendre l’avion, une brève aventure à Las Vegas! Or, entre les parcs nationaux et Las Vegas, se trouve une jolie oasis couchée au pied des formations géologiques de roc rouge, St. George, avec mon majestueux temple mormon. Un court arrêt ici pour boire de l’eau fraiche, faire pipi et jaser avec du monde qui parle leur langue, quelle joie! ….même si c’est pour se faire parler de religion!

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Et les jeunes filles sont contentes! Elles savent parfaitement bien qu’elles ne réussiront pas à convaincre les visiteurs du bien-fondé de leur foi, mais elles sont certaines de pouvoir semer une petite graine qui pourrait un jour germer.

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Deux aspects à noter :

  1. Comme aux Jeux Olympiques, les Québécoises doivent s’afficher comme Canadiennes. Remarquez le macaron (porte nom) de Sœur Alexandra. Le drapeau du Québec n’est nullement présent. Ce n’est pas un pays…
  2. Des missionnaires d’au moins quinze autres pays sont également sur les lieux tous les jours dont une jeune fille de Lyon qui porte fièrement l’insigne de France sur son macaron. Malheureusement, lors de la prise de photos, Sœur Brendle fut absente.

« Frenchness » à St. George, UT : Si seulement tous ceux qui raffolent de la francité parlaient français…

Malgré l’histoire récente des relations douces amères entre la France et les États-Unis, l’image du patrimoine du camembert se vend toujours bien au pays de l’Oncle Sam, même dans les coins les plus reculés. Nous en avons deux preuves à St. George. Le 2 décembre 2012, dans une chronique intitulée « Un soupçon de France à Santa Clara, UT », J’en avais déjà commenté la première (https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2012/12/02/un-soupcon-de-france-a-santa-clara/). Aujourd’hui, je reviens là-dessus en plus de faire la lumière sur un nouveau commerce s’affichant « français ».

Au moment du premier billet, la crêperie Tifiny venait d’ouvrir ses portes dans le pittoresque village de Santa Clara, à 5 km, à l’ouest du centre-ville de St. George. Logée dans des locaux historiques remontant aux années 1860, mais plutôt vétustes, la crêperie n’a pas fait long feu. À mon retour à Santa Clara en décembre 2013, elle n’était plus là. Mon chagrin fut considérable! Décontenancé, je cherchais les raisons de la disparition de cette petite crêperie si charmante qui m’avait fait tant plaisir. J’en découvre au moins quatre : (1) les affaires ayant été trop bonnes, les espaces disponibles ne suffisaient plus; (2) une cuisine peu fonctionnelle pour la préparation des gourmandises; (3) un malentendu entre propriétaire et locataire; (4) la disponibilité de locaux plus grands et plus fonctionnels dans un mini mail situé en marge du centre-ville.

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C’est donc à la nouvelle Crêperie Breakfast at Tifiny’s que j’ai choisi d’accueillir le 15 janvier quelques  amis d’enfance et leurs époux pour souffler mes 71 bougies.

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Vingt-quatre petits gâteaux! Trois bougies par gâteau! Cela fait 72 bougies, une pour chaque année de ma vie et « one to grow on », comme nous disions quand j’étais gamin. Les allumer était une tâche ardue. David et Diane m’ont donné un coup de main.

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Par contre, je n’ai pas eu besoin d’eux pour les éteindre. Trois gros souffles rapides et la boucane des bougies éteintes montait au plafond!

La semaine de mon arrivée en décembre, Leslie dont le sourire fend son visage a pendu la crémaillère à son nouveau café portant le nom si original  « Le Café », situé au coin de Main et Tabernacle.

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C’est ici, plus que partout ailleurs à St. George, que je peux m’asseoir prendre une consommation, fermer les yeux et faire semblant d’être assis chez Picardie, sur l’avenue Cartier, à Québec, par un bel après-midi d’été. En dépit du fait qu’elle opte pour une œuvre du peintre colombien, Botero, pour orner un mur au lieu d’une des nombreuses productions de Toulouse Lautrec, Leslie mise néanmoins sur la francité, invoquant des odonymes et toponymes parisiens.

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Son présentoir déborde de croissants, de pâtisserie, de quiches et de friandises. L’ameublement porte également un cachet rappelant la France.

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Portant mon béret basque, je donne toujours ma commande en français, mais, hélas, non, Leslie ne parle pas française, mais elle se prête bien au jeu.

Ce serait trop beau! Comme tant d’autres, elle aimerait bien… « but you know » (mais vous savez).

Dans cette contrée désertique, deux petits exemples de l’exploitation de la francité à des fins commerciales!

 

 


Cousinage à Silver Reef

L’Ouest américain est parsemé de villages fantômes. Seulement pour l’État de l’Utah où je séjourne actuellement, Wikipedia en dresse une liste de 128 dont les noms sont souvent tout aussi évocateurs les uns que les autres : Adventure, Hailstone, Home of Truth, Sego, Thistle…

Hier, accompagné de trois cousins et des époux, j’en ai visité un. Bien sûr, pour voir de quoi Silver Reef avait l’air, mais aussi pour retrouver les traces d’un aïeul qui serait passé par là il y a 125 ans. En fait, James Louder aurait été propriétaire d’un magasin général et d’une salle de danse en face des bureaux de Wells Fargo. En lisant ce qui avait été écrit à son sujet, je me disais qu’il était en plein le genre de bonhomme que j’aurais aimé connaître :

Louder gained community recognition and a financial base to expand his operations. One of his acquisitions was a dance hall across the street from the Wells Fargo office. Its reputation as a “Hurly House” was well established and was considered a place where wild women met wild men under evil influences and did wild things… (Silver, Sinners and Saints: A History of Old Silver Reef, Utah).

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Le groupe devant l’édifice Wells Fargo à Silver Reef, aujourd’hui musée.

Silver Reef, situé à 20 km au nord-ouest de la ville de Saint George, fut fondé en 1866 lorsque John Kempler, un prospecteur du Nevada y découvrit un mini gisement d’argent imprégné dans du grès, phénomène géologique excessivement rare. Une ruée vers l’argent s’entama! En 1880, avec une population d’environ 3 000 âmes, Silver Reef dominait la région, au chagrin des citoyens des nombreux petits villages mormons bien établis dans le coin. Les Mormons se méfiaient des mineurs, mais en profitaient quand même par la vente des denrées alimentaires nécessaires à leur survie. Jamais d’église mormone à Silver Reef, seulement une église catholique dont ce monument marque l’emplacement.

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La vie de Silver Reef fut de courte durée. Avec la chute du prix d’argent en 1884, les activités minières cessaient petit à petit et les mineurs partaient. Au tournant du siècle, les impressionnants édifices qui avaient longé la rue Principale (Main) sur un mille avaient disparu ou déménagé ou bien tombaient en désuétude. Aujourd’hui, à l’exception de l’édifice Wells Fargo restauré, ne restent que des vestiges : quelques murs endommagés, mais se tenant debout et des tas de briques éparpillés ça et là à travers le paysage désertique.

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Édifice Wells Fargo

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Vestiges d’équipement minier

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J’ai quitté l’Utah pour de bon en 1967. Mes études m’ont emmené à Seattle, dans l’État de Washington. De là, en 1971, le sort a voulu que je m’établisse au Québec et les retours en Utah ont été plutôt rares et sporadiques. Depuis trois ans, cependant, nous avons commencé à faire comme bien des Québécois : passer deux mois d’hiver au soleil. Mais au lieu de choisir la Floride ou la République dominicaine, nous avons opté pour le pays de mes origines. Alors, d’une certaine façon, il s’agit d’un « homecoming », d’un retour à la maison. Cette transhumance m’a permis de resserrer les liens avec ma sœur, la seule autre enfant de nos parents disparus et de renouer avec des cousins dont j’avais, depuis très longtemps, perdu contact.

Mon père était l’avant dernier de douze enfants. Jeune, en compagnie de mes parents, je rendais visite régulièrement chez mes oncles Chub, Jim et Ted. Quelle joie en fin de semaine dernière que de retrouver certains de leurs enfants « chez moi » à Saint George, le temps d’une soirée, et de pouvoir, par la suite, explorer Silver Reef avec certains d’entre eux en quête de cet aïeul inconnu.

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Moi, ma sœur, Delbert et Claudia (« mononcle » Chub), Dixie (« mononcle » Ted), Myrl (« mononcle » Jim)

Fin de semaine du 19 janvier bien remplie: cousinage et exploration! Fiouf!

 


Du Paris, Bonne Année!

Oui, « du » Paris, pas « de » Paris! Si l’on ne peut défoncer la nouvelle année en France,  à la vraie Paris, pourquoi ne pas le faire au Paris contrefait?

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Depuis 1999, ce Paris existe à Las Vegas.

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Il s’agit d’un hôtel casino, aménagé à partir de 1997 au coût de 760 000 000$, situé sur la fameuse « Strip ». Il compte 2 916 chambres, 4 200 employés, 90 tables de jeux et 1 700 machines à sous sur une surface de 8 000 mètres carrés. La réplique de la Tour Eiffel mesure 165 mètres, contre 324 pour l’originale. Selon l’opératrice de l’ascenseur qui emmène le monde au sommet de la tour, celle-ci devait être aussi haute que la vraie, mais étant donné la proximité de l’aéroport international, les architectes ont réduit l’échelle. À mon avis, c’est un leurre, une fausseté, une légende urbaine (de Las Vegas). Il y a assez d’exagération dans cette ville, capitale mondiale du jeu, sans se verser encore plus profondément dans l’absurde!

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En plus de la Tour Eiffel, le décor comporte aussi des reproductions de l’Arc de Triomphe, de la Fontaine des mers de la Place de la Concorde, de l’Opéra et de l’aérostat des frères Montgolfier.

La plate-forme au sommet de la tour peut accueillir 90 personnes à la fois et offre des prises de vue splendides sur la Strip, les environs immédiats et les alentours lointains.

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À l’intérieur, en regardant vers le plafond, on se croirait aux Galeries Lafayette.

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Et bien sûr, au-dessus des « slots » à 25 sous, un rappel de ce que les Français nous ont donnés de plus beau :

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Alors, du Paris—même si j’aimerais mieux être à Paris—je vous salue tous en cette fin de 2013 et ce début de 2014!