Béret basque ou casquette du Canadien

Lors de mes voyages en Amérique du Nord, dans l’espoir de rencontrer des francophones, je fais très attention à ce que je porte sur la tête. Par temps frais, il s’agit toujours d’un béret basque.

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Par temps chaud, il s’agit de la casquette CH du club de hockey de Montréal.

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À chaque coup, ça marche. À titre d’exemples :

Il y a un quart de siècle déjà, je me promenais à Saint-Martinville, en Louisiane, lors de la traditionnelle boucherie d’automne. Au loin, je vois approcher un homme d’un certain âge, bien plus vieux que moi–et comme moi–béret sur la tête. On se regarde, on se salue, on se fait des compliments sur nos coiffes respectives, on passe la journée ensemble, on devient amis, les Rault, de Paris, et moi. Profitant des billets gratuits offerts par Air France, grâce au statut d’agent de bord de leur fille, ce couple réalisait le voyage de leur vie qui se terminait par un court séjour en Louisiane. Au cours de la journée, Henri me faisait part de l’existence de leurs deux appartements à LaGarenne, à dix minutes à pied de La Défense, l’un qu’ils occupaient et l’autre, à l’étage supérieur appartenant à leur fille, mais restant vacant depuis son mariage. À moi, ils offrent, aussi souvent que je veux, l’occupation de l’appartement de leur fille qui sert de studio à Henri, car dans ses heures libres, il peint. À trois reprises au cours des années 90, je me trouverais à Paris où j’ai trouvé gîte chez les Rault. Voyez-vous, il est très utile de porter le béret.

Hier, assis chez Barnes & Noble, à St. George, en Utah, à boire un thé, un gros gaillard en culotte courte s’approche de moi. « Are you a fan of the Canadiens? » Je remarque la casquette des Rough Riders de Saskatchewan sur sa tête!  « Yes, and I live in Quebec ». « Tu parle français, demande-t-il ». « Mé oui, je répond ». Et la conversation se poursuit. Je lui demande sa provenance. « Un petit village dont tu n’as jamais entendu parler, Zénon Parc ». Alors, je le surprends en l’informant que je connais non seulement son village, mais des gens qui l’habitent dont la famille Marchildon. Je lui demande s’il a connu feu Léon, décédé récemment, s’il connaît sa femme, Hélène et les nombreux membres de leur progéniture. Je lui explique que j’ai même passé la nuit chez Léon et Hélène et que leur fils, Michel, aujourd’hui résident du Mile-End à Montréal, est un de mes bons amis. Ce gros monsieur n’en revenait tout simplement pas. « Le monde est petit, dit-il ». Oui, surtout le monde franco. Il a appelé à son épouse, Michelle, pour qu’elle se joigne à la conversation qui devenait tellement animée que j’ai oublié de prendre la photo pour cette chronique.

N’eut été la casquette du Canadien de Montréal, je serais passé à côté d’une rencontre fort enrichissante. Léo et Michelle LeBlanc de Zénon, comme tant d’autres Canadiens des provinces de l’Ouest passent leurs vacances d’hiver sous le soleil du désert du Sud-Ouest. Pendant plusieurs semaines, ils élisent domicile à Mesquite, dans le Nevada. Comme moi, ils s’apprêtent à retourner la semaine prochaine au pays de neige et de glace.


Vintage

Kaiser, Fraser, Studebaker, Hudson, Packard, Edsel… Voitures d’une autre époque. Vous en rappelez-vous ? Moi, à peine ! Jamais je pensais en voir s’activer en 2017. Si, dans les « car shows » ou dans des musées de voitures classiques, mais stationnées le 18 janvier 2017 devant la quincaillerie Ace Hardware, à St. George, en Utah, une Nash Métropolitaine de 1961…et décapotable par dessus du marché.

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Quelle était cette infatuation que nous avions, enfants, des « gros chars » ? Voici une petite histoire de ma jeunesse dans une petite ville états-unienne qui pourrait faire sourire quelques-uns. Elle est tirée d’un document intitulé Park City Remembrances publié ailleurs dans ce carnet (https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2008/09/20/park-city-remembrancesfor-english-see-belo/).

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MC CUSKERS

Mike was a couple of years older than I, but Blaine was my age. We had been together in Mrs. Reeve’s first grade and Mrs. Carlson’s second. At first, the McCuskers lived behind the Park City II Ward church in the house that Wendell Peterson would eventually buy, live in, then move to Sandy. I didn’t know Mike and Blaine too well then, but when they moved on to Woodside, just across the street from the same church I saw more of them. For a kid seven years old Blaine could really draw. He could dash out cartoon characters that were first rate. Mike and Blaine both considered themselves connaisseurs of fine cars and since I fancied myself somewhat of a specialist as well, having lived across the street from Mawhinney’s Sinclair Service and Chevrolet/Oldsmobile dealership and witnessed the construction of his new « show room », we spent many hours ogling the new models that were occasionally parked along Woodside. I remember three in particular which caught our eye. One, was a two-tone green Nash four door sedan that looked like a seasick beetle. The second, was a sleek, long, low (almost flat) blue Hudson usually parked in front of Mrs. Webber’s house. The last and, of course, the best was a great white Cadillac. What fascinated us the most about this King of Kars was the gas tank opening—there was none. We went over every inch of that car searching a gas cap or a hidden panel, but to no avail. One day we saw the owner, whom we didn’t know, getting into the car and Mike boldly asked him how he put in the gas. Pleased, I think, that we had thus scrutinized his pride and joy, he led us to the right tail light and pushed a small red button which appeared to be part of the tail light assembly. To our amazement, up popped the whole tail light apparatus revealing the gas cap. The mystery was solved.

Blaine impressed me in another way. He could whistle louder than anyone I had ever seen. I was determined to master the technique and develop the high tones as Blaine had. I worked until my lips ached and finally succeeded. When I still had kids at home and they heard Blaine McCusker’s high shrill whistle, they would come flying. Their dad wanted them on the double.

 


Ultime hommage à un ami

Mise en contexte : Le matin du 24 novembre, j’ai reçu un courriel qui m’a abasourdi. L’un de mes amis les plus chers venait de mourir. Il fallait s’y attendre, car cela faisait plusieurs années qu’il combattait avec acharnement cette maladie qui nous effraie tous, s’offrant aux protocoles expérimentaux pour prolonger sa vie et en souffrant les conséquences. Rémi m’a fait l’honneur de prendre la parole à ses funérailles qui ont eu lieu le samedi 26 novembre en la chapelle de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, avenue Pierre-Bertand, à Québec. Voici donc  les quelques remarques que j’ai livrées ce jour-là pour rendre hommage à ce grand ami qui était, à bien des égards, le frère que je n’ai jamais eu.

Ce carnet de voyages et rencontres en Franco-Amérique n’est peut-être pas la meilleure place pour en parler. Cela fait plus d’un mois que j’y pense. Il y a quand même une certaine logique. Rémi était l’un des premiers étudiants que j’ai rencontrés à l’Université Laval. Ni lui ni moi ne pouvions nous imaginer à ce moment-là l’influence que l’un en viendrait à exercer sur l’autre, et cela pendant une quarantaine d’années, au Québec et ailleurs.

Alors, je suis fier de vous présenter mon ami, Rémi Tremblay, disparu depuis peu. Je vous demanderais de me pardonner un récit aussi personnel et intime.

Rémi Tremblay, un homme d’exception

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Québec, 1971. Moi et ma famille venions de nous installer à Québec, immigrants des États-Unis. J’avais été engagé comme professeur de géographie à l’Université Laval. L’une de mes premières tâches fut de participer à un cours intitulé « Cas géographiques ». À tour de rôle, de semaine en semaine, un professeur se présentait devant les étudiants de première année pour parler de ses recherches. Puisque je venais d’écrire une thèse de doctorat à l’Université de Washington sur la croissance et la diffusion de l’Église mormone aux États-Unis entre 1850 et 1970, j’ai choisi de leur en parler. Je n’y ai pas ressenti un grand intérêt de leur part et suis retourné à mon bureau après un peu déçu. Tout à coup, un jeune homme de 20 ans fit irruption dans mon bureau en me saluant et en disant : « Hé, merci, c’était ben intéressant ça, c’est la première fois que j’entends parler des Mormons ! » Je lui demande son nom, « moi, mon nom, c’est Rémi Tremblay ! » et il est parti et je ne l’ai pas revu. Il a quitté la géographie après un an pour étudier en droit. C’était son droit !

Québec, 1978, sept ans plus tard. Je rentre en ville à la suite d’une année sabbatique passée en Louisiane. Un dimanche, en arrivant à la chapelle située au 765 Boulevard Charest Ouest, je vois plusieurs nouveaux visages dont deux particulièrement attrayants. Il s’agissait de ceux de Rémi et d’Hélène qui, après des mois et des mois d’études et de prières, avaient décidé de tenter leur chance auprès de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Et quelle chance que ce fut…et pour eux et surtout pour nous ! Rémi m’a vite rappelé notre seule rencontre d’il y a sept ans : « Tu vois, j’avais retenu quelque chose de ta causerie ! »

Quand je pense à l’historique de la foi mormone à Québec, deux noms surgissent : celui de Jerald Izatt qui a semé une graine en 1970 et celui de Rémi Tremblay, venu dix ans plus tard, soigner le jardin laissé légèrement à l’abandon afin de le restaurer en beauté et toujours avec un souci particulier pour les jeunes de la génération montante. Ces bâtisseurs sont partis maintenant à moins de deux ans d’intervalle. L’Église mormone à Québec leur doit tant. Personne, à mon avis, n’a autant fait à Québec pour l’Église et ses membres que celui dont nous célébrons aujourd’hui la vie.

Hier, j’ai vérifié les médias sociaux pour voir ce que les gens disaient de la disparition de Rémi. J’y ai glané une dizaine de commentaires. Sans exception, c’étaient des commentaires des jeunes, de deux générations différentes, qui avaient été influencés par cet homme. Je les  cite :

1ière génération

J’ai tellement de bons souvenirs et des moments heureux de jeunesse passés avec lui. Quelle profonde tristesse. (Michael Landry)

J’ai le cœur très lourd. Rémi faisait partie intégrante de ma jeunesse. (Jolyn Louder)

Hélène et Rémy occupent une partie considérable de mes souvenirs d’enfance. Ils me sont très chers. (Lysanne Louder)

Cher Rémi, parti trop jeune et trop vite. (Anne Baillargeon)

Rémi, Rémi, Rémi, t’es ben beau répondit l’écho. (rappel d’une chansonnette d’Anne Baillargeon, Lucie Garneau et Jolyn Louder)

A great, great man. (Katee Louder)

2e génération

Je suis triste d’apprendre la nouvelle. Il fait un peu partie de notre famille à Québec. (Xavier Louder)

Un autre phare qui s’en va, mon second père en quelque sorte. Au delà de toutes ses qualités, je n’oublierai jamais sa générosité inégalable et le fait qu’il s’est tellement oublié pour les autres. Et il aimait tellement la vie et ses deux princesses. (J-P Dion)

Repose en paix, Rémi. Tu peux maintenant te reposer de ton gros combat et continuer de veiller d’en haut sur tous les jeunes à qui tu as tant donné. Merci de m’avoir aidé à remettre la main sur la barre de fer. (Philippe LeBlanc)

Repose en paix, cher Rémi. Tu vas nous manquer. Tu étais une personne gentille, drôle, généreuse et tu étais un modèle pour tout le monde ! On t’aime. (Mariana Ferland)

Les Saints des Derniers Jours appellent leur lieu de culte « La Maison de Dieu ». C’est bien, c’est respectueux, c’est sûrement vrai. Mais si nous sommes ici aujourd’hui assis dans ce bel édifice, nous le devons à Rémi Tremblay. Nous sommes peut-être dans la Maison de Dieu, mais nous sommes également dans la Maison de Rémi. Il a trouvé le site ; il en a recommandé l’achat, il a géré le projet de construction et il a surveillé les travaux !

Ce que Rémi aimait, j’ai essayé d’en dresser une liste partielle :

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  1. Comme J-P l’a dit, il aimait ses « princesses ». Je me souviens d’une promenade avec Rémi. Où ? Je ne m’en souviens plus. Bois de Coulonge peut-être ou les Plaines ou le Domaine de Maizeret. Je sais que c’était un bel endroit et j’écoutais un Rémi, très sérieux, exprimer tout l’amour qu’il avait pour elles, ses princesses, et l’inquiétude qui l’habitait de l’avenir si quelque chose devait lui arriver. Un amour de jeunesse devenu un amour profond,  respectueux et compréhensif. Plusieurs années de vie de couple vécues dans l’espoir de voir arriver un enfant et, enfin, l’enfant tant attendue qui arrive apportant avec elle de la joie insoupçonnée et inimaginable. Cette belle fille tout à fait spéciale n’aurait pas pu mieux tomber que dans cette famille.
  2. L’Évangile de Mathieu nous raconte qu’un jour on a demandé à Jésus, « Seigneur, quel est le plus grand commandement ? » Jésus répondit, « Tu aimeras ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Rémi aimait-il Dieu ? Nicolas Beaubien, l’évêque de la paroisse vient de nous dire que Rémi avait sans cesse servi Dieu depuis 30 ans. À deux reprises et pour une période de plus de dix ans, il a occupé les postes qui sont, à mon avis, les importants dans la hiérarchie de notre église, ceux de Président de branche ou d’Évêque. C’est dans ces cadres-là, surtout, que l’on doit composer avec les problèmes réels des gens. J’aimerais que chaque personne dans cette salle à qui Rémi Tremblay ait rendu service lève la main. S’il vous a rendu plus d’un service, levez l’autre main ! Voyez-vous ? Il n’y a plus rien à dire à ce sujet ! Rémi, de toute évidence, a respecté sans faille les deux plus grands commandements.
  3. Rémi aimait voyager : chez son frère, Robert, en France, au pied des Alpes ; à son condo en Floride dont il n’a pas eu le loisir de profiter autant qu’il aurait voulu et qu’il avait obtenu grâce à son ancien patron, Serge, de multiples voyages en ma compagnie dont je voudrais vous en faire part de deux. D’abord, celui en Caroline du Nord. J’avais dit à Rémi que j’y allais pour participer à un congrès de l’Association américaine d’études religieuses. Il me dit : « ah oui, ça m’intéresse, je peux-tu y aller ? » « Mais oui », je réponds, « allons-y ». En arrivant, un peu pressés, on s’entend pour que j’aille nous inscrire et qu’il s’occupe de la location d’une voiture parce que nous avions envie de profiter du séjour pour visiter les grandes universités de la région : North Carolina, North Carolina, Wake Forest et Duke. Rémi tenait aussi à voir le stade à Charlotte où évoluaient les Panthers. On s’est donnés rendez-vous 45 minutes plus tard. L’inscription faite, je sors et je vois Rémi arriver au volant d’une Lincoln Continentale. « C’est tout ce qu’ils avaient » m’a-t-il dit, sourire en coin. Un voyage à Salt Lake est à un Saint des Derniers Jours ce que est une visite au Vatican pour un catholique ou un pèlerinage à la Mecque pour un musulman. En 1983, Rémi et Hélène et quatre autres amis de Québec (Lucille-Anne Landry et son fils, Michael, Robert Lavoie et la vieille Germaine Comtois) entreprirent le hajj mormon en notre compagnie. Nous avons parcouru l’État de l’Utah à visiter les merveilles naturelles et les sites historiques, mais ce dont je me souviens le plus, c’est la fête des noces d’or de mes parents. Du Québec, nous avions apporté des aliments que les gens là-bas ne connaissent pas : divers fromages, multiplicité de pâtés et de terrines. Nous avons tout étalé sur une longue table pour que les convives en prennent. Rémi s’est placé en arrière de la table et a sorti son meilleur anglais pour aider les amis de mes parents à faire leur choix. Il a assumé, sans qu’on ne lui demande, un rôle clé à cette fête, lui a donné un ton non seulement jovial et festif, mais français. Le plus drôle, c’est qu’un mois plus tard, un ami de mon père l’a appelé pour lui demander le nom de son traiteur parce qu’il désirait en engager le même.
  4. Rémi aimait les Canadiens de Montréal et les Remparts de Québec. À l’apogée de la grande rivalité Canadiens/Nordiques, Carole Turcotte et moi  avons tout essayé pour convertir Rémi, ce petit gars qui avait depuis toujours adoré la Sainte-Flanelle, en Nordique. Rien à faire ! Alors, jeudi soir, lorsque j’ai allumé la télévision pour regarder le match Canadien/Caroline joué au Centre Bell, j’étais en droit de m’attendre à ce qu’il y ait un moment de silence à la mémoire du Fan no. 1 des Canadiens de Montréal. Mais il n’y en a pas eu ! Depuis que les Remparts existent, Rémi et son frère, Aurélien, sont détenteurs de billets de saison. Maintenant, qui va accompagner Aurélien au Centre Vidéotron pour encourager les jeunes hockeyeurs, haranguer les entraîneurs et maudire les arbitres ?
  5. Rémi aimait son pays, le Québec. Cet été, il a eu 65 ans et, par conséquent, devint admissible à recevoir la pension de vieillesse du Canada. Il me dit, « hé, j’ai eu mon premier chèque du Fédéral ». Je réplique, « t’as pas honte, t’es pas gêné d’accepter du fric du Canada ? »  « Mé voyons, Dean, ça fait plus de 40 ans que j’envoie mon argent à Ottawa, il était temps qu’on commence à me rembourser ! »
  6. Rémi aimait recevoir. Oui, les individus chez lui, comme les jeunes missionnaires, les membres de la famille et parfois les parfaits étrangers. Il aimait aussi recevoir les groupes, pas à sa table, mais pour leur montrer sa ville. Combien de fois a-t-il reçu une demande en provenance des Saints des Derniers Jours aux États-Unis pour leur organiser le gîte et faire une visite de Québec et sa région ? Il m’appelait et disait. « viens-t-en, j’ai besoin de toi, on reçoit des Yankees ». Pourquoi aimait-il faire cela ? Pour rendre service, certes, mais aussi parce qu’il était fier du Québec, de Québec, de sa culture, de son peuple. Il savait que le Québec était différent, spécial, unique et désirait partager cette réalité avec tous ceux et celles qui voulaient bien l’entendre. Rémi, de Jonquière, du Saguenay, Québécois pure laine, s’il y en a, et fier de l’être.

Terminons sur les paroles d’un autre fier Québécois, mort récemment à l’âge de 100 ans, le père Benoît Lacroix, dont je garde toujours un livre à la portée de la main. Je vous fais lecture des extraits de son poème intitulé « Le Chemin » :

Mais on a un chemin à suivre


Aller rejoindre ceux qui nous écoutent


Aller où on doit aller et rencontrer les gens

Le chemin de la vie


Le chemin le plus long à vivre


Trop pressé d’arriver avant de partir


Relié à des horaires


On a peur d’inventer des chemins

J’ai des souvenirs nostalgiques reliés à la campagne


Chemin désert près du bois


Un événement beau à vivre


Mon père disait : on va ouvrir le chemin en premier


Inventer son chemin


Battre son chemin avant de le trouver


Ces événements sont significatifs.


Si un chemin n’est pas ouvert


Si on ne sait pas où on va c’est pénible

On n’ouvre pas le chemin seulement pour soi


On l’ouvre pour tous ceux et celles qui vont le prendre…

Rémi savait d’où il venait ; il savait où il allait et il était toujours en avant en train d’ouvrir ou de débrousailler le chemin.

Actes de courage, d’attente


Des amitiés où la route est difficile


L’avenir est là, il nous attend


On ne peut l’éviter


Il est au bout de mon présent


Annexé à mon passé.

S’habituer à réinventer son chemin


Quotidiennement j’avance sur le chemin du bonheur


Bonheur jamais parfait


Malheur jamais définitif


il y a bonheur partout


Il y a peine partout

 


La vieillesse est un risque


Au bout de la vieillesse, une échéance inévitable


Tunnel de la fin de ma vie


Si j’entre dans le chemin.

J’ai appris à corriger mes erreurs


Nous sommes plus forts


Nous sommes meilleurs que le découragement, l’échec


La route est en avant, pas en arrière


Le pire est en arrière


Courage–Amitiés—Espoir

Voilà l’héritage que le père Lacroix nous a laissés. Voici le legs spirituel que nous laisse mon frère, Rémi Tremblay.


Trump : héritier d’Irving et d’Astor

Mise en contexte : Michel Bouchard est originaire de Falher, en Alberta. Il est aujourd’hui professeur d’anthropologie à l’Université de la Colombie britannique du nord, située à Prince George. Au cours des années 90, il poursuivait ses études de maîtrise à l’université Laval où j’ai eu le bonheur de le connaître. Par la suite, nous sommes devenus amis et collègues. Deux de ses textes intitulés respectivement «  De l’Acadie à l’Alberta en passant par le Kansas sur les traces de la famille Comeau » et « Les Lamoureux de l’Alberta : un parcours vaste et complexe » figurent dans deux ouvrages réalisés sous notre direction : Vision et visages de la Franco-Amérique et Franco-Amérique. Le mois dernier, Michel et deux collègues, Robert Foxcurran et Sébastien Mallette, firent paraître chez Baraka Books un nouvel ouvrage Songs Upon the Rivers : The Buried History of the French-Speaking Canadiens and Métis from the Great Lakes and the Mississippi across to the Pacific.

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Ce sont les recherches menant à la publication de ce livre qui ont inspiré le court texte qui suit. Il s’agit d’une analyse fort originale de la victoire de Donald Trump à la récente élection présidentielle aux États-Unis. Scrutés sous tous les angles, personne ne pouvait imaginer que les résultats de cette élection pourraient peut-être trouver leur explication dans un processus historique impliquant les Canadiens [français], Métis et Créoles entamé il y a 200 ans. Comme de quoi, selon le vieil adage : « l’histoire se répète » Voici donc, son analyse :

* * *

Un riche capitaliste, propriétaire new-yorkais d’ascendance allemande, portant son regard vers l’Ouest, y a vu des sauvages et des étrangers polluant le paysage. Il fit écrire un livre afin de définir ce qu’est une nation, s’assurant que l’Américain idéal serait blanc, anglophone et viril. On ne parle pas ici du futur président Donald Trump, mais de l’homme d’affaires et magnat immobilier John Jacob Astor. Si Trump fit écrire The Art of the Deal par un journaliste, Astor a demandé à Washington Irving d’écrire Astoria, une œuvre qui définirait la nation et remettrait à leur place ces étrangers — majoritairement des Canadiens français, des Créoles et des Métis — tant détestés. Trump incarne l’héritage d’Astor et d’Irving : un pays blanchi, anglophone et machiste qui nie que ces communautés et autres groupes semblables n’aient jamais fait partie de l’histoire américaine.

Beaucoup d’encre, réelle et virtuelle, a servi à analyser les causes de la montée de Trump, mais rien n’a été dit sur le long parcours historique qui lui a donné naissance. Depuis près de deux siècles, on a construit une nation mythique américaine en écrivant notamment une histoire fictive basée sur la peur mêlée à une exubérance nationale débridée. Cependant, Trump est l’héritier d’un récit historique encore plus ancien dont l’objectif était de rendre les États-Unis « American » où les vrais héros archétypaux de la République seraient les self-made men, blonds, bronzés et anglo-américains.

Johann Jakob Astor, dont le nom anglicisé est John Jacob Astor, a quitté l’Allemagne pour l’Angleterre. Suite à la Révolution américaine, il s’installa à New York. D’abord vendeur de pianos, il s’impliqua ensuite dans le commerce des fourrures. Cette activité lucrative lui permit d’acheter de vastes terrains dans le petit bourg de Manhattan. Il deviendra rapidement le premier nabab immobilier, le premier multimillionnaire, et sa famille sera la plus riche d’Amérique. Si une partie de sa richesse vient de la traite des fourrures, il a aussi profité de ses réseaux mondiaux pour financer la contrebande d’opium vers la Chine, s’assurant ainsi des profits encore plus substantiels.

Mais comment diable a-t-il fait pour accumuler une telle richesse grâce à la traite des fourrures en Amérique ? Au Canada, le castor placé sur le revers des cinq sous nous rappelle que jadis la richesse venait du commerce international des peaux utilisées pour confectionner les très populaires chapeaux de feutre. Moins connu est le fait que la fortune d’Astor à Manhattan vient aussi de ce même commerce des fourrures. Pour arriver à ses fins, Astor s’est joint à d’éminents francophones de l’Ouest, Créoles et Canadiens, qui servaient d’intermédiaires entre les agents qui recueillaient les fourrures dans les postes éloignés et ceux du marché mondial. Pour s’assurer que son entreprise, l’American Fur Company, devienne prospère, Astor s’est aussi allié la famille fondatrice de Saint-Louis, le clan Chouteau. Cette famille faisait appel à des milliers de voyageurs et de commerçants francophones afin de s’assurer que les peaux tant convoitées pourraient être obtenues en commerçant avec les nations autochtones de l’Ouest américain. Le Canadien français et les Métis étaient les « Mexicains » de l’époque, c’est-à-dire une main-d’œuvre bon marché favorisant ainsi l’accroissement de la richesse de la prospère élite américaine. Astor vendit son entreprise dans les années 1830, avant la chute des prix des peaux de castor.

S’il avait été né aux États-Unis, Astor se serait sans doute présenté à la présidence, mais il a dû se contenter de Washington Irving et de son neveu, Pierre Munroe Irving, pour promouvoir son Amérique idéale. Dans Astoria, Irving a dû tourner la faillite du Pacific Fur Company, une « succursale » de l’Américan Fur Company, en une tentative de nation-building dans laquelle la vision d’Astor aurait facilité l’expansion de l’entreprise mère jusqu’au Pacifique. Dans son traité de 1836, Irving, en présentant un Astor plus grand que nature, a dénigré les hommes mêmes qui avaient assuré sa richesse. Il a, en somme, présenté les voyageurs canadiens comme des enfants à l’âme sauvage dont la culture était destinée à disparaitre à court terme. Il a décrit les habitants de l’avant-poste de la frontière du Missouri en ces termes : « [la] population de Saint-Louis est encore plus hétéroclite que celle de Mackinaw. Ici, on pouvait voir le long des berges de la rivière, les bateliers bruyants, extravagants et vantards du Mississippi [c’est-à-dire les Créoles francophones], et les gais, grimaçants, chantant et toujours de bonne humeur voyageurs canadiens [français]. » Rappelons que Mackinaw était anciennement le fort français de Michilimackinac situé sur le détroit qui sépare les péninsules supérieure et inférieure du Michigan ; ce lieu abritait alors une grande communauté francophone et métis, ou française et indienne.

Tout au long de ses travaux, Washington Irving ne cesse d’avilir les gens qui parlent français, un groupe linguistique qui, était encore majoritaire dans des villes telles que Saint-Louis et La Nouvelle-Orléans et qui l’avait été la génération précédente à Détroit. Il quantifie même la supériorité de l’Américain type. Dans The Adventures of Captain Bonneville, il cite un certain marchand, dont il tait le nom, qui déclarait : « En ce qui concerne la sagacité, l’aptitude à trouver des ressources, l’indépendance et l’intrépidité intellectuelle, je considère qu’un Américain vaut trois Canadiens. » Les Canadiens français n’ont pas la noblesse et la masculinité de l’Anglo-Américain idéal, et la description de ces hommes ressemble étrangement celle de l’« Autre » américain, qu’il soit mexicain ou musulman. Comme les Canadiens, Créoles et Métis d’antan, ces étrangers contemporains sont trop émotifs, trop vaniteux, trop paresseux, trop malhonnêtes pour être à la hauteur de l’Anglo-Américain idéalisé.

Les travaux d’Irving, qui ont été publiés sous forme de feuilleton dans les journaux et de romans bon marché, encensaient les vrais Américains de l’Ouest qui propageaient la « civilisation », et ce, au détriment des locuteurs français qui, pourtant, avaient joué un rôle si important dans l’histoire de la région. Le film How the West Was Won les a aussi complètement gommés du récit. Les Canadiens français, Créoles et Métis entre autres sont carrément évacués de cette épopée cinématographique d’époque ; seul un certain « Jacques » y apparait tout à fait par hasard, et c’est là l’unique référence à la présence de la langue française.

En gommant la présence du français, le récit américain a du même coup perdu un modèle convaincant de multiculturalisme. Sans nier les idéaux d’une pureté raciale, les Français s’étaient alliés à des femmes appartenant à diverses tribus autochtones. Des esclaves émancipés, tel que John — probablement Jean — Brazeau, pouvaient devenir d’importants commerçants à l’époque du commerce des fourrures. On était libre d’être Canadien dans l’Ouest américain, même si la plupart de ses ancêtres étaient amérindiens. Le français était la lingua franca du continent à l’époque. En plus de sa propre langue, règle générale, le Canadien parlait une ou plusieurs langues indigènes et ils ont volontairement adopté les pratiques culturelles autochtones.

Un cas révélateur s’est présenté dans les années 1830 alors qu’Alexis de Tocqueville s’est rendu dans ces régions sauvages. Là, il rencontre un homme vêtu à l’indienne qui s’adresse à lui dans un français typique de la Normandie. L’érudit français est étonné, il prétend qu’il n’aurait pas été plus abasourdi si son cheval lui avait parlé dans sa langue natale. L’homme lui explique qu’il a un père [canadien] français et une mère amérindienne. Tocqueville note dans son carnet comment une race singulière de peuple métissé était disséminée aux frontières du Canada et des États-Unis.

En oubliant le passé multiculturel, multilingue et multiracial qui caractérisait les États-Unis, le mythe d’une Amérique blanche est parvenu à dominer le récit national. Ce mythe veut que les Anglo-Américains blancs ne soient pas métissés au point de vue racial. Pour reprendre les mots codés du groupe d’extrême droite Alt-Right, ce sont de vrais mâles alpha. Dans ce récit du passé américain, les Anglo-Américains étaient de vrais hommes, et leur monumentalité, largement mythique, ne doit pas être oubliée. Ce récit continue d’en inspirer plusieurs, il a certainement contribué, du moins en partie, à l’étonnante victoire de Trump. Astor et Irving seraient sans aucun doute très fiers !

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Michel Bouchard et sa conjointe, Ekaterina aux chutes Montmorency, circa 2011

 

 


Se sucrer le bec chez Vidricaire dans Montcalm

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Il n’y avait pas de point de vente. Depuis 10h, ce matin, il y en a un! J’étais parmi les premiers clients chez Gaël Vidricaire. Depuis trois ans, Mme Vidricaire, Ph.D. et pâtissière (c’est marqué sur sa carte d’affaires) poursuit à partir de chez elle la conception et la concoction de desserts. Seuls les abonnés à la carte desserts avaient accès aux offres exclusives sucrées. Plus maintenant ! À partir d’aujourd’hui, le public est convié les mercredi, jeudi, vendredi et samedi, au coin de Crémazie et Bourlamarque, pour se sucrer le bec et passer des commandes.

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Curieux quand même cette histoire de « Ph.D./pâtissière ». C’est que dans une première vie professionnelle, Gaël, détentrice d’un doctorat en biologie et immunologie, travaillait en laboratoire. Enfin, elle a troqué son sarrau pour un tablier, poursuivant divers stages en France avec des virées dans certaines des meilleures maisons de Paris. De retour à Québec, elle a gagné ses galons au Truffé du Boulevard Père-Lièvre.

2016-11-24 11.00.11

Oyez, oyez, bonnes gens de Montcalm, hâtez-vous voir au 200 Crémazie!