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Je me souviens (c1907)

Il a déjà été question de Rémi Tremblay (1847-1926) dans ce blogue. Ce journaliste se plaisait à décrire l’actualité en parodiant des chansons populaires, à la mode ou folkloriques. Ses pièces étaient souvent légères, et sans prétention littéraire, mais il en a produit de plus tragiques, comme Aux Chevaliers du nœud coulant (allusion aux bourreaux de Louis Riel…) qui lui fit perdre son poste de traducteur aux Communes. Celle qui suit constitue un véritable cours d’histoire pour les Canadiens français et prend pour titre la devise créée par Taché qui deviendra officielle en 1939.

Tremblay, Rémi

Je me souviens du temps où les tendres caresses
De parents vénérés savaient sécher mes pleurs,
Où Clio, me narrant les antiques prouesses,
M’entrouvrait du passé les vastes profondeurs.
Je me souviens des jours de ma première enfance,
J’étais naïf alors et je le redeviens.
Des vieux actes de foi, d’amour et d’espérance,
Je me souviens.

Je me souviens d’un temps, qui reviendra peut-être,
Où le mérite avait le pas sur l’entregent,
Où l’on sacrifiait volontiers son bien-être
Au devoir, sans passer pour inintelligent,
Où le vice doré n’osait lever la tête,
Où la seule vertu comportait tous les biens.
D’un temps où l’on était tout simplement honnête.
Je me souviens.

Je me souviens — Voyez, si j’ai bonne mémoire
Alors que sur mon front douze lustres ont lui —
Je me souviens d’exploits consignés dans l’histoire
Qui scandaliseraient nos hommes d’aujourd’hui.
Si l’on mourait encor pour défendre sa race,
Lorsqu’ils verraient surgir des héros canadiens,
Nos froids calculateurs se voileraient la face.
Je me souviens.

Je me souviens aussi des jours de défaillance.
Où nos chefs, oublieux de notre dignité
Ont, après un semblant de molle résistance,
Laissé porter atteinte à notre liberté.
De tous les tyranneaux qui se disaient nos maîtres,
De ceux qui se sont faits leurs perfides soutiens,
Des lâches apostats, des vendus et des traîtres,
Je me souviens.

Je me souviens aussi des braves patriotes
Morts au champ de l’honneur: de tous ceux qui, jadis,
Ont su rester debout en face des despotes,
Réfractaires et sourds aux lâches compromis.
De ces fiers laboureurs qui, prompts comme la foudre,
Savaient se transformer en soldats-citoyens,
(Sans vivres, sans argent, sans fusils et sans poudre.)
Je me souviens.

Je me souviens de ceux qui, dans une autre sphère,
Ont su, par leurs écrits, leurs actes, leurs discours,
Assurer, sur le sol du nouvel hémisphère,
Des généreux efforts le précieux concours.
Des hardis découvreurs, prêtres et moralistes,
Poètes, romanciers, doctes historiens,
Apôtres du progrès, orateurs, journalistes,
Je me souviens.

Je me souviens. Malgré ce qu’on a feint de croire,
Je n’admettrai jamais qu’un malheureux traité,
Nous dérobant le fruit d’une ultime victoire,
Nous décerne un brevet d’infériorité.
Nos pères, en tous lieux signalant leur vaillance,
Se sont montrés du droit inflexibles gardiens.
Admirant leurs hauts faits, des gloires de la France,
Je me souviens.

Rémi Tremblay
Tremblay, Rémi -livre

 



Mémo à PKP

(À la manière de Rémi Tremblay, qui aurait trouvé autant d’inspiration à notre époque que dans la sienne. Sur cet auteur, voir href= »https://blogue.septentrion.qc.ca/wp-content/uploads/archives/gastondeschenes/2011/05/a_la_maniere_de_remi_tremblay_1.php#more »>https://blogue.septentrion.qc.ca/wp-content/uploads/archives/gastondeschenes/2011/05/a_la_maniere_de_remi_tremblay_1.php#more.)
Il suffisait de presque rien,
Deux ou trois députés de moins,
Pour nous en sortir sans problème.
Le Parlement, c’est pas malin :
Les députés prennent bien soin
De poser du côté qu’on aime.
C’est un peu comme au cinéma :
Faut pas se fier à ce qu’on voit,
C’est ailleurs que les forces agissent.
A quoi bon jouer la comédie
Du Parlement qui étudie
Quand tout est réglé en coulisses ?
Non, mais, de quoi avons-nous l’air ?
J’entends déjà les commentaires ?
« C’est bien joli,
Démocratie et patata,
Mais, nous, on veut notre aréna ».
Le Parti québécois voulait,
Les libéraux étaient muets
Et l’ADQ, entre deux chaises.
Le Conseil de ville est soumis,
La presse domestique a mis
Sa critique entre parenthèses.
Mais les Picard, Caire et Khadir
Ont tout fait pour que ça chavire
Et je comprends que tu sois triste.
Si tu vois s’éloigner la manne,
Moi, je pense à Gary Bettman :
Québec se fait sortir de piste.
Non, mais, de quoi avons-nous l’air ?
J’entends déjà les commentaires ?
« À la mairie,
Y a-t-il un plan B pour nous faire
Revoir du hockey cet hiver ? »
Est-ce un autre que moi demain
Qui prendra le dossier en main ?
Qu’aurais-je donc pu faire de plus ?
Pendant qu’on parle de tramway,
Que je rêve d’un TGV,
Faut-il resortir l’omnibus ?

À la manière de Rémi Tremblay (qui aurait sûrement fait mieux !)

Il fut un temps où les journalistes se plaisaient à décrire l’actualité en parodiant des chansons populaires, à la mode ou folkloriques. Rémi Tremblay (1) (1847-1926) en a commis de fameuses dans Le Canard et La Presse (hé, oui !), comme Le ministère des veaux, Nos grands hommes, ou encore Le chant des libéraux, dont la thématique s’apparente à une œuvre récente de Loco Locass. Ses pièces étaient souvent légères, et sans prétention littéraire, mais il en produisit de plus tragiques, comme Aux Chevaliers du nœud coulant (allusion aux bourreaux de Louis Riel…) qui lui fit perdre son poste de traducteur aux Communes.
La mode s’est perdue. C’est dommage. Il ne manque pourtant pas de sujets pertinents. En m’envoyant un couplet inspiré de la plus brûlante actualité, un ami poète m’a donné l’idée de renouer avec le genre que pratiquait si habilement Tremblay.
En lisant le titre, on devinera la chanson parodiée, bien connue des Québécois (2) qui l’ont apportée de France où elle s’appelait Sur la route de Louviers. Aristide Bruant l’a enregistrée il y a exactement 100 ans (http://www.lehall.com/galerie/travail/t3_3.html) .
Et, d’avance, excusez-la !

La déroute de Berthier (3)

1.
Prenez l’temps de vous asseoir (bis)
Pour écouter cette histoire. (bis)
C’est arrivé (bis)
Lundi passé, (bis)
La dernièr’ fois qu’on a voté
Dans Berthier-Maskinongé.

2.
Dans ce « beau et grand comté », (bis)
Jack Layton était peiné (bis)
Il n’avait pas (bis)
De candidat. (bis)
Qu’importe : il a tout réglé ça
Dans un bar à Ottawa.

3.
Mais la recrue, sans espoir, (bis)
Est restée à son comptoir, (bis)
Sauf un répit : (bis)
Elle est partie (bis)
Tenter de gagner le jackpot
Au lieu d’faire du porte-à-porte.

4.
Les électeurs de Berthier (bis)
Ont vu Jack à la télé. (bis)
Ils l’ont trouvé (bis)
Tell’ment chummy (bis)
Qu’ils ont voté sans trop penser.
Un banc de maskinongés !

5.
Quand notre télé d’État (bis)
Leur apprit les résultats, (bis)
Ils ont compris (bis)
Un peu contrits (bis)
Que les poteaux de téléphones
À Berthier sont anglophones.

6.
Les jours passent, le chef refuse (bis)
De répudier sa recluse : (bis)
« Faut pas y voir (bis)
La fill’ d’un soir. (bis)
Elle aura le dossier Labeaume
Dans mon cabinet fantôme ».
—————-
1. Jean Levasseur a publié une remarquable anthologie de ce journaliste-écrivain, Aux chevaliers du nœud coulant, Québec, PUL, 2007, 534 p.
2. On peut trouver la version québécoise à plusieurs endroits sur la Toile avec (http://gauterdo.com/ref/ss/sur.la.route.berthier.html) ou sans (http://www.youtube.com/watch?v=Vh-2TD6_qnM) paroles.
3. Au sens figuré, situation catastrophique (Larousse).

Roméo et Juliette (bis)

« Pour le moment, le monde trouve ça « ben cute », du moins officiellement, mais ça peut difficilement durer ».
C’est ainsi que se terminait ma note du 7 mai 2009 sur nos Roméo et Juliette parlementaires. Je pourrais dire « je l’avais dit » mais c’était tellement bien écrit dans le ciel.
Plus difficile d’imaginer comment s’est terminée « l’affaire ». Mais, à tout hasard, avançons une hypothèse sur les derniers mots:
« Ne me quitte pas
Il faut l’oublier
On ne pourra pas
Ainsi continuer
Je t’ai averti
C’est trop demander
Que de traverser
Dans votre parti
Les deux vire-capots
Qui m’ont précédé
Ne m’incitent pas trop
À récidiver
Ne me quitte pas
Etc. etc.
On a vu souvent
Dans le Parlement
Des unions qui durent
Des législatures
Il est paraît-il
Des couples interdits
Mais c’est plus facile
Dans un même parti
Et quand vient le soir
Pour pouvoir durer
Faut pas se faire voir
Sur la Grande Allée
Ne me quitte pas
Etc. etc.
Ne me quitte pas
Je t’inventerai
Des questions plantées
Que tu comprendras
Si les miens critiquent
Trop tes politiques
Je t’avertirai
Sur ton blackberry
Autrement, bien sûr,
En cas de censure
Je m’éclipserai
Pour ne pas voter
Ne me quitte pas
Etc. etc.
Fouillez-moi pourquoi
On a pu penser
Que cette affaire-là
Pouvait continuer?
Il est bien connu
Quand on est complice
Que l’amour est plus
Fort que la police
Ceux qui pensaient ça
N’avaient certes pas
Rencontré les types
Du bureau du whip
Ne me quitte pas
Etc. etc.
Ne me quitte pas
S’il faut maintenant
Finir mon mandat
Sur un arrière-banc
Je démissionnerai
Pour aller veiller
À tes intérêts
Dans ton cabinet
Tenir l’agenda
Faire les jobs de bras
Chauffeur de ton char
Ou garde-du-corps
Ne me quitte pas
Etc. etc. ».

Requiem pour Clotaire

(Air : Mon chapeau de paille)
Dédié à Isabelle Porter
1
À Québec, un chef peu banal
Menait grand cheval de bataille :
Jeter sa « Vieille Capitale »
À la ferraille.
Et vu qu’ici, dans son esprit,
On n’avait pas talent qui vaille
C’est aux États qu’il découvrit
Clotaire Rapaille.
2
Pour attirer les étudiants,
Les visiteurs et la marmaille,
Il cherchait un brillant slogan
À notre taille
(Celle de la ville évidemment…).
De ce projet qui le travaille,
Il discuta en déjeunant
Avec Rapaille.
3
Quand arriva le consultant
Devant Québec et ses murailles,
Il séduisit les habitants
Avec sa gouaille.
On fit quêter exprès pour lui
Trois cent mille balles, et des grenailles.
C’était pas cher pour un génie
Comme Rapaille.
4
Les citoyens avaient la trouille
Que ce projet troublant déraille,
Plusieurs trouvaient gênant qu’on fouille
Dans leurs entrailles.
Bientôt, un journal trop curieux
Se mit à dénicher des failles
Dans le c.v. si merveilleux
Du cher Rapaille.
5
En quelques jours, on vit détruit
(certains en rient, très peu en braillent)
Le capital de sympathie
Du p’tit canaille.
La mairie dut se repentir
Devant la presse et sa mitraille,
Puis, à regret, se départir
De son Rapaille.
6
De cette histoire, la morale :
Pensez-vous vraiment qu’il nous faille
Mener la « Vieille Capitale »
Aux funérailles ?
Depuis quatre cents ans qu’on dure,
Commémorons cette bataille :
« Il a frappé ici le mur,
Ci-gît Ripaille ».
(Pour écouter Mon chapeau de paille, par Conrad Gauthier sur le Gramophone virtuel :
http://amicus.collectionscanada.ca/gramophone-bin/Main/ItemDisplay?l=1&l_ef_l=-1&id=682471.1257122&v=1&lvl=1&coll=24&rt=1&rsn=S_WWWdaaqCQSLi&all=1&dt=MC+|mon|+ET+|chapeau|&spi=-&rp=1&vo=1)