Taylor, MS (288 habitants), 10 km au sud d’Oxford, ville universitaire de 10 000 habitants, selon les uns, ou de 19 000 habitants, selon les autres, la population ayant presque doublé grâce à l’annexion récente d’un territoire de neuf kilomètres carrés pris à même le comté de Lafayette au cœur duquel se trouve Oxford.
Hier soir, en compagnie de nouveaux amis, Anna, Hélène, Thea, Lucien et Charlie, je me suis rendu à Taylor me régaler. Les deux premières enseignent respectivement, à l’école secondaire d’Oxford, l’allemand et le français. L’une est d’origine allemande, l’autre est Parisienne. Hélène est déchirée entre l’idée de rentrer en France à sa retraite, pays qu’elle considère encore le sien, et où demeure sa mère centenaire, ou de rester aux États-Unis où elle a élevé ses deux filles dans la vingtaine. Celles-ci ne partagent évidemment pas, au même degré, son affection pour le vieux continent. Théa et Charlie m’offrent le gîte chez eux. J’occupe le « guest house » situé dans leur cour arrière. Lucien, originaire du sud de la Louisiane, est professeur de physique à l’université du Mississippi.
« Chez moi » à Oxford
Le régal eut lieu au Taylor Grocery qui n’est plus, depuis 32 ans, une épicerie. Érigée comme mercerie en 1889, la bâtisse a souvent changé de fonctions et de propriétaires. Alors que la mercerie appartenait à Harry Browning, Elton McClain y avait installé une chaise de barbier. Par la suite, Phil Maples avait transformé les lieux en magasin général. Enfin, en 1977, Jerry et Evie Wilson décidèrent de gagner leur vie en y faisant cuire pour la vente de la succulente barbue. Les propriétaires actuels, Debbie et L., continuent avec succès la tradition.
L’endroit me fait penser au Café des amis, à Pont-Breaux, en Louisiane, ancienne quincaillerie réaménagée en restaurant. En y mangeant écrevisses, « chevrettes », gombo, jambalaya ou d’autres spécialités de la région, on se laisse bercer et brasser par des sons de la musique cadienne ou zydeco. Au Taylor Grocery, on mange de la barbue apprêtée de mille et une façons en écoutant la musique d’ici : du blues ou du bluegrass ou un mélange des deux.
La barbue? Vous ne savez pas ce que c’est? Au Québec ou en France, on dirait peut-être « poisson-chat ». Partout dans le Sud des États-Unis, on consommerait du catfish, ou « barbue » en français cadien. J’ai pris la mienne « brûlée », des tendres morceaux de barbue légèrement enrobés d’une très mince croûte bien grillée et fumée—« blackened » dans le jargon de la cuisine néo orléanaise.
À la fin de la soirée, les clients bien rassasiés, Hélène et Thea, amies de Wendy, l’une des musiciennes, ont passé le béret et le chaudron afin de ramasser des sous. Selon l’écriteau inscrit au mur derrière la scène : Les musiciens travaillent pour des pourboires : It’s hip to tip!