Hier, l’achat d’un billet pour le retour sur scène de Zachary Richard au Petit Champlain, à Québec, les 6 et 7 avril prochains, m’a reporté à Oxford par une belle soirée printanière. Pourquoi? C’est que le 10 mars, j’ai pu assister au Lyric à un spectacle qui passait en direct sur les ondes de Rebel Rock (92,1 FM), radio communautaire de l’université du Mississippi, et sur celles du réseau public de l’État du Mississippi (Mississippi Public Radio), poste affilié au PBS (Public Broadcasting System).
Dans cet édifice historique, qui est, en vérité, une ancienne salle de cinéma, réaménagée il y a quatre ans en salle de spectacle, à l’image du Petit Champlain, Jim Dees, de Thacker Mountain Radio (TMR), a animé une émission d’une heure qui s’est poursuivie en quatre temps.
D’abord, une prestation musicale des Yalobushwhackers, spécialistes de la musique locale, axée largement sur les blues et le bluegrass. Les « Whackers » constituent le « house band » —groupe musical en présence à la programmation hebdomadaire du TMR—et lui donnent sa saveur.
Par la suite, André Dubos III, fils de l’écrivain d’origine louisianaise, André Dubos II, a lu des extraits de son nouveau roman, Townie : A Memoir, publié ces jours-ci chez W.W. Norton. Autobiographique, le livre raconte l’adolescence de l’auteur vécue dans les quartiers durs d’un « milltown » du Massachusetts, en l’absence d’un père négligent, démissionnaire et coureur de jupons. L’œuvre de Dubos rappelait, par la mise en scène, celle de Kerouac, mais pas par l’expression narrative. Si ti-Jean (Jack) avait habité ces endroits aux années 70 et 80 au lieu des années 30 et 40, aurait-il emprunté un style similaire. J’espère que non!
En troisième lieu, John Francis, jeune compositeur/interprète de la région de Philadelphia, PA, a chanté plusieurs chansons de son nouvel album, The Better Angels, dont la magnifique « Who » qui constitue à la fois une plainte et une complainte : une plainte à l’égard de la société américaine et de son militarisme et de sa détérioration et une complainte pour laquelle il a été primé comme jeune artiste à forte conscience sociale.
(http://johnfrancismusic.bandcamp.com/track/who)
Le clou de la soirée? L’apparition sur scène des « Quiltermakers of Gee’s Bend » et leur interprétation de « Amazing Grace » accompagnées des Yalobushwackers et de concert avec le public.
Le bled de Gee’s Bend est situé dans un méandre de la rivière Alabama, à 60 km au sud-ouest de la ville de Selma, en Alabama, bien connue par le public en raison des marches de cette ville à la capitale de Montgomery par Martin Luther King, Jr et ses disciples en 1963. Les descendants des esclaves de la plantation de M. Gee, comme beaucoup des ancêtres canadiens, ont développés des pratiques efficaces pour éliminer tout gaspillage afin de mieux survivre dans les conditions difficiles et parfois insalubres. L’une d’elles a été celle de la fabrication de courtepointes. Aucune guenille ne fut perdue, les morceaux les plus intéressants, les plus colorés, les meilleurs se trouvèrent transformés, par les doigts agiles, forts et habitués des femmes, en couverture, oui, mais aussi en œuvres d’art.
Grâce à l’historien de l’art, Bill Arnett, et son fils, Matt, celles-ci ont été dévoilées ces dernières années un peu partout au pays. À l’heure actuelle, elles ont exposées au Musée Skipwith, sur le campus de l’université du Mississippi.
Ces fabricantes de courtepointe africaines américaines ont peut-être ceci d’original. Autrefois, leurs ancêtres chantaient au fil des heures et des heures en effectuant la cueillette du coton. Les Quiltmakers de Gee’s Bend ont maintenu la tradition de chanter en travaillant. C’est donc une partie de leur répertoire negro spiritual associé aux courtepointes qu’elles ont partagé ce soir mémorable au Lyric.