De son socle au-dessus du Saint-Laurent, Champlain surveille sa ville. En ce troisième jour de l’automne, ça grouille autour de lui. La terrasse Dufferin est noire de monde.
Je songe à un article que j’ai écrit en 1978. Ouf, cela fait plus de 30 ans! J’y décrivais des parallèles historique et actuel qui existent entre le Vieux Carré de la Nouvelle-Orléans et le Vieux-Québec, insistant beaucoup sur des valeurs culturelles. En conclusion, je disais :
Certes le Vieux Carré et le Vieux-Québec sont des endroits sans pareils. Constituent-ils des vestiges urbains de l’Amérique française? En dépit de toute la rhétorique d’un « Disneyland nordique », on peut répondre dans l’affirmative pour le Vieux-Québec. Pour l’instant [est-ce encore vrai en 2011?], il est le symbole d’un passé, d’un présent et d’une culture vivante. Bien sûr, il existe des cancers au sein du Vieux-Québec, dont Place Royale, un artefact rappelant le passé mais ne le symbolisant guère et encore moins le présent. Ce diagnostic est encore plus précis pour le Vieux Carré! Ce qui se passe à Place Royale et un peu partout dans les rues et ruelles les plus fréquentées du Vieux-Carré constitue l’appropriation de la culture à des fins commerciales. L’utilisation des formes culturelles vidées de tout rapport organique avec leur contenu est non seulement absurde, mais elle entraîne l’aliénation …
Aujourd’hui, alors que la population locale du Vieux-Québec diminue toujours sans cesse et que le quartier se trouve de plus en plus envahi par des touristes de tout acabit, y compris des amateurs de croisière qui arrivent chaque automne de plus en plus nombreux, la question reste entière. Évidemment, le tourisme de masse et les événements de sport extrême comme le Red Bull Crushed Ice attirent des sommes énormes pour les commerçants du secteur, mais à quel prix pour les résidents?
|
Crown Princess |
Aida Aura |
Mise en service |
2006 |
2003 |
Pavillon |
Bermudes |
Allemagne |
Longueur |
290 mètres |
202 mètres |
Nombre de passagers |
3 200 |
1 266 |
Nombre d’équipage |
1 160 |
418 |
Tonnage |
113 000 t. |
42 000 t. |
En 1977, nous avons mené une enquête auprès des résidents du Vieux Carré. Il visait à exploiter cinq thèmes : (1) réseaux sociaux à l’intérieur et à l’extérieur du Vieux Carré; (2) connaissances géographiques et historiques du quartier français et de ses rues et monuments; (3) sentiments des résidences à l’égard des touristes; (4) reconnaissance de l’évolution du quartier et attitude vis-à-vis des politiques régissant non seulement l’aménagement mais aussi la vie du quartier et (5) caractéristiques des résidents eux-mêmes. L’enquête révéla en premier lieu que beaucoup de résidents du Vieux Carré nourrissent des sentiments personnels assez profonds vis-à-vis de leur voisinage qu’ils assimilent à une sorte de village. La presque totalité de leurs activités s’y déroulait, la plupart des services y étant disponibles. Ils ne quittèrent que rarement leur quartier. D’autres jouissaient de l’anonymat que ce quartier leur assurait. Certains adoraient le milieu historico-culturel sans toutefois être en mesure d’en définir le contenu. Étant pour la plupart des locataires, les résidents n’avaient guère de sentiment d’appartenance. Tous se rendaient compte que la préservation et l’aménagement n’étaient pas entrepris pour leur bien, mais plutôt pour celui du visiteur occasionnel. Bref, le French Quarter n’était jamais à eux. Il fallait toujours le partager.
Contrairement à la Nouvelle-Orléans, au Québec il y a l’hiver. Au moment où la température baisse et que la neige tombe, le Vieux-Québec revient temporairement au Québécois. J’ai assez hâte au mois de novembre!