À Oxford High, « le français n’est pas une langue étrangère »

De loin, les lieux de l’École secondaire d’Oxford ont l’air bien paisible. À l’entrée, le doute s’installe, mais il est de courte durée. L’interdiction de tabac, de drogues et d’armes à feu semble donner des résultats.

DSC01754.JPG

DSC01755.JPG

Tout est calme. Tout est propre. L’accueil au bureau de la direction est chaleureux et encore plus à la bibliothèque où une quarantaine d’élèves m’attendent pour se faire dire que le français n’est pas une langue étrangère.

DSC01757.JPG

DSC01756.JPG

C’est là ma position et je suis heureux de voir que, de plus en plus, les départements de langues dans les universités américaines se disent de « langues modernes » et non de « langues étrangères ». Les élèves furent réceptifs à mon message livré en deux parties de 25 minutes chacune—la première consacrée à l’histoire et à la géographie, et le second à la musique—séparées d’une pause de 20 minutes pour passer rapidement à la cafétéria.

Nous avons commencé par Samuel de Champlain et ses 25 traversées de l’Atlantique en 33 ans. (Voir « download file » dans ma chronique du 3 octobre 2003.) Les élèves ont découvert que la permanence française fut établie en Amérique (Acadie, 1604) trois ans avant celle des Anglais (Jamestown, 1607) qui n’a précédé que d’une année la fondation de Québec.

Ils ont appris que les bases historiques de la Franco-Amérique sont foncièrement « amériquaines », étant constituées autour de trois foyers : Acadie, Nouvelle-France et Louisiane. Au lieu de rester figés au sein de leurs foyers respectifs, les Canadiens et Acadiens ont rayonné, à travers l’histoire, partout sur le continent. Le rayonnement à partir du foyer louisianais a favorisé les francophones de couleur (Créoles noirs) qui ont établi des communautés importantes en Californie tandis que les francophones blancs de plusieurs souches, y compris la souche acadienne, sont d’excellents exemples d’enracinement.

Les toponymes français parsemés à travers le Canada et les États-Unis témoignent de la mouvance franco. L’État du Mississippi n’échappe pas à cette réalité avec son comté Leflore (la fleur) et son chef lieu Boisvert Malmaison (Greenwood) et son vieux cœur, Delisle, établi en 1712 sur la côte du Golfe du Mexique par des Canadiens. L’importante ville de Pass Christian porte le nom de Christian L’Adnier, membre de l’équipage d’Iberville. Les L’Adnier sont aujourd’hui des Ladner et constituent l’une des familles franco les plus nombreuses de l’État. Mentionnons également les Dédeaux, Swanier et Saucier.

Fig.3_francomouv

Aujourd’hui, ceux qui sont de « sang français » —au sens le plus large possible du terme—comptent une vingtaine de millions et se trouvent partout sur le territoire de l’Amérique du Nord. Ceux qui parlent encore français, moins nombreux évidemment (9 millions), se manifestent aux quatre coins du continent.

Origine_10

Parle_maison

La Franco-Amérique contemporaine peut se résumer ainsi :

Fig.7_facecachee

Une plaque tournante québécoise entourée de contreforts (Ontario, Acadie, Nouvelle-Angleterre). Au large, un creuset louisianais et des îlots « canayens » et métis dans l’Ouest, autant américain que canadien, un axe dynamique rejoignant Port-au-Prince, Miami, New York et Montréal et le tout alimenté d’immigration internationale, de plus en plus en provenance d’Afrique francophone.

Avec ce schéma en tête, les élèves écoutèrent, à la suite des explications sur l’artiste et la pièce, des échantillons de la chanson franco d’Amérique :

De Louisiane : Zachary Richard avec « Réveille » et « Travailler, c’est trop dur » (à chanter à Mme la prof Hélène Berton quand elle demande aux élèves de travailler davantage).

Du Nouveau-Brunswick : Annie Blanchard avec « Évangeline ».

Du Québec : Gilles Vigneault avec « Mon pays ».

Du Québec/Haïti : Luck Merville avec « On veut faire la fête ».

Du Québec/Rwanda : Corneille avec « Seul au monde ».

Du Manitoba métis : Coulée avec « La batture ».

Du Québec : Céline et Garou avec « Sous le vent ».

Quelle ne fut la surprise pour certains élèves de découvrir que la diva québécoise n’était pas américaine pure!

Étant donné la bonne conduite de tous, j’ai terminé la séance par leur offrir du lagniappe, ce petit extra que l’on donne en Louisiane aux gens que l’on apprécie. Il s’agissait d’une invitation à m’accompagner à Mamou, à Basile ou à Eunice le 16 février prochain pour « courir le Mardi gras ». Évidemment, ces jeunes avaient entendu parler du Mardi gras de la Nouvelle-Orléans. Accompagnés de leurs parents, plusieurs avaient déjà participé à l’un ou l’autre de ses grands défilés. Sur les traditions du Mardi gras en Louisiane rurale, ils ignoraient tout!

6702 mardi gras

Mardi gras à Basile, LA