Le Centre d’études franco-canadiennes de l’Ouest (CEFC0) existe depuis 1978. Ayant son siège social au Collège universitaire de Saint-Boniface (CUSB), il a comme objectif général la promotion de la recherche sur la vie française dans l’Ouest canadien, et cela dans les domaines suivants : histoire, littérature, folklore, musique, architecture, peinture, chant, linguistique, éducation, sociologie, politique et communications. En plus de promouvoir la recherche, le CEFCO a deux objectifs spécifiques : la documentation et la publication. La documentation est conservée aux archives du CUSB où le public universitaire et la population en général y ont accès. La publication se fait surtout par le biais des Cahiers franco-canadiens de l’Ouest qui publient, entre autres, les actes d’un colloque tenu bi annuellement à différents endroits dans les provinces de l’Ouest. Les 24 et 25 septembre derniers, celui-ci eut lieu au campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta sous le thème « ‘Impenser’ la francophonie ».
Pour amorcer en grande pompe le colloque, les organisateurs ont fait venir de la Sorbonne le professeur Jean-Michel Lacroix qui devait, selon le titre de son allocution, évoquer les enjeux de la francophonie. En fait, il s’agissait davantage d’un bilan de la situation de la francophonie à diverses échelles, statistiques à l’appui, en commençant par le global et en terminant par le local. Entre les deux, l’érudit a porté un regard peu critique sur le Canada et l’Alberta.
Puisque la notion d’« impenser » échappe au commun des mortels, aussi savants soient-ils, les participants ont eu droit, au début du colloque, à une allocution de 60 minutes par celui qui semble l’avoir élaborée dans un article paru en 2003 dans la revue Francophonies d’Amérique. Personnellement, après avoir écouté attentivement la communication prononcée par Mourad Ali-Khodja, sociologue à l’université de Moncton, intitulée « Entre contraintes et émancipation : les enjeux et les défis des savoirs en milieu minoritaires », je n’en savais pas plus.
C’est grâce à Pierre-Yves Mocquais, professeur de littérature à l’université de Calgary, qui, le lendemain, lors de sa propre communication intitulée « Discours francophones minoritaires dans les Prairies : entre mémoire et utopie », au cours de laquelle il a résumé en trois minutes, en début de présentation, le propos du professeur Ali-Khoda, que les esprits moins vifs, comme moi, ont commencé à piger !
Une table ronde d’envergure et le lancement d’un petit livre assez inusité sont venus ponctuer la monotonie des séances de communications qui se suivent les unes après les autres, interminablement, lors des colloques scientifiques. Dans le premier cas, cinq écrivains de l’Ouest, sous la houlette du romancier franco-manitobain bien connu, Roger Léveillé ont prêté leur concours pour « impenser ». Il s’agissait de Laurier Gareau de Saskatchewan (auteur/traducteur), de Marc Prescott du Manitoba (dramaturge), de Barthélemy Bolivar du Manitoba (poète), de Lise Gaboury-Diallo du Manitoba (poète, écrivaine) et de Paulette Dubé d’Alberta (romancière). Les échanges animés, éclairants et parfois hilarants marquèrent l’occasion. À titre d’exemples:
Pourquoi une auteure de langue maternelle française choisit-elle d’écrire en anglais ? « D’abord », selon Paulette Dubé, « parce que c’est plus facile ! » Ensuite, « c’est un ‘cadeau ’ que l’on peut offrir aux Anglo pour les aider à nous connaître mieux ». Comment se fait-il qu’un dramaturge francophone ait trouvé son inspiration en lisant Shakespeare et Longfellow et d’autres grands artisans de la littérature anglaise et américaine et non—ou si peu—chez les auteurs de langue française ? Prescott fournit la réponse : « pour moi, les cours d’anglais au Secondaire étaient extraordinaires, inspirants, passionnants on lisait de grandes œuvres ; les cours de français, par contre, c’était la grammaire et la syntaxe ! »
Laurier Gareau a traduit la pièce de théâtre conçue par Ken Brown et Daniel Cournoyer qui rend accessible aux francophones d’ailleurs la culture de l’Ouest profond. Dans Cow-boy Poétré, interprétée ici par quatre jeunes Franco-Albertains, on découvre ce qui suit :
Un triangle amoureux entre une belle chanteuse countryet deux bull-riders—l’un Franco-Albertain et l’autre Québécois… La pièce met l’accent sur une réalité en évolution et dessine une cartographie fort éloquente de la diaspora francophone nord-américaine.
Ce qui est encourageant à ces colloques, c’est de constater la présence d’une relève en études franco. Le jeune Français, Émmanuel Michaux qui prépare un doctorat à l’université Laval sur les Métis francophones du Canada, a montré des cartes inédites de cette population méconnue. Nicole Nolette, originaire de Falher (AB) et doctorante en littérature à l’université McGill, a été encensée par les littéraires plus âgés dans la salle lors de sa communication portant sur les œuvres de deux Tremblay, Joé de Saskatachewan (Elephant Wake), et Larry de Chicoutimi (The Dragonfly of Chicoutimi). Éva Lemaire, Française habitant Edmonton, innove dans le développement de nouvelles méthodologies pour explorer l’identité franco-albertaine. Jimmy Thibeault, pur produit du système universitaire francophone hors Québec (maîtrise au campus Saint-Jean, doctorat à l’université d’Ottawa, post doctorat à l’université de Moncton) s’annonce comme futur chef de file dans le domaine de la littérature franco-canadienne. La liste des membres de la relève est longue !
Enfin, l’« impensable » s’est produit au lendemain du colloque. Les participants avaient été conviés à une excursion d’une journée à Jasper avec départ à 6h30 et retour prévu pour 23h. Pas surprenant que l’excursion se soit avérée un échec! Personne ou presque n’a voulu y aller. Il est « impensable » qu’à la place des lointaines montagnes Rocheuses, la possibilité de réaliser l’une ou l’autre des trois excursions suivantes dans les environs d’Edmonton en ce dimanche matin n’ait pas été envisagée : (1) Messe à la paroisse Saint-Joachim au centre-ville d’Edmonton, suivie d’une balade à Beaumont ; (2) Journée de la culture au Parc du Fort Edmonton où l’histoire de la région depuis ses origines franco/métisse/indienne jusqu’aux années 1930 est interprétée ; (3) Exploration des antécédents franco de l’axe géographique Saint-Albert/Morinville/Legal.
Grand merci pour ce compte rendu très intéressant!