Louise Erdrich et la librairie Birchbark

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La barrière linguistique est haute! Peu de Québécois francophones, je découvre, connaissent Louise Erdrich et son œuvre prodigieux. Pourtant, elle est l’une des grandes écrivaines de la Franco-Amérique. Allemande du côté paternel et Canadienne-française et Ojibouée du côté maternel, elle est née au Minnesota et a été élevée au Dakota du Nord. L’ensemble des écrits de cette auteure de 55 ans, qui reflètent ses origines métisses et portent sur sa région de prédilection, se répartit de la façon suivante. (Les titres avec astérisque [*] sont disponibles en traduction française. Il y en a peut-être d’autres.)

Fiction

Romans

Love Medicine (1984)*

The Beet Queen (1986)

Tracks (1988)

The Crown of Columbus [with Michael Dorris] (1991)

The Bingo Palace (1994)

Tales of Burning Love (1997)

The Antelope Wife (1998)*

The Last Report on the Miracles at Little No Horse (2001)*

The Master Butchers Singing Club (2003)*

Four Souls (2004)

The Painted Drum (2005)

The Plague of Doves (Harper, 2008)*

Nouvelles

The Red Convertible: Collected and New Stories 1978-2008 (2009)

Littérature pour enfants

Grandmother’s Pigeon (1996)

The Birchbark House (1999)

The Range Eternal (2002)

The Game of Silence (2005)

The Porcupine Year (2008)

Poésie

Jacklight (1984)

Baptism of Desire(1989)

Original Fire: Selected and New Poems(2003)

Non-fiction

Route Two [with Michael Dorris] (1990)

The Blue Jay’s Dance: A Birthyear (1995)

Books and Islands in Ojibwe Country(2003)

                 

De ce vaste éventail de titres, il y en a deux que j’affectionne particulièrement, l’un de fiction (Master Butchers…), l’autre pas (Books and Islands…).

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Dans le premier, Fidelis Waldvogel, combattant à la Première guerre mondiale, rentre à la fin du conflit dans son village natal, se marie avec la femme enceinte de son meilleur ami disparu au front et émigre aux États-Unis où il s’établit à Argus, au Dakota du Nord. Il ouvre une boucherie et forme une chorale composée des villageois. La chorale compte, entre autres, le banquier, l’ivrogne et un homme insaisissable d’origine ojibwéenne et canayenne. La rencontre entre l’Ancien monde le Nouveau, entre la vieille Europe et l’ Amérique profonde, s’éténd sur les années 20, 30 et 40. C’est dans un style lyrique et intelligent que les personnages inoubliables prennent forme, évoluent et se débattent pour le meilleur et pour le pire avec la nature humaine.

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Dans le second, Erdrich nous emmène avec elle et son bébé nouveau-né lors d’un voyage initiatique au cœur du pays de ses ancêtres amérindiens. Dans la région du Lac des bois (Lake of the Woods) et de la Rivière des pluies (Rainy River), à la frontière entre le Minnesota et l’Ontario, elle marche, pagaye, rampe, flotte et cherche, y trouvant la paix dans l’âme et la réponse à des questions existentielles.

Louise Erdrich est également propriétaire d’une charmante petite librairie située dans un quartier résidentiel de Minneapolis.

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Bien qu’elle possède un excellent choix de livres populaires, la spécialité de la maison est évidemment la littérature autochtone. D’ailleurs, un écriteau à l’entrée de la librairie annonce clairement l’engagement social et littéraire de sa propriétaire.

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En raison du décor, tous les coins et recoins de la librairie, y compris la salle de bain, témoignent de cette vocation. Bien en évidence, une étagère n’étalant que les œuvres de Mme Erdrich. Et collés partout, à droite et à gauche, en haut et en bas, de petits billets signés « Louise » ayant pour but d’orienter le bouquineur dans ses choix de lecture.

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Aujourd’hui, dans la littérature états-unienne, la « littérature ethnique » semble occuper une place de plus en plus importante. Louise Erdrich est une figure de proue dans le domaine. De plus, ses écrits ne sont pas étrangers aux travaux en sciences sociales qui explorent le phénomène du métissage.


Lewistown, MT et Cane River, LA: deux « peuples oubliés » de la Franco-Amérique se rejoignent par la littérature

Le passage récent de Robert Foxcurran chez moi et la lecture de son manuscrit ayant pour titre provisoire « Washington Territory’s Tale of Two Frenchtowns » m’ont rappelé une visite réalisée en septembre 2007 à cette belle oasis au cœur de l’État du Montana qui est Lewistown, fondé en 1879 par des Canadiens français et Métis.

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En dépit de l’arrivée massive de colons américains qui s’en est suivie et dont les pratiques économique et culturelle ont semé la consternation parmi les premiers habitants, contribuant ainsi à leur quasi disparition, plusieurs rues autour de l’hôtel de ville portent encore le nom de certains d’entre eux, Francis Janeaux et Paul Morase en l’occurrence. L’église Saint-Léo en recèle des vestiges, par exemple, ce crucifix à caractère métis.

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Au cimetière, les pierres tombales de Moses et Jacob Berger, de Lester Turcotte, d’Helen Lavendur (Laverdure), de George Ben Larock (Laroque), de Rosie Latray (Latreille) et de bien d’autres témoignent d’une époque révolue et d’un peuple effacé, dont on fête quand même au XXIe siècle l’héroïsme et le genre de vie lors d’une Célébration métisse tenue annuellement la première fin de semaine du mois de septembre.

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En 2006 a paru aux Presses de l’université d’Oklahoma, sous la plume de Martha Harroun Foster, un formidable livre qui lève le voile sur ce « peuple oublié ». Intitulé We Know Who We Are : Metis Identity in a Montana Community, il s’agit, dans le cadre d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), d’un examen rigoureux des Métis du Montana, tenant compte à la fois des facteurs social, économique et politique. Foster conclut que ces gens « in between », ni blanc ni rouge, ont su s’adapter à l’adversité, à des conditions en évolution rapide et parfois violente, tout en retenant un fort sentiment de soi et un sens de leur unique culture et de leurs traditions.

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We Know Who We Are souligne la diversité des communautés métisses au Montana et fait ressortir leurs liens avec d’autres membres du Strange Empire que Joseph Kinsey Howard a fait connaître par la publication posthume en 1952 d’un récit historico romanesque sur Louis Riel et la résistance métisse.

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Tant de gens oubliés à travers le continent—et surtout, je dirais, en Franco-Amérique! Nous nous devons de les connaître car ils font partie de nous, Franco d’Amérique, dont le berceau est situé dans la Vallée du Saint-Laurent et en Acadie. Il y a déjà 30 ans, Gary Mills, dans son ouvrage The Forgotten People : Cane River’s Creoles of Color, nous rappelait, à travers le vécu de la grande famille des Metoyer, l’existence dans le nord de la Louisiane—et non le sud—d’un autre peuple métis et francophone, dit gens de couleur libre—ni blanc ni noir. L’une d’eux, des temps modernes, Lalita Tademy, née en Californie en 1948—donc faisant partie de la diaspora créole louisianaise—quitte le monde corporatif de Silicon Valley à l’apogée de sa carrière pour plonger dans l’histoire et la culture de ses ancêtres. Ses recherches ont eu pour résultat la publication en 2001  de son premier roman, Cane River.

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Il est question ici de deux « peuples oubliés »—deux peuples créoles—des Métis du Nord (Montana) et ceux du Sud (Louisiane). Pour faire le lien entre ces « people in between », l’un ni blanc ni rouge, l’autre ni blanc ni noir, il est utile d’être romancier. En fait, James Lee Burke (voir l’entrée sur ce blogue en date du 22 février 2005), dans son troisième roman—et son meilleur d’après moi—Black Cherry Blues réussit le coup de lier le destin d’un Franco de Louisiane à celui d’un Franco du Montana. À lire absolument par les adeptes du « thriller » et du roman policier, mais aussi par ceux qui cherchent à explorer les îles de l’Archipel franco d’Amérique!

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