Le chêne de l’amitié a résisté à Katrina

Sur le campus Gulf Park de l’université du Mississippi-sud se trouve un énorme chêne de plus de 500 ans. Le 28 août 2005, il a subi de plein fouet les ravages de l’ouragan Katrina…et il a résisté, solidifiant ainsi la tradition qui veut que tous ceux et celles qui pénètrent son ombre soient liés par l’amitié pour la vie, peu importe leurs différents destins. L’amitié qui résiste à tout vent…à toute intempérie, voilà ce que symbolise ce monument arborescent !

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C’est un autre ouragan, Camille, qui a frappé sournoisement ces mêmes côtes le 16 août 1969 qui a sonné le glas du Collège Gulf Park, fondé en 1921 pour assurer la bonne éducation de jeunes filles de 17 à 20, les inculquant les valeurs légendaires du Vieux-Sud, celles des bonnes manières, de la grâce et du charme. Deux ans plus tard, l’institution s’est rouverte comme antenne de l’University of Southern Mississippi dont le campus principal se situe à Hattiesburg, 120 km au nord.

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La plupart des anciens pavillons, comme Hardy Hall, ont été dévastés par Katrina. Quatre et demi plus tard, ils demeurent des coquilles vides : les vitres sont encore fracassées, les portes brisées. Les pancartes interdisent d’y entrer. Par contre, la bibliothèque, construite en 2001, avec une technologie dont on dit à l’épreuve des ouragans a mieux résisté.

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Hardy Hall

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Bibliothèque du campus Gulf Park

Devant le campus, face au Golfe, et tout au long de la route 90 reliant les différentes villes de la côte (Baie-Saint-Louis, Pass Christian, Long Beach, Gulfport, Biloxi…), les sculpteurs locaux transforment en œuvres d’art des souches d’arbres arrachés par Katrina.

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Oiseaux en vol, faits en souches

Entre Camille et Katrina 35 saisons de tempêtes tropicales se sont écoulées. La région a eu le temps se remettre. À l’heure où le pays peine à sortir de la Crise économique et où le réchauffement planétaire semble créer des situations d’instabilité climatique de plus en plus imprévisibles et inquiétantes, les avis sont partagés quant à l’avenir.


Boucher un trou à Oxford: faire connaître Franco-Amérique

Hier midi, une partie de la gent littéraire d’Oxford s’était rendue à la bibliothèque publique assister à une conférence prononcée par le professeur Charles W. Eagles, dans le cadre des chaleureuses activités du WARM (Winter Adult Reading Moments), sur son plus récent livre, Price of Defiance : James Meredith and the Integration of Old Miss. On se souviendra qu’en 1962, James Meredith devint le premier Africain-Américain à s’inscrire à l’Université du Mississippi, connue affectueusement par le surnom « Ole Miss ». L’émeute qui s’en suivit donna lieu à des vingtaines de blessés parmi les forces de l’ordre et à deux morts chez les civiles. Pour rétablir l’ordre et assurer l’intégration de l’étudiant, le Procureur général des États-Unis, Robert F. Kennedy, ordonna l’envoi à Oxford de milliers de soldats. C’était le début de l’intégration raciale de toutes les universités du Deep South. Dans son ouvrage, Eagles, professeur d’histoire à « Ole Miss » documente le prix à payer (price of défiance) pour ce comportement réactionnaire qui attira sur l’université et sur tout l’État du Mississippi la hargne et le mépris du monde entier—dédain qui persiste jusqu’à nos jours.

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Bibliothèque publique d’Oxford et du comté de Lafayette

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Grosse déception, cependant! À cause d’un malentendu, le conférencier se trouvait ce jour à Boston. M. Eagles reviendra devant ce public plus tard cet hiver. Saisissant l’occasion de faire connaître aux lecteurs oxoniens notre livre Franco-Amérique, je me suis offert comme conférencier suppléant. Cela s’est fait à d’autres occasions. J’en ai l’habitude!

L’offre fut acceptée avec empressement et pendant une trentaine de minutes j’ai pu, livre à la main, dresser le portrait de la présence franco en Amérique du Nord. L’histoire qu’inspire la photo de Kent Beaulne, ce personnage emblématique d’une francophonie enracinée au cœur du continent qui refuse de mourir, sur la page couverture, fascine toujours. L’un des 17 encarts du volume, celui consacré aux Franco de la communauté de Delisle, au Mississippi même, fit plaisir à la cinquantaine d’auditeurs, épatés de découvrir que les Québécois s’intéressent à leur région. Étant donné l’actualité, un clin d’œil sur le chapitre dans Franco-Amérique écrit par Rodney St-Éloi, Québécois d’origine haïtienne et camarade de Dany Laferrière, s’imposa. Aujourd’hui le monde entier pleure Haïti. Au Québec, où les Haïtiens occupent une place de choix, on pleure peut-être plus fort que les autres.

Après les applaudissements d’usage, brève période de questions…et toujours la première : « Sir, is your book available in English? »

Être un bouche-trou n’est point désagréable. Au contraire, c’est une source de joie et de satisfaction. Performer au pied levé, pourquoi pas?


Jouer au hockey devant les estrades vides: « Ole Miss » c. Alabama

Le hockey est très impopulaire dans le Sud des États-Unis. Pourtant, il y a des équipes de la Ligue nationale du hockey dans six villes différentes : Atlanta, Raleigh, Tampa, Miami, Dallas et Nashville sans parler de celle de Phoenix et des trois équipes de la Californie où ce sport ne soulève pas non plus les passions.

Toutefois, la passion existe bel et bien dans le cœur de certains jeunes sportifs qui concourent ici pour l’honneur de leur université, devant les estrades vides, à des centaines de kilomètres de leurs campus respectifs. Hier, j’ai assisté au Centre civique de DeSoto, en banlieue sud de Memphis, à 10 minutes de Graceland, domicile du défunt Elvis, au match entre l’Université du Mississippi et l’Université de l’Alabama. Ces universités qui réalisent des millions de dollars de profits grâce à leurs programmes de football (le Crimson Tide d’Alabama vient, d’ailleurs, d’être consacré champion national du football—plus fort même que le Rouge et Or de l’université Laval!!) ne donnent pas le moindre sous aux équipes de hockey. Ce sont les joueurs qui ont appris à jouer, tant bien que mal, à notre sport national et leurs « sponsors » qui font fonctionner l’équipe avec des « peanuts ». Très approprié dans une région connue pour sa culture arachidière.

À la mise au jeu, nous étions une vingtaine d’amis et de parents à nous présenter dans la belle aréna de 10 000 places.

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Malgré les habilités limitées des joueurs comparées aux jeunes de leur âge chez nous, l’enthousiasme était à son comble. Après avoir fait le tour du vaste enceinte à observer le spectacle du haut et de loin, je me suis installé en arrière des deux bancs pour mieux écouter les sons uniques du hockey (grincement de l’arrêt brusque, mise en échec contre la bande, rondelle frappant la bande ou, mieux, le poteau…) et pour renifler les odeurs fortes de la sueur qui coule et qui imprègne toutes les pièces d’équipement : casque, épaulettes, coudières, jambières, gants… Ayant élevé trois fils dans le hockey, ce sont des sons et des senteurs que j’adore et qui me manquent!

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En 2002, avec une équipe d’Atlanta, le numéro 71 de l’Université de l’Alabama (Paraliticci) a participé au Tournoi international Pee Wee de Québec—un événement marquant de sa jeune vie!

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À la fin de la deuxième période Alabama menait 6 à 3 et le résultat n’était plus en doute. Avant de quitter le match, je me suis permis un commentaire : une équipe de calibre B (Mississippi) se faisait battre par une équipe de calibre CC (Alabama). N’eut été de la suspension de deux joueurs, la victoire des Rouges auraient pu être encore plus convaincante, l’un suspendu en raison d’un manquement aux règlements de l’équipe (il avait fêté trop fort la veille manquant l’autobus en partance à 7h du matin, parcourant dans sa propre bagnole les 200 km séparant Tuscaloosa de Memphis pour rejoindre son équipe), l’autre pour s’être battu lors du match précédent contre Mississippi State qui alignait un joueur salaud, paraît-il. Il y a des choses qui ne changent pas dans le hockey, peu importe le niveau et peu importe le lieu!

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Pendant que leurs co-équipiers trimaient dur sur la patinoire, les deux « renégats » se régalaient dans les estrades vides du McDo.


Corinth cruel, Shiloh sanguinaire

Corinth. Nom biblique d’une ville de 14 256 habitants située au cœur du « Bible Belt » des États-Unis, dans le coin nord-est de l’État du Mississippi. Avec ses églises méthodistes, baptistes, pentecôtistes, épiscopaliennes, presbytériennes, elle ne ressort pas beaucoup aujourd’hui par rapport à d’autres petites villes du Deep South. Il n’en a pas toujours été ainsi. En 1862, militairement parlant, Corinth était la deuxième ville en importance des États confédérés d’Amérique (CSA). À partir de directives en provenance de Richmond (Virginie) capitale des CSA, les sudistes menaient depuis un an la guerre contre le gouvernement de Lincoln afin de préserver leurs institutions et leur genre de vie.

Fondé en 1854, Corinth n’était pas un village comme les autres. Il s’agissait d’un centre ferroviaire stratégique situé au carrefour de deux voies, l’une nord-sud (Mobile & Ohio), l’autre est-ouest (Charleston & Memphis), permettant la mobilisation rapide des forces du Sud et le transport efficace d’armes et de denrées à travers la « Confederacy », comme on appelait les onze États séparatistes.

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À la mi-février 1862, à la suite de victoires convaincantes à Fort Donelson et è Fort Henry, tous deux au Tennessee, les forces du Nord, sous la direction de Ulysses S. Grant, fonçaient vers le sud—vers Corinth—en suivant la vallée de la Tennessee, dans le but de briser les lignes de communications confédérées et de prendre éventuellement le contrôle du Bas-Mississippi, en amont de la Nouvelle-Orléans, assiégée par Farragut, coupant ainsi la « Confederacy » en deux.

Ayant eu écho des victoires de Grant et de son avancée et sachant qu’il serait bientôt rejoint par une autre armée dirigée par Don Carlos Buell, en provenance de Nashville, la direction des forces du Sud (Albert Sidney Johnston, et Pierre Gustave Toutant Beauregard) prirent la décision de quitter Corinth et d’engager l’armée de Grant à Pittsburg Landing, sur la Tennessee, avant l’arrivée de ses renforts. Quittant Corinth le 3 avril, l’armée du Mississippi eut du mal, à cause des pluies diluviennes et de la lourdeur de leurs équipements, à franchir la trentaine de kilomètres les séparant du champ de bataille visé. Néanmoins, le dimanche 6 avril à 4h55, les 44 000 soldats de Johnston se lancèrent à l’attaque près de l’église de Shiloh. Surpris, Grant et ses 40 000 hommes durent battre en retraite à Pittsburg Landing. La bataille intense de cette journée dans le « nid de guêpes » a été immortalisée par le peintre Thure de Thulstrup.

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« Battle of Shiloh »

La victoire en ce dimanche des Sudistes fut coûteuse et éphémère. Atteint, le Général Johnston mourut au bout de son sang. La nuit, les renforts du Général Bruell, sous la protection de deux navires de guerre, le Lexington et le Tyler, arrivèrent. À l’aube du 7 avril, la contre-attaque de Grant s’engagea. Au cours de la journée, les 54 500 soldats du Nord martelèrent les 34 000 hommes du Sud qui restèrent sous la commande de Beauregard. Devant la défaite inévitable, celui-ci organisa la retraite vers Corinth.

Les pertes furent lourdes. Du côté du Nord : tués, 1 513; blessés, 6 601; manquants à l’appel, 2 830; pour un total de 10 944. Du côté du Sud : tués, 1 728; blessés, 8 012; manquant à l’appel, 959; pour un total de 10 699.

Le sort de Corinth ne serait réglé que deux mois plus tard lorsque les avancées de trois armées du Nord obligèrent Beauregard d’abandonner ce carrefour stratégique pour se réfugier à Tupelo, à 80 km plus au sud. En octobre, une dernière tentative, cette fois-ci de la part du Général Van Dorn et son armée du Trans-Mississippi, de reprendre Corinth, donna lieu à un autre carnage d’une durée de deux jours (7 000 morts et blessés). L’Union gagna et Corinth resta occupée jusqu’à la fin de la guerre.

Aujourd’hui, le champ de bataille de Shiloh, tout comme le champ de bataille des Plaines d’Abraham, est un parc national militaire. Il se visite en voiture, à pied ou, mieux, en vélo. Le parcours permet de revivre les tristes et tragiques événements des 6 et 7 avril 1862.

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Bon nombre de soldats de l’armée victorieuse trouvent le repos éternel ici même, la vie et la mort de chacun étant célébrées par un petit monument blanc. Pour ce qui est des vaincus, leurs morts se reposent dans cinq fausses communes éparpillées à travers le parc.

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Fausse commune de soldats confédérés

Devant les événements de notre époque, je ne pouvais, en me promenant ici, que me poser une question : Sur les 234 années que les États-Unis ont existé, il y en a combien qui ont été « free of war » ? Quelqu’un aurait-il fait le bilan? Existe-il un pays plus guerrier?


La fête des « rois » … et moi

Le 15 janvier, jour de ma fête. Je le partage avec Martin Luther King, fils, assassiné pas loin d’ici (Oxford), à Memphis, le 4 avril 1968. C’est aussi à Memphis qu’Elvis Presley, dont l’anniversaire de naissance précède le nôtre par 8 jours, est mort le 16 août 1977. Il aurait eu 75 ans la semaine dernière.

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Aujourd’hui, pour me changer les idées après une grosse journée sur le terrain à explorer deux événements majeurs de la Guerre civile américaine, la bataille de Shiloh et le siège de Corinth, je me suis rendu à Tupelo visiter la maison où est née cette icône de la culture populaire qui a tant marqué ma génération.

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Dans le parc aménagé autour de la maison, on peut voir, entres autres, une statue d’Elvis à l’âge de 13 ans, guitare à la main, et l’église Assembly of God où la « gospel » qu’il a combinée plus tard avec le son des blues et du « country » et les rythmes afro-américains, lui a été imprégnée dès sa jeune enfance.

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