Les 9 et 10 juillet derniers à Bismarck au Dakota du Nord, s’est tenu un « love-in » franco du premier ordre. Il s’agissait d’un quatrième congrès annuel organisé par Virgil Benoît , directeur d’IF Midwest (Initiatives en français) et ses associés, en collaboration cette fois-ci avec la Société d’histoire et de généalogie de Bismarck, capitale de cet État peu peuplé (650 000 habitants), méconnu et sous estimé. Cent dix Dakotans, partageant le français comme langue d’héritage se sont réunis au magnifique Heritage Center, sur le terrain du capitole, pour explorer la notion d’héritage telle qu’elle est définie par l’UNESCO : le milieu naturel du monde, son histoire, ses institutions et son esprit humain. Les organisateurs insistaient sur l’idée d’héritage vivant qui consiste en une réflexion sur son passé dans le but de mieux se comprendre dans le présent afin de créer de nouvelles relations permettant d’améliorer le sort de sa communauté et de contribuer ainsi à un monde meilleur.
Qui étaient-ils ces Franco-Dakotans, appuyés par un petit contingent de l’Union nationale métisse de Saint-Joseph de Saint-Boniface, au Manitoba.
Gabriel Dufault en costume métis
D’abord, des descendants de Canadiens français s’installant surtout, mais pas exclusivement, des deux côtés de la rivière Rouge au sud du 49e parallèle.
Les recherches effectuées par Virgil Benoît révèlent que qu’ils étaient venus en grand nombre, au cours des année 1870, de la Mauricie. L’été dernier une quarantaine de leurs descendants ont fait le voyage à rebours vers la mère patrie (voir billet du 8 août 2009)
Ensuite, des Métis de la réserve autochtone de la Montagne à la tortue (Turtle Mountain Reserve), située à la frontière entre le Dakota du Nord et le Manitoba et autour de la petite ville de Belcourt (nom à consonance franco s’il en est, surtout quand on connaît l’histoire et le parcours du Père Georges-Antoine Belcourt (1803-1874)).
Dan Jerome, sculpteur, ethnologue, musicien…alouette!
Enfin, des Africains, surtout Togolais, Congolais et Camerounais, arrivés aux États-Unis depuis peu, gravitant autour des deux plus grandes universités du Dakota du Nord, situées respectivement à Grand Forks et à Fargo.
Amoussa Koriko au micro et Rafiki Assoumani
Population donc très diversifiée, mais unie dans l’effort de cerner le concept d’héritage. Les sujets abordés :
1. Héritage local: Qu’est-ce que c’est? Où le trouver? Quelle est sa place dans le monde ?
2. Lien entre généalogie et héritage.
3. Héritage chez les Métis franco-manitobains et les Michif du Dakota du Nord : questions d’actualité.
4. Le tambour comme élément intégrant de l’héritage local dans les pays francophones d’Afrique occidentale.
5. Le voyage de retour au Québec, 2009 : sa signification pour les gens qui l’ont fait.
Les séances manquaient la rigueur et la scientificité des colloques universitaires, se caractérisant plutôt par la spontanéité et par le témoignage, voire par l’émotivité. La critique brillait par son absence et la bonne humeur régnait à tout moment.
L’importance de l’événement fut soulignée par la présence du délégué du Québec à Chicago, Marc Boucher, qui expliqua avec brio la façon dont le Québec essaie de développer des partenariats globaux grâce à ses politiques économique et culturelle.
Le travail « sérieux » des deux jours fut agrémenté par des activités sociales remarquables. D’abord, un souper le vendredi soir, servi aux sauces canayenne (tourtière et soupe aux pois), métisse (ragoût michif) et africaine (cuisses de poulet à la cacahouète). Comme dessert, tarte et crème glacée à volonté !
Le samedi soir, au Belle Mehus, salle de spectacles construite en 1914, une soirée de musique, de chanson, de conte et de danse mettant en évidence les trois cultures franco en présence.
Pour clore la soirée, l’intégration des trois traditions par de l’improvisation, geste symbolisant la coopération, l’unité et l’amour.
Une réflexion de Dick Bernard, Franco-Dakotan de la cinquième génération, est particulièrement poignante à cet égard :
This bridge building is not easy. On that single stage on Saturday night were performers from Togo, Cameroun, Congo (Zaire), and Côte d’Ivoire – all African countries whose official language is French. (One of the performers – I believe from Cameroun – said that in her country alone there were 218 different tribal cultures, each with their own dialect.) Within my French-Canadian extended family, I have cousins whose first language in Canada is French, including some who have considerable difficulty communicating in English. Then there’s me, who was never exposed to French, even in a school elective course, and is thus language handicapped when someone chooses to speak French, as happened on occasion on Saturday night.
En nous quittant, Jocelyn Pambrin, métisse du Manitoba, m’a fait part d’un souhait que je partage. Que lors des prochaines rencontres, Virgil et ses amis puissent trouver le moyen de faire une plus grande place à la langue des ancêtres, cet idiome, sans quoi il n’y aurait pas eu de rencontre, idiome qui nous a permis de nous réunir tout en parlant la langue de l’autre !