Qui ne connaît pas l’air de cette chanson du Vieux-Sud, composée par D.D. Emmett et éditée en 1859 par Phillip Werlein à la Nouvelle-Orléans?
I wish I were in the land of cotton,
Old times there are not forgotten,
Look away, look away,
Look away Dixieland!
Le mot Dixie est le surnom donné aux États sécessionnistes et la chanson « I Wish I Were in Dixie » devint l’hymne officieux des soldats des forces confédérées, en opposition au Battle Hymn of the Republic, adopté par les soldats du Nord lors de la Guerre civile (1861-1865).
Dans le territoire de l’Utah, aux années 1850, à 2 500 km, en moyenne, de Dixie, Brigham Young, leader des Mormons, premier gouverneur du territoire et maître colonisateur de cette vaste région, se souciait des événements qui allaient se produire dans l’Est à partir de 1861. D’expérience, il connaissait la puissance des forces fédérales et prévoyait les ravages qu’elles infligeraient sur le Sud sécessionniste. Et si cela devait se produire, l’Utah, loin des champs de bataille, en subirait quand même des contre coups. Il faudrait que le peuple de Dieu, dirigé par Young, soit à l’abri des soubresauts nationaux, qu’il soit en mesure de s’auto suffire, d’où l’appel le 6 octobre 1861 à 300 familles de fixer feu et foyer à ce qui deviendrait St. George, village portant le nom de l’ami et de l’adjoint de Young, George A. Smith. L’établissement de ces familles dans cette seule région du territoire exemptée de la neige et du froid doublerait sa population repartie déjà entre quelques hameaux : Santa Clara, Washington, Toquerville, Hebron, Virgin… Pour subvenir aux besoins de son peuple, en cas de rupture avec « Dixie », Young et ses conseillers ordonnaient la plantation de coton et, tant qu’à y être, pourquoi pas d’autres produits subtropicaux dont la vigne.
Résidence de Jacob Hamblin, circa 1857
Depuis, cette région de 6 300 km2, correspondant grosso modo à l’actuel comté de Washington, dans le coin sud-ouest de l’Utah, est connue familièrement comme « Utah’s Dixie ».
Pour retenir le monde dans ce désert peu susceptible à accueillir une population sédentaire et villageoise, il a fallu rapidement ériger des symboles de permanence et de civilisation. Certains d’entre eux sont encore visibles de nos jours.
Tabernacle de St. George, circa 1875
Temple de Saint George, circa 1876
Moulin à coton, circa 1866
Théâtre, circa 1875
La fondation de « Utah’s Dixie » illustre à merveille le remarquable don de stratège que possédait Brigham Young, probablement le plus grand des colonisateurs de l’Ouest américain.