À Québec, une simple balade à vélo peut se transformer rapidement en cours d’histoire, mais il faut quand être attentif.
Combien de fois depuis les trois dernières années ai-je traversé le secteur de l’embouchure du Corridor de la rivière Saint-Charles, cette piste multifonctionnelle en boucle qui longe le cours d’eau à partir de l’est du pont Samson, près de l’endroit où il se jette dans le Saint-Laurent, et qui se dirige vers l’Ouest jusqu’aux ponts de Marie de l’Incarnation du côté nord et Scott du côté sud, sans porter attention à ces statues qui poussaient comme des champignons dans ce vaste jardin en arrière du palais de justice ultra moderne et vitré?
Oui, je savais que l’effigie du « gran libertador », Simon Bolivar, s’y trouvait depuis déjà 30 ans. D’ailleurs, lors d’une conférence que j’avais prononcée à El Paso, au Texas, au milieu des années 80, j’avais évoqué ce nouveau monument érigé à Québec en 1983 pour marquer le Bicentenaire de sa naissance, comme exemple du rapprochement entre les « Latins du Nord », les Québécois, et les peuples de l’Amérique latine.
Simon Bolivar (1783-1838)
Or, grâce surtout aux actions concertées de la ville de Québec, de la Commission de la capitale nationale et de plusieurs gouvernements de pays latino-américains, sept autres figures emblématiques sont aujourd’hui réunies au Parc de l’Amérique latine, inauguré officiellement en 1995.
Au centre du parc, deux grands hommes de la même époque se font face, Bolivar, du Nord, (Venezuela et Colombie) et Bernardo O’Higgins du Sud (Chili), en selle, se font face depuis 2008, l’année de l’érection de la statue d’O’Higgins dont les efforts auraient conduit à l’indépendance du Chili et à la liberté en Amérique latine.
Bernard O’Higgins (1778-1842)
Autour d’eux les bustes de cinq autres personnages de marque dont les deux derniers inaugurés en 2010 et 2012 respectivement :
Jose Marti (1853-1895)
Auteur d’un vaste œuvre littéraire, il a été à l’origine de la guerre de 1895-1898 pour l’indépendance de son pays—un héros national de la République de Cuba.
Juan Montalvo (1832-1889)
Né en Equateur, mort à Paris. Polémiste, essayiste, philosophe, maître insigne de la prose espagnole, il fut le précurseur et le défenseur de la francophonie en Équateur.
Jose Artigas (1764-1850)
Héro de la République orientale de l’Uruguay, fondateur de la nationalité et promoteur de la liberté, de la démocratie et du fédéralisme en Amérique latine.
Juana Azurduy de Padilla (1780-1862)
Héroïne de l’indépendance de la Bolivie. Elle commande les forces de la République de La Laguna.
Miguel Grau (1834-1879)
Grand amiral, personnage du millénaire au Pérou.
Et pour compléter le Panthéon une dernière statue, celle-ci offerte par l’Association des Haïtiens de Québec au nom du peuple haïtien : nul autre que Toussaint Louverture.
Toussaint Louverture (1743-1803)
Né esclave près de Cap-Haïtien. Précurseur de l’indépendance de Haïti et du panaméricanisme. Figure historique dans l’abolition de l’esclavage des Noirs. Promoteur des droits de l’homme. Arrêté et déporté en France où il est mort.
À moins de se déplacer à vélo, le parc de l’Amérique latine est difficile d’accès. Des milliers de mes concitoyens travaillent au Palais de justice, dans les bureaux de la SAAQ (Société de l’assurance automobile du Québec) et dans les commerces à proximité de la Gare du Palais, mais combien d’entre eux se rendent compte de l’existence de cet espace verdoyant aux nombreux drapeaux colorés, en marge de la rivière, muni de tables de pique-nique, de bancs et de promenades. Peu, je dirais, car, comme moi, ils regardent ailleurs!