La colombe blanche du désert

C’est ainsi que l’on appelle la mission San Xavier del Bac, située à 13 km au sud de Tucson, en Arizona, aux abords de l’autoroute 19. Une centaine de kilomètres plus loin, c’est Nogales et la frontière américano-mexicaine.

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La mission fut établie en 1692 par le père Eusebio Kino. La construction de l’église commença en 1783 et fut parachevée 14 ans plus tard, à l’époque où le sud de l’Arizona faisait partie de la Nouvelle-Espagne. L’argent nécessaire pour l’ériger parvenait, de toute évidence, d’un riche propriétaire de ranchero  des environs. Un Franciscain, Juan Bautista Velderrain, engagea Ignacio Goana comme architecte et une main-d’œuvre amérindienne constituée des O’odham, encore présents ici.

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À la suite de l’obtention de son indépendance de l’Espagne en 1821, le Mexique abriterait San Xavier jusqu’en 1854 quand, vaincus par les Américains, les Mexicains leur vendraient le vaste territoire s’étendant depuis la mission, vers l’ouest et ver l’est, constituant la partie méridionale du territoire d’Arizona qui ne deviendrait État américain–le quarante-huitième–qu’en 1912. Dans l’histoire « officielle » des États-Unis, cette « transaction » est connue sous le nom de « Gadsden Purchase ». San Xavier del Bac ferait d’abord partie du diocèse de Santa Fe avant de renaître comme diocèse indépendant en 1866. Entre temps, le dernier  Franciscain quitte la mission en 1837, mais ils reviendront en force en 1913.

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Construite de briques en argile recouvertes d’un mortier riche en chaux, et à la toiture voûtée en tuiles, elle semble être unique aux États-Unis, parmi les structures qui existent encore de l’époque coloniale espagnole.

Peu est connu sur l’identité des artisans de l’intérieur de l’église. Selon certains, les œuvres d’art furent probablement commandées par le successeur au père Velderrain et crées par des artisans de Querataro, ville mexicaine à partir de laquelle elles auraient été portées à dos d’âne sur 2 000 kilomètres.

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San Xavier del Bac est une église active répondant aux besoins de la communauté locale de Wak, située sur la réserve des Tohono O’odham qu’on appelait, jusqu’aux années 1980, des Papago.

Depuis 1864, il existe à l’ouest de l’église, une école entourée de jardins désertiques comptant des cactus de tous genres. Les Sœurs de la Charité restent sur place et éduquent des enfants O’odham et Yaquis de la première à la huitième année.

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J’ai passé l’année universitaire 1985-85 comme professeur invité à l’Arizona State University. Loin du Québec, je m’ennuyais un peu et écoutais via la radio à ondes courtes la musique du pays. C’est là que j’ai entendu pour la première fois la voix d’une jeune Québécoise qui avait enregistré à l’occasion de la visite du Pape l’année précédente la chanson « Une colombe est partie en voyage ». Cette fille de 14 ans était vouée à un brillant avenir. Et sa chanson me trottait dans la tête tout au long de ma visite à la « Colombe blanche du désert » !

 


Trois amis, quatre coins !

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Dans mon livre Voyages et rencontres en Franco-Amérique, j’écrivais, à la page 245, ce qui suit :

Qu’est-ce qui pourrait motiver un États-Unien, anglophone, mormon de surcroît, à vouloir suivre les traces des voyageurs, des coureurs des bois et ouvriers de « facteries », des missionnaires catholiques, des ouvreurs de pays, des chercheurs d’or et de pétrole ? Quel intérêt me pousse à chercher des francophones en Amérique, à les traquer jusque dans leurs repaires les plus reculés ? Tout a commencé en 1956 quand M. Dean Rigby a fait découvrir à ses élèves de huitième année, à Orem, en Utah, l’œuvre de Henry Wadsworth Longfellow par l’étude de son poème épique Evangeline. Tandis que tous mes copains et copines de classe se fichaient éperdument du texte, je ne pouvais, pour des raisons que j’ignore, rester indifférent à ce que je lisais, une version romantique d’une tragédie humaine que, plus tard, je verrais comme un véritable génocide. À 13 ans, ça me « poignait » dans les tripes !

À peine cinq ans plus tard, le sort a voulu que je fasse comme la plupart des jeunes hommes de ma région : partir à l’aventure. Il ne s’agissait pas d’un fugue, mais d’une mission salvatrice : 30 mois, deux ans et demi, consacrés au « porte à porte » dans un pays lointain, la France…

Hier soir, à Blanding, petite ville de 4 000 habitants, située dans le coin sud-est de mon Utah natal, j’ai eu l’occasion de revoir deux de mes compères de cette époque-là, Pete Black et Andrew Mikesell, tous deux habitants depuis toujours de ce bled. Nous ne nous étions pas vus depuis 1964. De très belles retrouvailles !

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Pour atteindre les 7 000 pieds d’altitude où se trouvait le chalet à Pete, au pied d’une montagne et au bord d’une immense abime, il nous a fallu traverser l’incomparable Vallée des monuments (Monument Valley), située sur la frontière entre l’Arizona et l’Utah.

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Vue du chalet

Quelle splendeur ! Quels paysages vides de l’humanité ! Quel sentiment de solitude et de petitesse !

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Le lendemain, c’est-à-dire, ce matin, nous avons parcouru le désert, à partir de Blanding, dans le sens NO-SE, en passant par Montezuma Creek, afin de visiter une autre sorte de monument, assez inusité celui-ci, érigé, pour la première fois, en 1875, par Chandler Robbins, mais revampé et reconstruit plusieurs fois depuis (1899, 1931, 1962, 1992 et 2010).

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Il s’agit de celui qui souligne un phénomène unique de la géographie politique : le seul point en Amérique du Nord où quatre États se touchent, produisant évidemment un effet de quadrant sur la carte, d’où le nom qui lui est attribué : les Quatre Coins.

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De plus, c’est ici que deux premières nations (les Navajo et les Utes) convergent l’une vers l’autre et assurent la gestion des lieux tout en fournissant à leurs artisans l’occasion de vendre leurs créations dans des étals aménagés à cette fin.

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Le sentier Tempi’po’op et ses pétroglyphes

Un pétroglyphe est un dessin symbolique gravé sur de la pierre, sur une surface rocheuse à l’état nature. Ils sont généralement associés aux peuples préhistoriques néolithiques et furent la forme dominante des symboles de pré-écritures utilisés pour la communication de 10 000 av. J.-C. jusqu’à 5 000 av. J.-C. Les techniques de gravures sont principalement l’incision, le frottement ou la pulvérisation à l’aide de pierres. Ceux que j’ai vus hier le long du sentier Tempi’po’op  (qui veut dire « écriture sur roc » dans la langue des Paiutes du sud), surplombant la Santa Clara, sont plus jeunes, remontant possiblement à1 500 ou 2 000 ans.

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Le sentier se trouve à 10 km à l’ouest de St. George. En montant, la vue, vers le nord, sur les villages d’Ivins et de Santa Clara, situés au pied des falaises écarlates, est saisissante.

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Dans le creux de la vallée coule la rivière dont le débit est minimal en temps normal. Lorsque certaines conditions sont réunies, telles les pluies diluviennes sur le manteau neigeux des hauteurs autour, le petit cours d’eau paisible se transforme en torrent destructeur. En janvier 2005, par exemple, 30 maisons furent emportées dans la seule municipalité de Santa Clara.

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À l’ouest, les montagnes Rouges se fondent, près de Gunlock, dans un paysage volcanique parsemé de maints cônes et cratères inertes.

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Vers le sud et le sud-ouest, au loin, les montagnes Beaver Dam rappellent l’aridité et la rudesse de cette contrée, mais aussi sa beauté sublime, où l’homme cherche à survivre depuis 10 000 ans.

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Les gens vivants de la chasse et de la cueillette. Entre 8 000 et 3 000 av. J-C, les aborigènes parcouraient de vastes étendues à la recherche de gibier et de plantes pouvant servir de nourriture, fibre et médecine. Nomades, ils ramassaient des graines et des petits fruits en saison. Ils construisaient des abris temporaires faits de broussailles et fabriquaient des paniers pour la cueillette, la cuisine et l’entreposage.

Cultivateurs. Il y a 1 500 ans, les nomades devenus sédentaires. érigeaient des « pueblos », des résidences plus ou moins permanentes, représentées ici aujourd’hui par des tipis. Pendant 500 ans, la diversion des eaux de la rivière Santa Clara supportait la culture de fèves, de maïs et de courge. Les sécheresses aux IXe et Xe siècles, suivies d’inondations catastrophiques, ont obligé ces peuples d’ailler ailleurs.

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Explorateurs euro-américains. Dans les années 1770, deux moines espagnols en provenance du Nouveau-Mexique, Dominguez et Escalante, à la recherche d’une route efficace pour atteindre la Californie, pénétra la région et laissa, par la suite, des annales qui serviraient une soixantaine d’années plus tard aux voyageurs et trappeurs.

Habitants permanents. Au cours des années 1860, les membres de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours (Mormons), établis depuis 1847 dans la vallée du Grand Lac Salé, 500 km au nord, s’installent. Agriculteurs, eux aussi, ils avaient l’avantage de posséder des animaux de trait leur permettant de cultiver les superficies plus grandes, mais toujours, grâce aux techniques d’irrigation dont ils deviendrait les maîtres reconnus dans l’Ouest aride. Ici poussaient blé et maïs, oui, mais aussi coton, vergers, vigne et canne à sucre.

En cherchant une façon élégante de terminer ce court billet, sur FaceBook, je tombe sur des paroles de mon ami, André Gladu, cinéaste/philosophe/humaniste, qui disait à propos des pétroglyphes de Lascaux [en Dordogne, France]: « Je suis aussi à l’aise avec les shaman-peintres de Lascaux qu’avec Alfred Pellan, Louis Boudreault, ou Ernest Ouimet. Lascaux, ce sont nos premiers documentaristes. Les images de nos origines et l’origine de nos images ».

Tempi’po’op n’est pas Lascaux évidemment…mais c’est tout comme. J’aimerais emmener André ici.

 


À la recherche de solitude…sans être tenté !

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St. George, Utah, je me lève. Ipad en main, je clique sur l’icône de l’app appartenant à MétéoMédia. À Québec, il fait -17 avec avertissement de vent fort. Je change de ville. Ici, il fait +7 dans le moment. En après-midi +17. Trente-quatre degrés de différence, c’est appréciable !

En fin de semaine, nous avons cousiné. C’est extrêmement rare ! Mes deux nièces et leurs conjoints avaient voyagé cinq heures pour se joindre à nous. Déjeuner au Jardin Xetava à Kayenta, pique-nique dans le canyon Snow et souper chez Ka’ili, restaurant à saveur hawaïenne à Santa Clara, tous ces endroits à moins d’un quart d’heure du petit condo que nous occuperons jusqu’au 16 février. Au festin du soir, un cousin germain, Myrl, que j’avais peut-être vu trois fois en 50 ans, et son épouse, Vera, qui habitent St. George nous tenaient aussi compagnie.

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Café Xetava

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Pique-nique

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Chez Ka’ili

De toute évidence, nous nous sommes gâtés et gavés. Au pique-nique, par exemple, le dessert fut particulièrement succulent, trois tartes achetées à Veyo, petit hameau (483 habitants) dont la renommée de sa boulangerie attire des clients de 50 kilomètres à la ronde.

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Tarte aux bleuets, tarte chocolat crème, tarte framboise « zinger »

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Pas habitué à tant de cousinage et peu accoutumé à manger de la sorte, le soleil aidant, une randonnée dans la montagne à la recherche de solitude s’imposait. En moins d’une heure, j’étais rendu au sommet d’une crête rocailleuse qui domine la vallée désertique autour (attention aux petits cactus) et à travers laquelle un ravin massif offre un défi de taille aux amateurs de l’escalade.

 

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Au loin, j’entendais à peine le ronron des VTT qui pourchassaient des « road runner ». Compte tenu de la tranquillité du lieu et de l’immense espace vide tout autour de moi, je me rappelais  l’enseignement évangélique de la veille portant sur les tentations du Christ dans le désert !

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Déception chez Landry et filles

Depuis 15 jours, je l’attendais. Ô que j’avais hâte de manger chez Landry et filles, au coin de Guilford et Papineau, à Montréal. Au surlendemain du Jour de l’an, en écoutant à Québec la première chaîne de Radio-Canada en provenance de Moncton, j’en avais entendu parler. Anne Godin, à son émission Tout un samedi, a passé en entrevue, Marc Landry, propriétaire de cet agréable petit restaurant.

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Quel intérêt cette vedette de la radio acadienne avait-elle à présenter à ses auditeurs cet entrepreneur montréalais et à faire la promotion de son restaurant ? Poser la question, c’est y répondre ! Marc Landry est originaire de l’Acadie des terres et forêts, cette région située à cheval sur les frontières séparant le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, le nord du Maine et le Témiscouata québécois (le fameux république du Madawaska), région qui a accueilli en août dernier le Congrès mondial acadien. Bien qu’il soit originaire de Saint-Hilaire, village situé à mi-chemin entre Edmundston et Clair, du côté canadien, et en face de Frenchville, du côté états-unien, le jeune Marc, avant de se fixer à Montréal, a roulé sa bosse pas mal en France et en Angleterre tout en apprenant les secrets de la cuisine gastronomique.

« Fixer » n’est pas le bon mot, car Landry et filles était à l’origine, comme il le dit, un « food truck », l’un de ces camions sillonnant la ville offrant la bouffe de qualité à prix modique. Or, Montréal n’est ni Los Angeles ni Miami. L’hiver il faut faire autre chose, d’où l’idée d’ouvrir boutique sur Papineau entre Mont-Royal et Saint-Joseph. Au centre du menu chez Landry et filles est la humble ploye, cette crêpe faite de la farine de sarrasin qui « est un bon canevas pour mettre n’importe quoi dessus » (parole du chef). Dans sa cuisine, la simplicité se transforme en gastronomie : Ploye au graviax de saumon, salade de fenouil et câpres, fromage à la crème, œuf cuit dur et caviar. Prix : 12$

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En reconnaissance de son entrepreneuriat, Marc Landry, fut primé par le Mouvement des caisses Desjardins.

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Afin d’assurer la qualité et l’authenticité de la ploye servie chez Landry et filles, la farine provient de la famille Corriveau, habitants de Clair, qui cultive le sarrasin sur plus de 175 âcres de terre dans la région du Madawaska.

« Cuisine raisonnable et raisonnée » est donc le mantra ici. Pourquoi donc, ma déception ? Landry et filles n’ouvre qu’à 17h et je suis passé à 13h30, ce qui m’a permis de faire la connaissance du proprio, mais pour goûter à la gastronomie madawaskiënne, il faudra attendre mon prochain passage à Montréal. Oui, j’ai encore hâte.