Québec, le 5 juillet 2023

À L’honorable François-Philippe Champagne

Député de Saint-Maurice—Champlain, Québec
Ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie
632, avenue de Grand-Mère
Bureau 1
Shawinigan, Québec
G9T 2H5

Monsieur le ministre,

En 2007, choqué par le manque d’intérêt du premier ministre Stephen Harper envers les célébrations du 50e anniversaire du Conseil des Arts du Canada, l’écrivain canadien Yann Martel (L’Histoire de Pi) décida de lui envoyer régulièrement des suggestions de lecture afin de l’instruire sur la richesse de la littérature. En cette chaude journée de juillet, je ressens le besoin de reprendre, bien modestement, son flambeau pour vous faire part de ma propre indignation devant le peu d’intérêt que vous et votre gouvernement manifestez envers le secteur du livre canadien.

Toute l’information pertinente vous a été transmise maintes et maintes fois (par Copibec ou Access Copyright par exemple) ; la démonstration vous a été faite que, depuis la modernisation de la Loi sur le droit d’auteur (portant la signature de S. H.) de 2012, le milieu du livre s’appauvrit, d’abord menacé puis clairement attaqué par le secteur de l’éducation, s’engouffrant dans la brèche de l’utilisation équitable pour cesser de rémunérer équitablement les créatrices et les créateurs d’ici.

Pire que ça, en fragilisant ainsi leur situation déjà précaire, c’est tout un pan de l’économie que vous laissez se fragiliser. De l’imprimeur à l’auteur, du libraire au distributeur, c’est aux deux milliards de dollars de revenus annuels issus des ventes de livres que vous faites ainsi un pied de nez.

Parmi ces revenus, il y a aussi les papetières, celles qui ont fait une partie de la richesse du coin de pays dont vous êtes le porte-parole. Comme première lecture, je vous invite donc à découvrir la biographie de Hubert Biermans, homme d’affaires belge à qui l’on doit l’essor de la ville de Shawinigan. La « Belgo » fut en effet une usine à papier qui a fait de la Mauricie un acteur de premier plan dans le secteur de la foresterie.

De tout temps, le Canada a été une terre d’accueil pour les entrepreneurs étrangers désirant investir savoirs et capitaux et ainsi faire fructifier notre économie (et la leur, ne nous le cachons pas). Aujourd’hui, la négligence dont vous et votre gouvernement portez l’odieux fait du Canada le cancre du droit d’auteur au plan international et nos partenaires étrangers rechignent à vouloir tisser des liens d’affaires durables avec nous.

Je vous invite à trouver le courage qu’ont pu avoir des pionniers comme Hubert Biermans et à faire face aux groupes de pression qui vous intiment de ne pas légiférer pour encadrer l’usage de l’utilisation équitable dans le secteur de l’éducation. Car sans cela, des livres comme ceux-ci ne verront bientôt plus le jour.

Il est temps d’agir !

Je vous souhaite une bonne lecture et un agréable été dans votre si beau coin de pays.

Sincères salutations,

Gilles Herman
Éditeur