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Le livre numérique [2] : Le prix

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D’entrée de jeu, le sujet qui fâche. Le livre numérique est-il trop cher ? Les premières critiques ne se sont pas fait attendre : les éditeurs québécois sont des voleurs et des imbéciles, ils n’ont rien compris à la nouvelle économie numérique.

Minute papillon…

Regardons d’abord la structure du prix d’un livre papier : 10% pour l’auteur, 15 % pour le distributeur, 20 % pour l’imprimeur, 40 % pour le libraire qui laissent 15 % pour l’éditeur.

Le prix du livre15 % pour payer les frais fixes : travail d’édition, révision, mise en pages, graphisme, correction, administration. Et aussi la promotion. Comment fait-on pour tout de même s’en sortir ? Le volume et les réimpressions. Dans le cas de grands tirages, les frais fixes sont noyés et le pourcentage de l’imprimeur baisse. Par contre le risque augmente, la chute sera d’autant plus haute que le tirage est élevé si le livre ne se vend pas. Dans le cas des réimpressions, les frais fixes sont déjà absorbés, c’est la vraie manne des éditeurs. Point de salut sur un premier tirage !

Je vous entends déjà : « Justement, avec le livre numérique, on supprime des intermédiaires donc les coûts sont moindres ! »

Re-minute… Quels intermédiaires disparaissent ? Quelle est la valeur ajoutée de chaque intervenant ?

L’auteur ? Bien sûr que non. Il est à la base de notre monde du livre.

L’éditeur ? Certains seraient tentés de dire oui. D’ailleurs Internet foisonne de sites permettant de s’autoéditer, que ce soit avec un bon livre papier, en numérique ou avec l’Impression à la demande. Valeur ajoutée de l’éditeur : le tri, le travail, l’encouragement, le professionnalisme, la promotion. Ce n’est pas rien ! Non, les éditeurs sont là pour rester, mais ils devront évoluer et comprendre que le livre numérique n’est pas qu’une transposition du livre papier. Un pas à la fois.

L’imprimeur ? TCHAC ! Un intermédiaire qui débarque. Pour un secteur déjà moribond, ce n’est pas une bonne nouvelle. Pour autant que le livre numérique vienne gruger dans les ventes du livre papier. À court terme sûrement pas, mais à moyen et long terme probablement. Ils ont le temps de redéfinir une stratégie. Aujourd’hui, les éditeurs leur envoient les fichiers pdf pour impression. Pourquoi n’offriraient-ils pas le service de conversion aux formats numériques tel le epub ou le kindle ? Voilà une valeur ajoutée qu’ils devraient développer.

Le distributeur ? Le volet «paquet-ficelle » de la distribution disparaît. À la place, il faut stocker les fichiers numériques et les rendre disponibles au téléchargement. Cela suppose des infrastructures, de la bande passante et du personnel compétent. Le tout au Québec et non en Asie. Pour des questions éthiques bien entendu, mais aussi juridiques : les fichiers doivent être hébergés sur le territoire pour lequel les éditeurs ont obtenu les droits. Le volet « collecte » reste important, le distributeur est responsable des comptes auprès des détaillants. Et, dans bien des cas, le distributeur est aussi le diffuseur, c’est-à-dire qu’il fait la promotion du livre sur le terrain, auprès des détaillants. Valeur ajoutée : les distributeurs auraient encore leur rôle de collecteur et de diffuseur à jouer, s’ils voulaient bien se réveiller. Le dormeur doit se réveiller !

Le libraire ? Internet permet de rejoindre facilement chacun des utilisateurs derrière son écran. Enfin… pour autant qu’on ait réussi à attirer son attention ! Devant l’offre galopante, comment rejoindre notre lecteur, celui pour qui nous avons publié ce livre ? Avec une bonne information, bien structurée, des sites Internet efficaces, des publicités ciblées… certes. Mais aussi et même surtout par l’entremise de détaillants dont c’est le métier de conseiller des lecteurs ! Les livres numériques doivent être disponibles au téléchargement sur des sites transactionnels mais aussi sur le plancher des magasins. D’ailleurs Archambault avec son jelis.ca n’est il pas un libraire ? (pas besoin de répondre, ce n’est pas vraiment une question). Par contre le risque pris par le libraire n’est plus le même : plus d’inventaire physique, fini les boîtes, adieu les retours. Valeur ajoutée : la connaissance de la clientèle, la spécialisation dans des niches, le conseil. Serait-ce le retour des clubs de lecture ? Espérons que l’exemple d’Archambault sera suivi rapidement par d’autres.

Au final quels coûts ont été épargnés ? 20 % chez l’imprimeur, 5 % chez le distributeur, 10 % chez le libraire. Grosso modo 35 %. Les frais fixes restent les mêmes. Remplacez mise en pages par programmation pour réaliser les fichiers epub. Connaissez-vous les tarfis des programmeurs ? Si c’est non, vous êtes chanceux !

Il est du privilège de l’éditeur de choisir le prix de vente. Du moins au Québec et en France, car dans l’édition anglophone les détaillants ont le gros bout du bâton, concentration oblige. Quand vous contrôlez plus de 60% du marché, vous pouvez dicter la loi. Dans le monde numérique, vous vous appelez Amazon et vous contrôlez probablement 90% du marché étatsunien. Ils ne connaissent qu’une seule façon de vendre : couper les prix. Mais rappelez-vous qu’à chaque coupe, il y a quelqu’un qui trinque. Et est-il raisonnable de se laisser dicter les règles du marché sans au moins essayer de créer nous-mêmes quelque chose ?

Revenons au Québec. Les prix de vente du livre numérique vont de 50 % à 100 % du prix papier. Déjà, on est encore tributaire du livre papier. Mais les éditeurs ne peuvent pas du jour au lendemain rejeter du revers de la main leur gagne-pain ! En moyenne, on navigue autour du 75 % du prix du livre papier. Soit 25 % moins cher. Avec une économie de 35 %, il reste donc un 10 % pour assumer le risque et surtout le développement d’un marché actuellement embryonnaire. Ainsi donc un livre papier vendu 20 $ trouverait sa contrepartie numérique à 15 $.

Et du côté du disque ? Comparons Archambault et iTunes avec les meilleurs vendeurs. Entre vous et moi, le dernier Martine Saint-Clair. 19,99 $ en cd, 19,99$ en téléchargement (100 %). Emmène-moi quek part, le dernier Yelo Molo : 14,99 $ vs 9,99 $ (67 %). The Fame de Lady Gaga : 14,99 $ vs 9,99 $ (67 %). The E.N.D. des Black Eyed Peas : 15,99 $ vs 10,99 $ (69 %).

Et ça marche, le marché se développe et chacun se félicite de pouvoir mettre directement sur son lecteur mp3 le dernier disque à la mode. Pourquoi le livre devrait lui être drastiquement moins cher ?

Chacun doit y trouver son compte mais aujourd’hui il faut expérimenter un marché naissant. Gageons que les années futures seront riches en négociations. Et c’est d’ailleurs notre seule voie de sortie : accepter de suivre un modèle en perpétuelle mutation.