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Le 1 septembre 2009 par Gilles Herman

Le livre numérique [2] : Le prix

[0] Introduction [1] Glossaire [2] Le prix [3] L'agrégateur

D'entrée de jeu, le sujet qui fâche. Le livre numérique est-il trop cher ? Les premières critiques ne se sont pas fait attendre : les éditeurs québécois sont des voleurs et des imbéciles, ils n'ont rien compris à la nouvelle économie numérique.

Minute papillon...

Regardons d'abord la structure du prix d'un livre papier : 10% pour l'auteur, 15 % pour le distributeur, 20 % pour l'imprimeur, 40 % pour le libraire qui laissent 15 % pour l'éditeur.

Le prix du livre15 % pour payer les frais fixes : travail d'édition, révision, mise en pages, graphisme, correction, administration. Et aussi la promotion. Comment fait-on pour tout de même s'en sortir ? Le volume et les réimpressions. Dans le cas de grands tirages, les frais fixes sont noyés et le pourcentage de l'imprimeur baisse. Par contre le risque augmente, la chute sera d'autant plus haute que le tirage est élevé si le livre ne se vend pas. Dans le cas des réimpressions, les frais fixes sont déjà absorbés, c'est la vraie manne des éditeurs. Point de salut sur un premier tirage !

Je vous entends déjà : « Justement, avec le livre numérique, on supprime des intermédiaires donc les coûts sont moindres ! »

Re-minute... Quels intermédiaires disparaissent ? Quelle est la valeur ajoutée de chaque intervenant ?

L'auteur ? Bien sûr que non. Il est à la base de notre monde du livre.

L'éditeur ? Certains seraient tentés de dire oui. D'ailleurs Internet foisonne de sites permettant de s'autoéditer, que ce soit avec un bon livre papier, en numérique ou avec l'Impression à la demande. Valeur ajoutée de l'éditeur : le tri, le travail, l'encouragement, le professionnalisme, la promotion. Ce n'est pas rien ! Non, les éditeurs sont là pour rester, mais ils devront évoluer et comprendre que le livre numérique n'est pas qu'une transposition du livre papier. Un pas à la fois.

L'imprimeur ? TCHAC ! Un intermédiaire qui débarque. Pour un secteur déjà moribond, ce n'est pas une bonne nouvelle. Pour autant que le livre numérique vienne gruger dans les ventes du livre papier. À court terme sûrement pas, mais à moyen et long terme probablement. Ils ont le temps de redéfinir une stratégie. Aujourd'hui, les éditeurs leur envoient les fichiers pdf pour impression. Pourquoi n'offriraient-ils pas le service de conversion aux formats numériques tel le epub ou le kindle ? Voilà une valeur ajoutée qu'ils devraient développer.

Le distributeur ? Le volet «paquet-ficelle » de la distribution disparaît. À la place, il faut stocker les fichiers numériques et les rendre disponibles au téléchargement. Cela suppose des infrastructures, de la bande passante et du personnel compétent. Le tout au Québec et non en Asie. Pour des questions éthiques bien entendu, mais aussi juridiques : les fichiers doivent être hébergés sur le territoire pour lequel les éditeurs ont obtenu les droits. Le volet « collecte » reste important, le distributeur est responsable des comptes auprès des détaillants. Et, dans bien des cas, le distributeur est aussi le diffuseur, c'est-à-dire qu'il fait la promotion du livre sur le terrain, auprès des détaillants. Valeur ajoutée : les distributeurs auraient encore leur rôle de collecteur et de diffuseur à jouer, s'ils voulaient bien se réveiller. Le dormeur doit se réveiller !

Le libraire ? Internet permet de rejoindre facilement chacun des utilisateurs derrière son écran. Enfin... pour autant qu'on ait réussi à attirer son attention ! Devant l'offre galopante, comment rejoindre notre lecteur, celui pour qui nous avons publié ce livre ? Avec une bonne information, bien structurée, des sites Internet efficaces, des publicités ciblées... certes. Mais aussi et même surtout par l'entremise de détaillants dont c'est le métier de conseiller des lecteurs ! Les livres numériques doivent être disponibles au téléchargement sur des sites transactionnels mais aussi sur le plancher des magasins. D'ailleurs Archambault avec son jelis.ca n'est il pas un libraire ? (pas besoin de répondre, ce n'est pas vraiment une question). Par contre le risque pris par le libraire n'est plus le même : plus d'inventaire physique, fini les boîtes, adieu les retours. Valeur ajoutée : la connaissance de la clientèle, la spécialisation dans des niches, le conseil. Serait-ce le retour des clubs de lecture ? Espérons que l'exemple d'Archambault sera suivi rapidement par d'autres.

Au final quels coûts ont été épargnés ? 20 % chez l'imprimeur, 5 % chez le distributeur, 10 % chez le libraire. Grosso modo 35 %. Les frais fixes restent les mêmes. Remplacez mise en pages par programmation pour réaliser les fichiers epub. Connaissez-vous les tarfis des programmeurs ? Si c'est non, vous êtes chanceux !

Il est du privilège de l'éditeur de choisir le prix de vente. Du moins au Québec et en France, car dans l'édition anglophone les détaillants ont le gros bout du bâton, concentration oblige. Quand vous contrôlez plus de 60% du marché, vous pouvez dicter la loi. Dans le monde numérique, vous vous appelez Amazon et vous contrôlez probablement 90% du marché étatsunien. Ils ne connaissent qu'une seule façon de vendre : couper les prix. Mais rappelez-vous qu'à chaque coupe, il y a quelqu'un qui trinque. Et est-il raisonnable de se laisser dicter les règles du marché sans au moins essayer de créer nous-mêmes quelque chose ?

Revenons au Québec. Les prix de vente du livre numérique vont de 50 % à 100 % du prix papier. Déjà, on est encore tributaire du livre papier. Mais les éditeurs ne peuvent pas du jour au lendemain rejeter du revers de la main leur gagne-pain ! En moyenne, on navigue autour du 75 % du prix du livre papier. Soit 25 % moins cher. Avec une économie de 35 %, il reste donc un 10 % pour assumer le risque et surtout le développement d'un marché actuellement embryonnaire. Ainsi donc un livre papier vendu 20 $ trouverait sa contrepartie numérique à 15 $.

Et du côté du disque ? Comparons Archambault et iTunes avec les meilleurs vendeurs. Entre vous et moi, le dernier Martine Saint-Clair. 19,99 $ en cd, 19,99$ en téléchargement (100 %). Emmène-moi quek part, le dernier Yelo Molo : 14,99 $ vs 9,99 $ (67 %). The Fame de Lady Gaga : 14,99 $ vs 9,99 $ (67 %). The E.N.D. des Black Eyed Peas : 15,99 $ vs 10,99 $ (69 %).

Et ça marche, le marché se développe et chacun se félicite de pouvoir mettre directement sur son lecteur mp3 le dernier disque à la mode. Pourquoi le livre devrait lui être drastiquement moins cher ?

Chacun doit y trouver son compte mais aujourd'hui il faut expérimenter un marché naissant. Gageons que les années futures seront riches en négociations. Et c'est d'ailleurs notre seule voie de sortie : accepter de suivre un modèle en perpétuelle mutation.

Commentaires

Je m'intéresse depuis très longtemps aux livres numériques. Je comprends très bien les mécanismes qui font que la différence n'est pas aussi forte que nous (les lecteurs) aurions pu le penser au départ. Par contre, il y a quand même quelque chose que je ne m'explique pas. Lorsque le livre passe en édition de poche et donc que le prix tourne autour de 8 à 10€ (je suis française donc je ne connais que les prix français :) ) pourquoi est ce que les livres numériques ne change pas de tarifs ? Si vous avez des éléments de réponse, je suis preneuse.
En tout cas merci pour ce descriptif des différents cout composant le prix d'un livre.

Excellent résumé, très bonne démonstration.

Ma seule remarque: quiconque apprécie le puissant moteur de recommandations d'Amazon sait que leur seule façon de vendre n'est pas de réduire les prix. C'est un peu simple. La taille de l'inventaire (virtuel en partie, je sais) est aussi un facteur d'attraction très puissant.

J'adore ma librairie de quartier, j'y dépense beaucoup. Mais pour les besoins pointus, rien ne bat Amazon. S'il est plus facile d'écrémer un livre en boutique pour décider de l'acheter ou non, Amazon remporte la manche des recommandations "latérales", c'est-à-dire d'autres livres selon nos intérêts.

J'ai l'impression que les coûts reliés aux libraires, qui représentent aujourd'hui 40%, devraient diminuer à l'avenir en raison de la réduction des risques liés à l'inventaire, au transport, etc. qui ne sont plus pertinents avec des fichiers. Stocker des fichiers coûte tout de même moins cher que de stocker des livres, même au Québec.

Le livre électronique à 50-65% du coût du livre papier? N'importe quand pour moi, j'achète! On y arrivera bientôt avec l'amélioration des techniques existantes... En deçà, on décourage les éditeurs et les auteurs. Au-delà, ce sont les lecteurs qui sont pris pour les dindons de la farce.

Trop bas 50-65%? Je vous recommande à l'excellent éditeur Rosenfeld Media, qui se tient dans cet ordre de grandeur. Et toutes les versions papier sont accompagnées de leur contrepartie numérique, ce qui est plein de bon sens!

Analyse intéressante, merci Gilles pour cet apport.
Marie de jelis.ca

On risque de vivre un décloisonnement et on le vit déjà: des livres qui sont écrits sur le web au fil de billets de blogue et remis en forme par la suite. Comme tu le mentionnais, c'est ce décloisonnement qui risque de faire diminuer l'apport et l'attrait de l'éditeur dans certains cas. On n'a qu'à aller voir le projet The Book Oven du montréalais Hugh McGuire pour s'en convaincre (celui qui est aussi derrière le projet Librivox):
http://bookoven.com

@ Alfine : une édition poche implique une diffusion à grande échelle d'un bon vendeur, une réduction des coûts dont une réduction des droits d'auteur. Les frais fixes sont aussi absorbés, car il s'agit d'une réduction du livre grand format. Il est certain que si on peut se procurer une version poche à moindre coût qu'une version numérique, il y a un problème.

@ Michael : Amazon a une terrible avance sur les autres vendeurs de livres. Presque irrattrapable. Je ne vois que Google pour aller les concurrencer. Il est probable que la marge des détaillants va aller à la baisse. Mais il faut aussi se souvenir que ce sont les mêmes détaillants qui vendent nos livres papier, il faut ménager la chèvre et le chou. On va probablement assister à une longue glissade vers un prix plus bas.

Excellent exposé mais je ne suis pas d'accord sur quelques faits. Tout d'abord, le stockage ne représente rien, quelques ko par livre. Je peux probablement stocker une bibliothèque de 2000 bouquins simplement dans mon compte Gmail. Même chose pour la bande passante qui est un concept utilisé à tort et à travers. La programmation en format epub est, quant à elle, aussi facile à exécuter qu'un "Enregistrer sous" dans un format autre que .doc.

Ceci dit, je persiste à croire que les éditeurs sont et seront encore nécessaires pour les multiples raisons que vous avez énumérées plus haut. Je crois qu'elles deviendront de plus en plus des guides dans ce fouillis grandissant qu'est Internet et le monde de la distribution numérique.

J’avoue être très étonné que ce post soit si vite considéré comme « base à la discussion » sur Facebook tant il me semble tendre vers des conclusions et vers des intérêts préétablis.

Tout d’abord, si le graphique est une juste représentation de l’économie d’UN livre, il n’est pas représentatif de l’industrie du livre puisqu’il ne prend pas en compte les diverses aides fiscales ou gouvernementales qui soutiennent l’industrie, et notamment les éditeurs. On sait que de nombreux éditeurs sans ces aides ne survivraient pas. Il est important de préciser que l’édition évolue dans un contexte fortement soutenu, ce qui devrait influer sur les paramètres du graphique pour être vraiment représentatif de la réalité de l’édition québécoise.

Ensuite, en ce qui a trait aux projections de ce que pourrait être la « nouvelle économie », certains arguments me semblent particulièrement discutables et surtout, peu crédibles.

Je reviendrai à l’auteur plus tard, même si je suis d’accord pour dire qu’il est à la base de tout.

En ce qui concerne l’éditeur, parler de programmeurs qui coutent très cher pour faire des fichiers epub, c’est purement tendancieux. Il existe déjà pas mal de convertisseurs qui permettent à n’importe quel internaute de transformer un fichier texte en format epub ou LRF (Sony reader). Pour l’édition pro, ces éditeurs sont plus performants, mais ne demandent pas des ressources humaines très onéreuses. Certainement les mêmes prix qu’un maquettiste.

L’économie de l’éditeur est substantielle, parce qu’une fois le fichier numérique crée, il est prêt à être diffusé. Ainsi, il n’y a pas comme pour le print le reste de la chaine « maison » à payer (chef de fab, suivi, etc.) et les divers allers et retours avec l’imprimeur. Donc même si l’économie reste minime, préparer un fichier numérique coûte moins cher à l’éditeur que de préparer et suivre la fabrication d’un livre.

Les calculs concernant les distributeurs et les libraires, j’ai du mal à les admettre. Je ne vois vraiment pas ce que vient encore faire le distributeur et ses 5%(?) dans le circuit du livre numérique. La belle initiative de «jelis.ca » permet vite de comprendre que le libraire devient aussi le distributeur. On saute ainsi la distribution actuelle qui consistait à gérer, stocker, répartir et livrer les livres papier pour ne plus avoir qu’un fichier (réalisé par l’éditeur) sur le serveur du revendeur online. Puisqu’il n’existe plus de distributeur physique dans ce nouveau modèle, doit-on comprendre que c’est le libraire qui s’octroie les 10% qui semblent rester dans les calculs de Gilles?

Pour ce qui à trait aux économies des libraires, évaluées à 10% par Gilles pour une prise de risque moindre, je ne suis pas certain que la gestion-vente d’un fichier numérique, par/sur internet, n’amène qu’une économie finale de 10% chez le libraire dans la chaine globale. Mais bon, on va rester à 10%...

Mais ce qui m’ennuie le plus dans l’équation de Gilles c’est ce fameux 10% (4 paragraphes avant la fin) qui serviraient à assumer le risque et assumer le développement d’un marché actuellement embryonnaire. Je crois comprendre que c’est à l’éditeur qu’il reviendrait. (si ça n’est pas le cas, la suite va être faussée, mais méritera tout de même attention).

Donc, si tel est le cas, on se retrouverait avec le fromage suivant :

10% pour l’auteur
30% pour l’éditeur
60% (10+50) pour le distributeur-libraire.

Et là, il est facile à faire le calcul. Avec ces pourcentages, un livre électronique vendu à 15$ rapportera autant, voire plus, à l’éditeur et au distributeur-libraire qu’un livre papier vendu 20$! Alors que l’auteur lui, il verra son revenu fondre de 25%...

Et c’est ce qui m’ennuie dans cette démonstration. Elle enterre imprimeurs et distributeurs de l’ancien modèle au nom du progrès. Elle envisageait même une baisse des prix pour la survie du livre et de l’édition. Mais on se rend vite compte qu’elle préserve totalement les intérêts des éditeurs et des distributeurs-libraires pour laisser le poids de « l’effort à faire » sur les épaules des auteurs qui sont à la base même du monde du livre, comme le dit Gilles…

Donc pour clore : les auteurs qui ont en général 10,12, 14% sur le livre papier, devraient pouvoir obtenir au minimum 14, 16, 18% sur l’édition électronique afin de préserver leurs revenus et leur maintenir la capacité à écrire de nouveaux livres.

@ Patrick : Vrai pour l'espace de stockage. Espace qui doit tout de même inclure un bon niveau de sécurité. La bande passante est loin d'être gratuite. Au-delà du téléchargement du fichier lui-même, il y a aussi le feuilletage d'un extrait. Tout cela éventuellement multiplié par des dizaines de millier. Mais oui aujourd'hui ce n'est pas notre principal problème.

Je persiste et signe : convertir un fichier en epub est compliqué ! Le problème vient du fait que les logiciels de PAO sont trop sophistiqués et ne génèrent pas un code epub propre. De plus, il faut avoir une méthodologie particulière dans la gestion des styles de paragraphes et de caractères, la subdivision des fichiers pour former un livret etc. Bref peut-être qu'à l'avenir on peut essayer de faciliter la conversion, mais pour ce qui est de convertir les livres existants c'est un tout autre défi. Et je ne parle que des romans, la forme la plus simple. Je peux effectivement ouvrir un pdf dans Stanza ou Calibre et faire une conversion, mais le résultat ne sera pas fameux.

En fait c'est là tout l'enjeu : fournir un fichier de qualité. Sinon autant rester sur le papier.

@ Pierre : une base est une proposition autour de laquelle discuter. Quant à mes intérêts ils sont clairs et bien exprimés.

Je vais essayer de refléter l'aide gouvernementale dans ma tarte. Je dois réfléchir à la façon de la présenter. Mais oui elle existe et effectivement sans elle bon nombres de livres n'existeraient pas. En fait c'est probablement tout un pan de notre culture qui n'existerait pas. Comme tu le dis, il est difficile de refléter la réalité par un seul graphique.

Pur le epub, voir la réponse à Patrick. Notre ligne de production est clairement à revoir, il va falloir y intégrer le numérique, ce qui n'est pas le cas actuellement (hormis le pdf). Ok pour le prix d'un maquettiste. Donc de quelques centaines à plusieurs milliers de dollars selon le type d'ouvrage.

Le fichier numérique doit tout de même être vérifié à l'interne : structure de la table des matières, ISBN, prix, crédits etc. Un maquettiste ou programmateur n'est pas un éditeur : il faut systématiquement revoir son travail (désolé si j'en froisse au passage). Quant aux allers-retours avec l'imprimeur, ils n'existent plus depuis l'utilisation du pdf qui est en fait une épreuve finale fournie par l'éditeur. Par contre il y a économie sur les invendus, les retours et les défectueux puisqu'ils n'existent plus.

Pour le distributeur, je vais m'expliquer dans un autre billet. Mais non, Archambault n'est pas distributeur. Il n'a pas les fichiers en main. Quel que soit le revendeur, les fichiers sont livrés depuis le même serveur mis en place par les éditeurs québécois, ce qu'on appelle l'agrégateur. Agrégateur aujourd'hui opéré par une entreprise privée québécoise, De Marque. Qui garde sa côte sur chaque transaction pour livrer le fichier, le sécuriser (j'en parlerai aussi dans un autre billet) et assurer le suivi technique et les développements futurs. Bref, un distributeur virtuel.

La question de la collecte des comptes chez les détaillants est cruciale. Aujourd'hui il n'y a que jelis.ca mais demain il pourrait y avoir des dizaines de sites de vente. Ça demande un suivi de comptabilité : facturer, se faire collecter, faire des rappels, assumer le risque de pertes dû à un mauvais créancier. C'est ça la réalité du livre ! Faut-il rappeler qu'un suivi rigoureux des ventes est à la base du calcul des droits d'auteur ?

Je ne m'étendrai pas sur les libraires, je le ferai plus tard. C'est plus compliqué qu'une simple question de pourcentage. Mais oui il y a là aussi espace à discussion.

Pour le calcul final, je ne suis pas sûr de bien te suivre. Mais en ce qui concerne les droits d'auteur, il va falloir qu'il y ait un marché pour pouvoir négocier. Car concrètement, un éditeur qui se lance aujourd'hui là-dedans fait face à de nombreuses factures sans aucun revenu potentiel à court terme. Il faut avoir la foi ! Pourquoi pas un partage des revenus nets ? Peut-être que ce serait plus équitable. En 2008, Septentrion a versé 855 $ de droits sur des ventes de pdf (il faut bien commencer quelque part…). En net je n'aurais rien versé. Ou alors des droits versés à partir du point mort ?

Il faut d'entrée de jeu accepter que le ou les modèles vont évoluer au cours des prochaines années. Notre modèle actuel du livre papier ne s'est pas fait en un jour. Il va rester à chaque éditeur à négocier avec ses auteurs. Aujourd'hui, préfères-tu être publié chez un éditeur qui t'offre une présence numérique ou préfères-tu te réserver ces droits ou encore choisirais-tu un éditeur qui ne va pas vers le numérique ?

Nos intérêts convergent, éditeurs et auteurs seront forcés de s'entendre pour continuer à travailler ensemble.

Merci Gilles de cette réponse. J’avoue rester encore perplexe devant certains arguments, mais d’autres m’éclairent et je comprends mieux.

Pour le calcul final, tu ne me suis pas. Je n’ai fait que de tenter de refaire un graphique pour l’édition numérique en me basant sur tes chiffres et propos. Tu peux oublier mes projections et nous donner dans le même format camembert-couleurs (en excluant les aides gouvernementales et fiscales) le modèle de revenu pour un livre électronique. Ainsi, on verra si ce que j’avais compris correspondait à ce que tu émettais. En gros, fais-nous un beau camembert… 

Si dans le cas d’une vente numérique, on constate que seul l’auteur voit son revenu baisser, il y a un malaise. Surtout s’il s’avérait que le revenu de l’éditeur, du distributeur et du libraire reste à même niveau malgré un prix de vente du livre inférieur (20$ versus 15).
Je récuse d’avance l’argument qui consisterait à mettre l’édition électronique dans le même panier que le livre de poche et les clubs de livres. Car dans ces cas, si le revenu de l’auteur baisse, celui de l’éditeur également.
Au fond, et pour être bien franc, je ne vois rien qu’y puisse justifier que le revenu d’un auteur dans le cadre de l’édition numérique, tel que tu le définis, puisse baisser. Tu évoques tes frais, tes risques, ton courage, les coûts des conversions ebook, mais tu oublies totalement le fait que l’éditeur n’a plus la charge et le risque d’imprimer des centaines, voire des milliers de copies d’avance. De plus, comme nous sommes en transition, on parle surtout de livres édités papier, donc markétés, qui seraient également, ou ensuite, disponibles en numérique.

En ce qui concerne le revenu des auteurs, je ne m’attarderai pas là-dessus, mais c’est toi l’éditeur qui veut aller sur le numérique, pas moi l’auteur qui l’exige. Tu me parles des nombreuses factures à payer. Connais-tu un éditeur qui paye des factures s’il n’entrevoit pas un revenu potentiel à terme? Le partage du revenu net? Aucun auteur doté d’un cerveau ne devrait accepter de signer cela. Pour le reste, bien entendu que je souhaite être édité chez un éditeur (je le suis d’ailleurs) qui m’assurera une présence sur le net. Mais si les deux partis souhaitent que la relation dure, autant que ce soit dans le cadre d’un « win-win deal ».
Je sais que la littérature québécoise n’a peut-être pas le pouvoir auprès des distributeurs de fixer ses conditions par la force. Mais aujourd’hui, la distribution numérique est embryonnaire. Qui tente de la promouvoir en proposant divers modèles de Sony reader ?

Où je veux en venir est que si tu as le contenu, tu les tiens par les couilles. Aucun hardware ne s’est imposé sans que les fournisseurs de contenu ne soient satisfaits (cf. jeux vidéo et les différentes tentatives de livres électroniques passées). Que trouves-tu de disponible pour ces formats numériques actuellement? Soit des livres du domaine public ou des best-sellers qui ont déjà fait tellement de fric qu’ils arrivent sur le numérique pour faire des bénéfices marginaux dans un cadre exploratoire. Mais ce dont ont besoin les libraires online et les fabricants de hardware, c’est d’un catalogue « énormissime ». Sans ça, ils crèveront. Et pour qu’ils puissent avoir un catalogue, il faut qu’auteurs et éditeurs soient satisfaits de ce qui s’en vient.

Donc, pour revenir à la question, refais-nous un camembert du modèle de partage d'un livre électronique.

@ Pierre : en fait on est d'accord. Si le revenu de l'éditeur augmente, la part de l'auteur doit augmenter en conséquence. Ça va de soi. Je dis simplement que cette négociation auteurs-éditeurs est peut-être prématurée. Car 10 ou 20% de zéro, je te laisse faire le calcul ;-)

C'est volontairement que je n'ai pas fait un camembert pour le marché numérique, pour la simple raison que les pourcentages ne sont pas arrêtés et que je les sortirais donc de mon chapeau.

L'expérience jelis.ca est ce qu'elle est : une expérience. À nous d'en tirer des enseignements.

Et tu as bien compris pour les couilles. Enfin le contenu. C'est toute la démarche des éditeurs avec l'agrégateur : ne pas remettre nos fichiers à une tierce partie (que ce soit Archambault ou Google ou Amazon) mais en garder le contrôle. Si demain je suis mécontent, un clic et je ferme le tuyau !

La der des ders...

Ce genre de discussion ouvre à un tas de réflexions ou questions. Je pense que les auteurs et les éditeurs ont intérêts à vite s’entendre et, sans rabâcher, il faut que les auteurs y trouvent leur compte pour que l’édition numérique soit rentable pour eux et non une sorte d’édition dérivée, genre Club du livre.
Pour le moment, on en est à la première génération de livre numérique. Comme c’est toujours le cas, on pense d’abord à « porter » le contenu existant vers le nouveau média. Mais rapidement, de nouveaux formats de livre vont naitre. J’imagine des contenus plus ramassés. Des miniromans, des nouvelles à l’unité, des livres achetables par chapitre, des histoires par épisode… Le succès d’Itune, c’est essentiellement cela.
Par ailleurs, pour diminuer le risque, on verra peut-être des éditeurs agir comme certains producteurs de films américains qui, face à un film moyen, évitent parfois le circuit des salles pour aller directement en DVD. Peut-être qu’il sera tentant de ne publier certaines oeuvres que sur le numérique.
La facilité à produire des fichiers numériques va certainement faire naitre un tas de nouveaux éditeurs indépendants qui proposeront peut-être un partage de revenu bien plus intéressant pour les auteurs.
Et les grands noms? Quand tu constates que Marie Laberge au Québec avec ces « Nouvelles de Martha » a réuni 41,000 abonnés. Tu ne serais pas tenté, à sa place, de ne conserver que l’éditeur et de vendre directement le numérique de son propre site?
C’est pourquoi, après réflexion, de partir de ton camembert du modèle du livre pour expliquer les nouvelles répartitions online est cohérent pour préserver les intérêts actuels de ton prisme d’éditeur. Mais il me paraît totalement archaïque si l’idée est d’envisager l’avenir avec lucidité, en considérant les phénomènes observés précédemment sur web.
Parce que ça n’est pas les éditeurs qui vont refaire l’internet. Mais bien l’internet qui va refaire les éditeurs…

Le graphique reflète assez bien la réalité avant les subventions. Si les éditeurs reçoivent des subventions, il ne faut pas oublier que les auteurs en reçoivent aussi via le programme de la Commission du droit de prêt public et les redevances de Copibec même si cela n'affecte pas le prix comme tel du livre.

Bien d'accord sur ce principe : aujourd'hui on transpose nos livres en numérique mais demain il faudra faire de la vraie édition numérique. Un pas à la fois.

Un livre numérique, comme la musique MP3, est plus facile à pirater/copier qu'un livre papier. Le livre papier, lui, se trouve à la bibliothèque. Dans un cas comme dans l'autre, il y a des ventes perdues.

Mais ce qui m'attriste, me décourage, me frustre (!), c'est que peu importe le format, c'est l'auteur de l'oeuvre qui reçoit la plus petite part.

Avant de se battre sur le prix du numérique vs papier, devrait-on revoir l'importance de l'auteur dans la création de l'oeuvre? :)

« Puisque ce phénomène nous dépasse, faiegnons d'en être l'organisateur» Le livre numérique existe : les auteurs et les libraires sont ceux qui en paieront la note, s'ils se contentent de jérémier!
Que faire ?
1) Réglementer les marges et garantir les droits des concernés: À l'heure actuelle, GOOggle et Amazone ont surtout conclu des accords avec les grandes bibliothèques,allant même jusqu' à créer leurs entrepots numériques, à leurs frais ( C'est le cas de la Grand Bibliothèque de Lyon ;coût 40 millions) ainsi que quelques maison d'éditions . En général, cela ne concerne que les droits de publications devenus publics, mais pas du tout ceux des auteurs ( sauf si procès!): un livre publié ici il y a trente ans est du domaine public, certes, mais l'auteur s'il est vivant garde tous les siens.
Il va falloir donc légiférer dans ce sens. Cela se fera au coup par coup : le fédéral devra, après concertation avec les organisations impliquées, passer une loi qui définisse surtout les droits de chacun et le pouvoir de contrôle, sur le plan comptable, des sommes redevables aux parties.Le plus tôt possible !
Car nous allons directement vers une pagaille juridique, dans un premier temps, qui nécéssitera une réglementation mondiale. Ce que les accords de Stockcolm et de Rome avaient réussi, via l'UNESCO, pourquoi, par le même biais, ne pourrait-on pas le répéter pour le bien de tous ?
2) Quant aux libraires, y compris les petits, ils doivent se moderniser. Ils existeront toujours, mais pourquoi, outre le livre en présentoir, ne pourraient-ils avoir des comptoirs numériques branchés sur un serveur mis à jour, Ou même, comme trois libraires suédois, avoir un petit ensemble d'impression numérique, ( format livre de pôche ) qui imprime à la demande du client ?
Puisque nous en sommes « les organisateurs » ( dixit Cocteau ) modernisons la chose. Si, nous les auteurs, ne voulons pas finir en sauce pour le produit

Moi, ce qui m'ennuie encore dans la "démonstration" de Gilles est de savoir si elle était faite à titre d'éditeur ou en qualité de membre du comité numérique de L'ANEL.
Si c'Est en tant qu'éditeur, nombre de ses livres sont déjà sur des sites numériques. En tous cas sur celui de www.jelis.ca. Donc, il a signé un contrat et les droits devraient être déjà répartis tels qu'il le décrit.
Si cette démonstration est à titre de membre du comité numérique de l'ANEL, c'est encore plus ennyeux parce qu'il faudrait considérer que c'est la position même des éditeurs québécois qui a été décrite ci-haut.

Ce que j'écris sur ce blogue n'engage que moi et non l'ANEL. Le comité numérique n'est d'ailleurs qu'un comité assujetti au Conseil d'Administration et ultimement à l'Assemblée générale qui se tiendra justement à la mi-septembre. Devinez de quoi on va parler ?

Quant à l'expérience jelis.ca rien n'est signé de façon définitive.

Bref c'est un premier essai d'un modèle et on va en tirer de précieux enseignements pour la suite.

Je vais répéter la dernière phrase de mon texte : « Et c'est d'ailleurs notre seule voie de sortie : accepter de suivre un modèle en perpétuelle mutation. »

Voilà un échange de point de vue fort intéressant et instructif. On n'a pas fini d'en parler. Livre papier ou numérique, les inquiétudes sont finalement les mêmes. C'est un marché difficile. Il y a rarement des gagnants si on se place seulement sur le plan financier.

C'est ce qu'il faut retenir. Un bon livre est irremplaçable tant pour l'auteur que le lecteur. Si on veut gagner beaucoup d'argent, il vaut mieux entrer dans la police ou se spécialiser carrément dans le numérique nonobstant le contenu.

Les techniciens qui ont "cablé" jadis nos bureaux gagnait cinq fois le taux horaire d'un éditeur.
Pourtant les métiers du livre sont parmi ceux qui donnent le plus de satisfaction. Il en résulte un produit unique.

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