Ce qui a toujours caractérisé les communautés francophones de l’Ouest est la diversité de leurs populations. Canadien français, Français, Suisse, Belge et Franco-Américain, établis ici depuis un siècle et plus, se trouvent aujourd’hui face aux nouveaux immigrants du Maghreb, d’Afrique et des Antilles que nous avons vus en relativement grand nombre au Collège universitaire de Saint-Boniface.. Justement, l’un des grands défis auxquels font face les communautés dites de souche est d’intégrer ces nouveaux venus. Il en a été souvent question au colloque du CEFCO.
Au Manitoba et en Saskatchewan, cette diversité traditionnelle, même au sein d’une population catholique et blanche, est frappante. Aujourd’hui, nous avons visité trois de ces milieux : Saint-Léon, Notre-Dame-de-Lourdes et Bellegarde. En parcourant les quelques kilomètres qui séparent Saint-Léon de Notre-Dame, nous avons aussi appris la triste histoire du hameau de Cardinal.
En suivant l’un de ces longs, étroits et droits chemins, on arrive à Saint-Léon où les drapeaux canadien et franco-manitobain saluent notre arrivée. Le village est très tranquille. Deux centres d’activités principaux : le petit « centre d’achats » et l’école. L’église qui domine au centre du village et les noms sur les pierres tombales témoignent de la provenance des habitants du village, Québécois en très grande majorité.
Aujourd’hui, les grandes nouvelles au village tournent autour d’une entente de 75 000 000$ signée avec la compagnie Sequoia Energy pour l’établissement à Saint-Léon d’un parc éolien qui créera une douzaine de nouveaux emplois.
Déjà passé par ici en 1982, je ne m’étais pas aperçu du hameau de Cardinal. Hameau? Difficile à dire. Il s’agit d’un regroupement d’une demi-douzaine de maisons autour d’une chapelle abandonnée. Aucun service, ni d’épicerie ni
de poste d’essence, n’est disponible ici. Toutefois, c’est le genre d’endroit qui aurait attiré au moins une personne célèbre : le docteur André de Leyssac (1925-1999). Sur une plaque située dans une aire de pique-nique devant la chapelle, on peut lire que ce érudit, venu de France et établi à Winnipeg, avait quitté la ville pour s’établir à Cardinal afin d’être près de la nature, de mieux réfléchir et se détendre.
La chapelle de Cardinal est symbole des aspirations et déceptions des colons. Arrivés l’année précédente et organisés en Société de Saint-Louis, Cyprien Cardinal, Jean-Baptiste Château, Jean Schumacher, Théophile Toutant et Lucien Vigier ont travaillé entre 1927 et 1929 à l’érection de cette belle chapelle blanche. L’édifice n’a reçu ni prêtre ni bénédiction qu’en 1935 lorsque l’Archevêque Yelle fit savoir officiellement que le père Champagne pourrait y dire la messe pendant les mois d’hiver. À l’exception de la messe, seulement trois autres cérémonies religieuses eurent lieu ici : en 1945 le baptême d’Élise Fouasse, en 1949 celui de Robert Pittet et en 1950 le mariage du couple André Talbot et Thérèse Cérénini. Combien ne fut pas ma surprise, une demi-heure plus tard, dans le nouveau cimetière de Notre-Dame-de-Lourde de tomber par hasard sur la pierre tombale de ce même couple.
Château, Toutant, Schumacher, Château, Vigier! Ce ne sont pas des noms « canadiens ». Non, ce sont les gens venus en 1891 de l’est de la France et de Suisse, accompagnés du Chanoine Dom Benoît qui leur avait donné rendez-vous au port d’Anvers. Ils ont fondé la localité de Notre-Dame-de-Lourdes. Quatre ans plus tard, à la demande du chanoine, plusieurs chanoinesses arrivent à Notre-Dame de Lyon, en France. Elles ont évidemment laissé leur marque sur le village. Peu nombreuses et vieillissantes, elles y sont encore de nous jours.
À ce premier groupe de colons se sont ajoutés par la suite des Bretons et d’autres groupes encore. Le directeur du collège régional de Notre-Dame, Denis Bibault, m’a fourni un plan du village montrant la disposition de chaque famille résidente avec son nom. Mentionnons en quelques-uns qui reviennent le plus souvent : Delaquis, Dupasquier, Jamault, Deleurme et Pantel.
Les deux écoles de Notre Dame se font face : du côté nord, l’École primaire et du côté sud, le Collège régional qui attire ses étudiants d’aussi loin que Saint-Léon. La situation du collège est un peu inquiétante en ce sens que le nombre d’élèves (112) n’est que la moitié de ce qu’il était il y a à peine cinq ans. Parmi les diplômés des dernières années dont le village est particulièrement fier est J-P Viguier, joueur d’attaque des Thrashers d’Atlanta de la Ligue nationale de hockey. En admirant son équipement de hockey au Musée, à côté des objets religieux des chanoines et chanoinesses et des outils des pionniers, j’ai eu l’audace de demander à Annette Delaquis qui me servait de guide si J-P parlait français. « Évidemment, fut sa réponse, il est allé au Collège ici ».
Le Centre Dom-Benoît est le centre névralgique du village, regroupant, en plus des fonctions municipales, les bureaux des deux autres paliers de gouvernement : fédéral et provincial. Modernes, propres et bien aménagés, ses locaux et le personnel qui les occupent sont accueillants et efficaces. Le dynamisme de Notre-Dame-de-Lourdes semble exemplaire.
Je ne peux en dire autant de Bellegarde, hameau, grand comme Cardinal, dans le coin sud-est de la Saskatchewan, que je désirais depuis longtemps visiter à cause de ses origines belges. La redécouverte de sa francité est encore très récente, telle qu’en témoigne la vieille maison arborant une nouvelle enseigne
.
Le Québec, le Canada, la Suisse, « les » France (Jura, Savoie, Bretagne…) et la Belgique…une francophonie internationale en miniature indélébilement inscrite dans le paysage des Prairies canadiennes.
One thought on “La Francophonie internationale en miniature”
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Je serai intéressée par des renseignements complémentaires concernant Elise FOUASSE baptisée en 1945
Avec mes remerciements.
Cordialement
Gisèle