À certains endroits, le grand Lac salé, ce vestige de l’immense lac Bonneville qui a couvert, il y a des milliers d’années, l’État de l’Utah presque au complet, ainsi qu’une partie importante des États d’Idaho, du Nevada, du Wyoming et du Colorado, se caractérise par un niveau de salinité huit fois plus élevé que celui de la mer. Le haut
degré de salinité s’explique par le fait que ce lac, tout comme la mer Morte, en Terre sainte, est sans issu. Les eaux des montagnes Wasatch et Uintas, pour ne nommer que celles-là, transportées par les rivières Bear, Weber et Provo, en passant, dans le cas de cette dernière, par le lac Utah dont les eaux fraîches alimentent le grand Lac salé via la rivière Jourdain, s’accumulent dans la cuvette au fond de laquelle se trouve le lac. Le seul issu pour ses eaux est par l’évaporation, les minéraux et d’autres matières solides y restant.
Un tableau sur place montre des fluctuations du niveau lacustre qui couvre la période depuis l’arrivée des pionniers mormons en 1847 jusqu’à nos jours, le lac monte et descend d’année en année en fonction des régimes de précipitation et de température. Cette variation est d’autant plus frappante dans le paysage. Il n’y a évidemment pas de marée ici. Les plages ne sont nullement fréquentées l’hiver et relativement peu l’été, car les baigneurs n’y sont pas à l’aise. On n’y nage pas, on flotte!
La plus grande île du grand Lac salé est celle des antilopes (Antelope Island), ainsi nommée à cause du grand nombre d’antilopes qui s’y trouvaient autrefois et qui y ont été réintroduites ces dernières années. L’île est reliée à la terre ferme par un chemin long de huit kilomètres. Personne n’y habite. Elle est parcourue par un troupeau de bisons et beaucoup de chevreuils. D’autres animaux (lièvres, mouffettes, renards, blaireaux, coyotes et lynx) se font remarquer dans les environs des ruisseaux, au nombre de quarante, qui descendant des hauteurs de l’île et qui se perdent dans le sol poreux des rives.
Etant donné l’absence de fils électriques, de tours de transmission, de lampadaires, de maisons, etc., l’île est l’endroit idéal pour les amateurs d’avions téléguidés, souvent de leur propre fabrication, et de cerf-volant qui désirent pratiquer leur passe-temps favori.
Monthly Archives: décembre 2003
Noël au Temple Square, Salt Lake City
Najat Bhiry est professeure de géographie à l’université Laval, une collègue à moi et mon amie. Elle passe son année sabbatique à Boulder, au Colorado. C’était donc avec grand plaisir que nous nous sommes retrouvés
ensemble à Salt Lake City pour participer aux activités organisées par l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours autour de la grande fête chrétienne. Nous avons été chaleureusement accueillis chez ma sœur et son mari, Larna et Blaine Hardcastle, de Sandy en banlieue de Salt Lake.
Le Square du temple est au cœur de la ville. Il est le centre historique et touristique de cette ville de la taille de Québec, fondée en 1847 par les pionniers mormons qui avaient, depuis la fondation de leur mouvement en 1830, subi des atrocités dans l’Est du pays. Aujourd’hui, le complexe du Temple Square couvre trente-cinq acres de
terrain et compte une quinzaine de composantes : (1) Temple; (2) Tabernacle; (3) Centre des conférences; (4) Centre d’interprétation du Nord (5) Salle de rassemblement; (6) Centre d’interprétation du sud; (7) Musée d’histoire et d’art de l’Église; (8) Bibliothèque d’histoire familiale; (9) Édifice de la Société de secours; (10) Édifice mémorial de Joseph Smith; (11)Vieil édifice à bureaux; (12) Nouvel édifice à bureaux; (13) Maison des lions (Lion House); (14) Maison des abeilles (Beehive House) (les deux composantes précédentes sont ainsi nommées en fonction des statues qui les coiffent et non en fonction de leur contenu : le lion symbolisant force et courage et l’abeille l’assiduité); (15) Parc historique Brigham Young.
Les guides au Temple Square sont des jeunes filles de partout dans le monde, âgées de 21 à 25 ans, qui font ce travail bénévole pendant une période de dix-huit mois. Par la parole, par le chant et par leur bonne humeur, elles font connaître les secrets du lieu et les fondements de leur foi. En présence de deux « sœurs missionnaires », l’une de France et l’autre de Tonga,Najat a su en profiter pour approfondir ses connaissances sur la culture et la foi mormones.
L’étrange édifice à dôme est le tabernacle où se déroule à toutes les heures du midi de la semaine—ou presque—un récital d’orgue de trente minutes. Les orgues et l’acoustique du tabernacle sont impressionnants. C’est ici évidemment que le Chœur du Tabernacle mormon fait ses répétitions et ses enregistrements. C’est aussi un édifice qui est devenu trop petit pour certaines des manifestations publiques qui s’y tenaient, d’où la construction récente (ouverture en 2000) du Centre des conférences qui accueillait cette semaine, à quatre reprises, 21 000 personnes à l’occasion du concert, « Les merveilles de Noël », présenté conjointement par le Chœur et l’Orchestre du Temple Square, avec la participation d’artistes invités, le soprano Frederica von Stade et le baryton Bryn Terfel. Leurs prestations ont fait crouler la salle sous les applaudissements.
À partir de 17h30, Temple Square s’illumine et se remplit de monde. Devant la crèche, surveillée par le fac-similé du Christus qui se trouve à l’étage supérieur du Centre d’interprétation du Nord, les passants peuvent se recueillir en écoutant l’histoire de la naissance de Jésus, selon l’Évangile de Saint Luc. Au pied du monument des mouettes qui
rappelle un événement miraculeux des premières années des Saints des Derniers Jours dans la vallée du Grand lac salé, ils restent souvent bouche bée devant un véritable bosquet lumineux. Et dans les jardins du temple lui-même, des familles, en grand nombre, s’inspirent de la beauté des lieux.
Du carrefour de l’Ouest des États-Unis qui est Salt Lake City, de son temple historique, sous une neige légère, Najat et moi souhaitons à tous ceux et celles qui liront ce récit un très joyeux Noël et une année 2004 dont le niveau de joie et de paix sera à son comble.
I-80, Nevada
Héros de la deuxième Guerre mondiale et président des Etats-Unis au plus chaud de la Guerre froide, Dwight D. Eisenhower a décrété, lors de son premier mandat, que le pays se dote d’un système autoroutier permettant aux forces armées du pays de se déplacer avec rapidité et efficacité. Identifiées par des chiffres impairs, du plus petit au plus gros, dans le sens de l’ouest à l’est et des chiffres impairs, du plus petit au plus gros, dans la direction du sud au nord, les autoroutes de cet énorme réseau relient les quatre coins des Etats-Unis. Joignant New York à San Francisco en passant par Chicago et le cœur du pays, le I-80 constitue l’un de ses liens les plus importants. Sur 650 km, de Reno, « la plus grande petite ville au monde », selon ses promoteurs, à Wendover à l’entrée de
l’Utah, il traverse également l’État du Nevada. Entre Reno et Wendover , seulement trois villes, toutes de petite taille : Winnemucca, chef lieu du comté de Humboldt, Battle Mountain, qui se veut la porte d’entrée à la cambrousse névadane, mais que le Washington Post a qualifié l’an dernier d’« aisselle de l’Amérique » (armpit of America) et Elko, dont le palais de justice aux allures ioniques rappelle une ville beaucoup plus imposante.
Le vide du Nevada est tel et le chemin qui le traverse si large et si droit que la limite de vitesse est la plus élevée du système autoroutier états-uniens (75 milles ou 120 km à l’heure). Ça roule…et parfois trop vite! De nombreuses croix fleuries plantées le long de l’autoroute (j’en ai compté neuf) témoignent, elles aussi, du caractère meurtrier de la route.
Le vent souffle sans cesse et l’armoise déracinée, roulante et volante (tumbleweeds) est partout. Le Nevada porte bien son sobriquet de « Sagebrush State ». Des scènes inoubliables saisissent le voyageur averti : une prison en plein désert et un panneau le long du chemin interdisant l’automobiliste de prendre des gens en autostop; une belle maison moderne isolée, loin de tout voisin arborant en ce temps de Noël crèche, chanteurs emmitouflés et rennes; deux tunnels percés en parallèle dans le roc enneigé.
Au Nevada, le joyau de I-80 est sans aucun doute Reno qui sert de terrain de jeux aux Californiens du nord (ceux du sud fréquentant davantage Las Vegas). Que ce soit à la périphérie de la ville, près de l’aéroport, ou au centre-ville, les casinos dominent le paysage urbain. Du campus paisible de l’université du Nevada, renommée pour son programme d’études et ses recherches en études basques, les étudiants aperçoivent la silhouette du centre-ville dont le contour est tracé par la toiture des casinos.
Études basques? Oui, des immigrants basques venus au Nevada travailler comme bergers dans l’immensité de ce pays vide. C’est le seul État, avec l’Idaho, où les Basques ont assumé un rôle aussi important dans la vie du pays. D’ailleurs, l’ancien Sénateur du Nevada, M. Paul Laxalt, ami personnel de Ronald Reagan et son fidèle allié politique, descend de ces immigrants basques.
French Gulch, Californie
En 1848, Pierson Reading a découvert de l’or dans la gorge de la Trinité, à mi-chemin entre Eureka et Redding. Les nouvelles se sont vite répandues attirant l’année suivante des Canadiens français de l’Orégon—peut-être même de
French Prairie. C’est eux qui ont baptisé cette localité située au fond d’un vaste ravin au cœur des montagnes et eux, entre autres, qui ont fondé l’église Sainte-Rose en 1856, aujourd’hui disparue, proie des flammes en 1998.
En 2003, selon, la maîtresse de postes, Mme Adams, French Gulch compte à peine 150 personnes qui habitent la trentaine de maisons alignées le long du seul chemin. Ce nombre est alimenté de temps en temps par quelques « hippies » qui vivent depuis les années 60 en communauté plus haut dans le ravin. Les maisons sont modestes et les coqs et poules courent autour.
En l’absence de l’église Sainte-Rose, il reste quand même trois édifices imposants qui témoignent de la « gloire » d’autrefois de French Gulch : l’hôtel Feeney, construit en 1885 qui a changé de nom à la fin des années 40 lorsqu’il a changé de propriétaire; le magasin général qui abrite aussi le bureau de postes; la taverne qui demeure encore propriété de la famille Franck depuis sa fondation comme magasin général il y a 147 ans.
La taverne est un véritable musée, exposant des objets de toutes les générations, mais avec emphase sur les années 40 et 50. En buvant, mon Black Cherry Cream au bar, devant la caisse enregistreuse d’antan, je jasais avec le propriétaire-barman, qui ne peut agencer deux phrase sans lâcher trois jurons, et feuilletais la bottin téléphonique artisanal de la place.
Ne cherchez pas aujourd’hui les descendants des Canadiens fondateurs. Ils sont depuis longtemps partis. Cependant, le nom de Steve Poirier figure au bottin. Mais c’est un « goddam newcomer » (criss de nouveau venu).
Shore Acres : un festival de lumières
Décembre déjà! Noël dans trois semaines! Sur la route, seul, le voyageur ne s’en rend pas compte. Aujourd’hui, sur la côte de l’Orégon, il se fait servir un rappel.
Au début du siècle, l’entrepreneur orégonien, Louis J. Simpson, dont le père, Asa, était venu du Brunswick, au Maine, faire fortune, s’est porté acquéreur d’un domaine surplombant le Pacifique. Cet homme, qui se présenterait sans succès aux élections de 1918 afin devenir gouverneur de l’État, y a construit un premier manoir, entouré de magnifiques jardins. Le manoir est passé au feu en 1921 et le politicien échu en a construit un autre encore plus grand. Les années de la Crise lui ayant été très dures, Simpson a tout perdu. En 1942, son domaine bien-aimé, Shore Acres, fut acheté par l’État pour un faire un parc public.
En 1987, les « Amis de Shore Acres », un groupe populaire de la région, à la recherche d’un projet communautaire, a eu la brillante idée—c’est le cas de le dire—d’illuminer, à l’occasion de Noël, les jardins. D’un début plutôt timide (6 000 ampoules miniatures et un seul sapin), l’événement est devenu un véritable Festival de lumières. Avec plus de 250 000 lumières, une multitude de sapins décorés, des sculptures en broche illuminées, un kiosque à musique éclatant et une maison féerique où l’on sert café, cidre et biscuits, Holiday Lights attire maintenant 50 000 visiteurs sur une période de six semaines (depuis l’Action de grâce au premier dimanche du mois de janvier). L’an dernier, les visiteurs venaient de trente-six pays, deux provinces canadiennes, quarante-six des cinquante États, 190 villes et villages de l’Orégon, 164 villes et villages de la Californie, trente-quatre villes et villages d’Idaho et du Nevada et soixante-seize villes et villages de Washington.
Le rappel ayant été servi et les portes de la boutique de souvenirs se trouvant grandes ouvertes, le voyageur en a profité pour acheter deux petits cadeaux. Joyeux Noël.