Il est fort possible que Oxford, ville de Faulkner, Hannah, Morris et Grisham, soit la capitale littéraire du Sud. Il s’agit d’une petite ville de 15 000 habitant comptant une demi-douzaine de librairies indépendantes dont trois au cœur de la ville, au Oxford Square, dominé par le palais de justice du comté de Lafayette.
La première est la vénérable Square Books où se prennent, selon la légende, toutes les décisions importantes concernant la ville, son aménagement et son avenir, ainsi que celles, plus personnelles, prises à tous les jours par la gent littéraire d’Oxford. Square Books est donc beaucoup plus qu’une simple bouquinerie, il s’agit d’une institution de premier ordre, ancrée dans le tissu social et culturel de la ville.
La seconde, Off Square Books, dépend de la première, mais présente un autre genre. Elle est moins chargée de livres, plus spacieuse. Il est facile de la transformer en salle de conférence pour accueillir des auteurs qui passent pour les séances de signature et la mise en marché de leurs œuvres.
La troisième, Square Books Jr., se consacre uniquement à la littérature pour enfants. Ensemble, les trois offrent l’embarras du choix aux lecteurs de langue anglaise.
De passage ces jours-ci, à Oxford, à Greenwood et probablement ailleurs, l’auteur canadien Yann Martel dont le livre à succès, Life of Pi, a assuré sa réputation. Il est en tournée pour faire la promotion de Beatrice and Virgil qui se veut, selon lui, une allégorie à l’Holocauste. Comme dans son premier roman, Martel se sert, de la même manière que Orwell dans Animal Farm, des animaux comme astuce littéraire pour « aller là où les historiens ne peuvent aller ». La puissance de l’allégorie est de simplifier, de comprimer sans toutefois perdre le fil de l’histoire.
Si j’attribue à Yann Martel l’étiquette d’« auteur canadien », ce qui pourrait lui déplaire parce que son vécu est international et son œuvre universelle, c’est qu’il demeure à Saskatoon et se dit un produit de la transformation de l’ordre symbolique canadien qui nous a donnés la loi sur les langues officielles. Aussi, n’a-t-il fait aucune allusion, lors de sa prestation, à ses liens avec le Québec, même si ses parents, qui sont, de surcroît, ses traducteurs de l’anglais au français, habitent Montréal.
À la question que je lui ai posée sur la possible écriture éventuelle d’un roman ou d’un essai en français, il n’a pas démontré d’enthousiasme expliquant que même si sa « langue natale » (son terme) est le français, la langue de son éducation à différents endroits à travers le monde, est l’anglais. Intéressant quand même que lors d’un séjour prolongé à Paris, au début des années 1970, Yann a fréquenté la « British School »! Pour Martel, ce qui est important, c’est de pouvoir communiquer, peu importe la langue : « Quand j’écris en français, j’écris en français, quand j’écris en anglais, j’écris! J’aime autant ne pas devoir m’occuper des accents, des accords et tout cela!» (Ma traduction). Et l’assistance a rigolé.