Chloé Sainte-Marie au Petit Champlain

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Lorsqu’au Salon du livre de Québec, Chloé Sainte-Marie m’a offert deux billets pour assister à son spectacle ayant lieu samedi soir dernier au théâtre Petit Champlain, j’ai accepté avec empressement. À ma grande surprise, elle se souvenait de moi et de notre rencontre fortuite à l’Île Verte au moment du solstice d’automne 2012 (https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2012/09/24/ae-laeale-verte-un-moment-de-repos-maea-ata-offert/). Plus de quatre ans s’étaient écoulés depuis !

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Mais Chloé est comme cela, je crois. Elle est généreuse et bonne. Les relations interpersonnelles, pour elle, sont très importantes, et non pas juste avec l’élite artistique du Québec qu’elle connaît bien, mais aussi avec le monde en général, le grand public, les « de souches »  comme les autochtones, les gens de la rue et des réserves.

Le spectacle fut époustouflant ! Pigeant dans le répertoire de son récit-poèmes « À la croisée des silences », le « show » fut tout sauf silencieux, mais toujours en conservant un esprit révérencieux, ce qui caractérise, à mon avis, l’œuvre de cette artiste décrite de la manière suivante par mon compagnon à la table F-6 du théâtre, un Beauportois dans la soixantaine : « sa voix sublime, son air sincère, son regard radieux tantôt drôle tantôt torturé, son énergie débordante, son exubérance me transportent à un autre niveau, elle « booste » ma spiritualité ! »

Tout au long de la soirée, Chloé interprétait à sa façon les œuvres de poètes de chez nous dont je retiens de mémoire quelques noms : Patrice Desbiens, Claude Gauvreau, Paul-Marie Lapointe, Bruno Roy, Serge Bouchard, Josephine Bacon …

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Au Salon du livre, en compagnie de son ami poète et géographe, Jean Morisset, elle m’avait fait cadeau du livret « À la croisée des silences »  qui contient, en plus d’une pléthore de poèmes, deux CD, avec une dédicace que j’apprécie beaucoup. De la main de Jean : « Pour Dean, un récit-poèmes qui rejoint tes traversées perpétuelles des A.m.é.r.i.q.u.e.s. » De la main de Chloé : « un chant de la terre, une danse au soleil ». Et c’est ce que ce fut samedi soir au Petit Champlain!

SCAN0451                                                                                                Dessin: Gilles Carle


Couillard et contenu

Au stade, les gens font souvent « la vague » ! Les uns étendent les bras vers les cieux, puis les baissent, les autres assis à leur côté dans les gradins font de même, suivis des gens assis un peu plus loin, et ainsi de suite jusqu’à temps que la vague fasse le tour du stade. Jeudi dernier, j’ai observé une autre sorte de « vague » déferler sur le monde au Salon international du livre de Québec. De mon perchoir au stand numéro 157 où je signais des copies de la nouvelle édition de Franco-Amérique, je vois du coin de l’œil, à ma gauche, un certain mouvement de masse, l’amorce d’une vaguelette qui prenait de l’ampleur au fur et à mesure qu’elle s’approchait de moi. D’un coup, je comprends ce qui se passe. C’est le Premier ministre du Québec, Philippe Couillard, entouré de cinq de ses Ministres, François Blais, André Drolet, Luc Fortin, Patrick Huot et Véronyque Tremblay, ses gardes du corps et plusieurs autres accompagnateurs, qui fait son tour du Salon. Ça remue ! Ça fait de la vague !

J’ai eu l’occasion de passer une trentaine de secondes avec M. Couillard, assez pour lui offrir un exemplaire de Franco-Amérique (revue et augmenté) et lui expliquer ses objectifs et son contenu et pour lui rappeler la dimension continentale de la civilisation québécoise, ce à quoi il a répondu que cet aspect-là était en effet très important !

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Quelle ne fut pas notre surprise (et fierté) de constater qu’un peu plus loin, lors d’une photo-op, devant le stand de l’Association des libraires du Québec, le Premier ministre mettait bien en évidence notre livre. Peut-on en conclure que la Franco-Amérique est entre bonnes mains ?! En lisant l’introduction du volume, intitulée « Conceptualiser et cartographier la Franco-Amérique : une tâche redoutable », on peut en douter. Cité dans l’introduction est l’ancien éditeur du journal Le Droit, Pierre Allard, au sujet de la décision prise par le gouvernement Couillard de permettre l’enseignement en anglais de la médecine, sous les auspices de l’Université McGill, à Gatineau :

…À revendiquer, au Québec même, notre droit de recevoir l’instruction en français à l’université, dans une faculté de médecine ? Si ce droit peut être malmené là, ce n’est qu’une question de temps que des gouvernements anglicisateurs comme celui de Philippe Couillard le malmènent ailleurs. En génie, dans un cégep, puis éventuellement au secondaire et au primaire…

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Un peu plus loin dans l’introduction, on lit : …De plus, avec l’appui [ou le suivi] d’un gouvernement dirigé par des médecins et des comptables qui impose un programme de plus en plus radical d’austérité, on entend de nouvelles voix comme celle de Gabriel Nadeau-Dubois qui affirme : « on assiste à la montée d’un conservatisme économique qui s’enracine dans une vision catastrophiste du Québec, de son économie, de son État ». Peu d’intérêt pour la culture, le patrimoine, la langue. Que de « vraies affaires » !

Dans son édition du 10 avril, Le Devoir a commenté la photo ci-haut : Il [M. Couillard] a notamment mis la main sur la dernière édition de Franco-Amérique qui lui offrira un éclairage bien différent de l’« histoire partagée » des francophones d’Amérique—les Québécois, les Acadiens, les Franco-Américans, les Haïtiens—de celui offert par les concepteurs de la série Canada : The Story of Us.

Monsieur Couillard et tout autre lecteur trouveront dans Franco-Amérique, à la suite de la préface écrite par André Gladu et de l’introduction écrite par les deux responsables du recueil, Louder et Waddell, trois types d’écrits : (1) textes de fond ; (2) textes d’appui ; et (3) textes d’embellissement, le tout agrémenté de cartes et photos.

Textes de fond (avec auteur) : analyses étoffées d’un thème général ou d’une collectivité franco :

Christian Morissonneau, « Nommer l’Amérique »

Maurice Lamothe, « Chanter la Franco-Amérique »

François Paré, « Écrire la Franco-Amérique »

Anne Gilbert, « Du village à la métropole : les communautés franco-ontariennes »

Adrien et Benoît Bérubé, « Acadie 101 »

Barry Rodrigue, « Francophones, pas toujours, mais toujours Franco-Américains »

Serge Dupuis, « La Floride canadienne-française d’hier à aujourd’hui »

Marc Boucher, « Les Québécois au « pays des rêves » : nouveaux enjeux, nouvelles tendances en Californie »

Richard Guidry, « Mémoires d’un Cadien passionné »

Jean Lamarre, « Migrants, défricheurs et fondateurs : les Canadiens français du Michigan et de l’Illinois »

Christian Fleury, « Saint-Pierre et Miquelon : entre américanité et francité »

Michel Bouchard, « De l’Acadie à l’Alberta en passant par le Kansas : sur les traces de la famille Comeau »

Virgil Benoît, « De Minomin à Wild Rice en passant par Folle Avoine : une histoire du Midwest »

Kent Beaulne, « Grandir en tant que Franco et ne pas le savoir »

Melinda Jetté, « Un îlot oublié de la diaspora canadienne française, la vallée de la Willamette, en Orégon »

Étienne Rivard, «  Trajectoires cartographiques et métisses de la Franco-Amériques »

Jean Morisset, « La grande tribu des gens libres »

Rodney Saint-Éloi, « L’Amérique, je veux l’avoir »

Yves Frenette, « Immigration et francophonie canadienne, 1990-2006 »

Joseph Yvon Thériault, « À quoi sert la Franco-Amérique »

Textes d’appui (avec auteur): courts textes qui contribuent à la mise à jour de certains textes de fond.

David Vermette, « Pourquoi les Franco-Américains sont si invisibles ? »

Clint Bruce, « La Franco-Louisiane d’aujourd’hui et demain »

James Laforest, « La survivance des « rats musqués »

Carlos Aparicio, « La présence française et canadienne-française au nord-est du Mexique »

Textes d’embellissement (avec auteur): courts textes qui font voyager et rêver

Jeannine Ouellette, « Rosa et son dépanneur sur la route 11 »

Dean Louder, « Saint-Joseph-sur-le Lac Huron, cité rêvée… »

Dean Louder, « Drummond, NB, pas Drummondville, QC »

Dean Louder, « Lewiston, Maine : exemple classique du « Petit Canada »

Dean Louder, « French Gulch, Californie »

Dean Louder, « Les gens à l’écart : les Francos de Delisle, au Mississippi »

Dean Louder, « Les traces visibles de Canayens dans la vallée de la Saginaw »

Dean Louder, « Vincennes, Indiana : Canadiens et Français au service de la Révolution américaine »

Dean Louder, « Saint-Pierre et Miquelon : la réalisation d’un rêve d’enfance »

Dean Louder, « La francophonie internationale en miniature »

Dean Louder, « Red Lake Falls, Minnesota : de l’histoire à l’action »

Dean Louder, « French Prairie, Orégon »

Dean Louder, « Fort Walsh et la Montagne aux cyprès »

Jean Morisset, «  Picquet ou le Canadien errant de l’Amazonie »

Jean Morisset, « Témoignage de Pierre Dansereau : l’écologiste aux pieds nus »


Franco-Amérique (nouvelle édition revue et augmentée)

Si les critiques ont énoncé ce qui suit au sujet de la première édition de Franco-Amérique publiée en 2007, imaginez ce que la nouvelle édition qui vient de paraître aux Éditions du Septentrion va susciter comme commentaires :

« Un livre qui recèle une grande humanité. » (Joël  Béliveau, Francophonies d’Amérique)

« Ce livre est magistral. » (Didier Fessou, Le Soleil)

«  Un ouvrage indispensable pour comprendre le statut de notre langue au Canada et aux États-Unis. » (Yves Laberge, Nuit blanche)

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Comptant une trentaine de pages de plus que son prédécesseur, le plus récent Franco-Amérique fit appel à une demi-douzaine de nouveaux auteurs dont Carlos Aparicio, Clint Bruce, Serge Dupuis, James Laforest, Jeanine Ouellette et David Vermette, afin de compléter les analyses et portraits réalisés par de vieux routiers de la francophonie nord-américaine : Kent Beaulne, Virgil Benoît, Adrien et Benoît Bérubé, Michel Bouchard, Marc Boucher, Christian Fleury, Yves Frenette, Anne Gilbert, feu Richard Guidry, Melinda Jetté, Jean Lamarre, Maurice Lamothe, Dean Louder, Christian Morissonneau, François Paré, Étienne Rivard, Barry Rodrigue, Rodney Saint-Éloi, Joseph-Yvon Thériault et Eric Waddell.

Plusieurs des textes d’origine ont été mis à jour par les auteurs. Le plus percutant de ceux-ci est sans aucun doute celui de Maurice Lamothe (« Chanter la Franco-Amérique ») dont le postscriptum intitulé « Cajuns de l’an 2000, de Faulkner à Fred Pellerin… » porte à réfléchir sur le discours de Pellerin qui est traversé par une forte appréhension relativement à l’avenir de la langue française dans le contexte de la mondialisation galopante de l’industrie du disque. Un tout nouveau texte sur la Floride canadienne-française signé par Serge Dupuis remplace dans le nouveau volume le toujours aussi intéressant « Le Floribec éphémère » de Rémy Tremblay qui parut dans le dernier.

Plusieurs nouvelles cartes ornent les pages de Franco-Amérique. Évidemment, celles de la deuxième et de la troisième de couverture furent mises à jour de manière à comparer pour l’an 2011 la distribution de la population d’origine ethnique française à celle qui parle français à la maison.

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Grâce au travail de Carlos Aparacio, Franco-Amérique ouvre un nouveau chantier de recherche que l’auteur continuera à exploiter, celui de la présence française and canadienne française dans le Nord-est  du Mexique.

 

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Enfin, une autre carte, absente de la première édition, vient couronner les propos du préfacier, André Gladu dont un extrait suit :

Ce livre est un double héritage. Il réconcilie enfin pour nous la parole et l’écrit, la réflexion et la poésie. Une tentative réussie de réunir ce qui constitue l’originalité de nos cultures, de nos expériences et de nos liens à une histoire partagée. Un rêve commun, des destins différents. Des témoignages qui nous révèlent toute la richesse de l’aventure franco aux quatre coins du continent.

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Serge Bouchard, encore lui !

Je viens de vérifier. Ce billet marque la neuvième fois que je mentionne le nom de Serge Bouchard dans une mes chroniques. J’ose croire que nous avons des atomes crochus. Le 4 mars 2012, au moment de la parution de son bouquin C’était au temps des mammouths laineux, dans un texte intitulé « Ode à l’amitié… » (https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2012/03/04/ode-a-lamitie-cetait-au-temps-des-mammouths-laineux-de-serge-bouc/), j’avais écris :

On pense bien connaître l’homme à la voix de soie, celui qui, sur les ondes de Radio Canada, nous entraîne régulièrement dans les sillons dissimulés de la Franco-Amérique, sur les traces des remarquables oubliés de notre histoire et vers plein d’autres sujets et phénomènes tout aussi beaux et bons les uns que les autres. On le redécouvre et l’apprécie encore davantage à la suite d’une lecture attentive de la plus récente publication de cet anthropologue-poète-philosophe-toponymiste-géographe—et avant tout humaniste—dont la plume est aussi douce que la voix.

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Or, Mammouth laineux, n’est plus sa plus récente publication. Elle est remplacée par Les yeux tristes de mon camion, paru ces jours-ci chez Boréal. Serge a trouvé une formule gagnante, le petit livre, presque format de poche, composé de récits de longueur raisonnable, rarement plus de dix pages, à prime abord anecdotique, mais incitant à la relecture dont découle inévitablement une réflexion profonde. Cette fois-ci je m’intéressais plus particulièrement aux histoires de camions : des White, des Mack, des Kenilworth, des Peterbilt et j’en passe. Serge s’y connaît en camion car il en a vu passer dans sa vie et il en a conduit pas mal aussi. Mon père était camionneur et je me souviendrai toujours des jours et des nuits passés avec lui sur la route. Jeune, j’ai appris à tester le gonflement des pneus, à chaque arrêt, à l’aide d’un coup de masse ou de barre, et à faire mes petits besoins en pissant sur l’une des gigantesques roues de son « rig ».

Grâce à ses émissions nocturnes, comme les Remarquables oubliés, Bouchard à réussi à créer des liens avec des « truckers » québécois sillonnant jour et nuit les « freeways » des États-Unis. En parlant de la Franco-Amérique, des lieux comme Fond du Lac, Des Moines, Belle Fourche, Pierre, Laramie, Provo, Boisé, Coeur d’Alène, Saint-Paul, Saint-Louis, et des nombreuses Frenchville ou Frenchtown figurant leurs cartes routières, il les éduque et ces camionneurs, une fois de retour au Québec, viennent à sa rencontre, lors d’une de ses innombrables conférences ou causeries afin de le remercier.

Aussi, Serge fait une part importante dans Les yeux tristes au baseball, un autre domaine où mes intérêts rejoignent les siens. Comme elle manque à Serge, la voix de Jacques Doucet des défunts Expos de Montréal me manque tout autant. En camion ou en voiture seul, surtout un soir ou une nuit d’été, y a-t-il quelque chose de plus paisible, plus agréable, plus rassurant qu’une partie de baseball ? Un match à San Diego, dans la lointaine Californie alors que tu roules sur la 138 ver Sept Îles, la voix de Doucet et le cri subit de Rodger Brulotte : « Et elle est partie…circuit pour Warren Cromartie ! » Écouter aujourd’hui ces deux voix en studio à Montréal, en train de nous retransmettre à RDS les parties des Geais bleus de Toronto, ce n’est plus pareil. C’est de l’imitation ! Selon Serge—j’en suis bien d’accord—nous devons célébrer les Expos dont la trop brève existence a alimenté et enrichi la langue québécoise : circuit, chandelle, flèche, roulant, voltigeur… Des mots français qui ont pris de toutes nouvelles significations au Québec !

Contrairement à bien du monde, Serge Bouchard aime le stade Olympique. Il avoue peut-être faire partie d’une « confrérie des morons », mais il en est néanmoins fier. Lui-même, ancien joueur de football, il en est aujourd’hui grand amateur, surtout de la NFL, et s’ennuie aux rencontres familiales dans le temps des fêtes lorsque les éliminatoires battent leur plein dans les grandes villes états-uniennes et les beaux-frères et belles-sœurs ne s’allument pas et éteignent la télé ou changent de postes. Fâchant en maudit !

Bien que la virilité soit importante chez les camionneurs et les sportifs, Serge Bouchard fait place aussi à la féminité et à la tendresse. Sa rencontre avec la dame en Cadillac en Californie et sa conversation avec le chauffeur à bord du traversier à Tadoussac sur la triste fin d’un petit oiseau jaune ayant eu le malheur de ne pas voler assez vite et assez haut pour éviter la collision avec son bolide colossal sont des histoires touchantes.

Lire Serge Bouchard est, pour moi, un pur délice. Si aujourd’hui, c’est la neuvième fois que j’en parle, il y aura sûrement une dixième…et après.


Pierre Vagneux, l’AARQ et les Acadiens

IMG_3668Le dimanche 15 mai au Centre culturel Noël Brûlart de Sillery, les membres de l’Association des Acadiens de la région de Québec (AARQ) se réunissaient pour écouter un conférencier de marque, Pierre Vagneux, leur parler du Traité de Paris de 1763 et sa signification pour les Acadiens et pour la Louisiane.

Qui est Pierre Vagneux ? Un Québécois d’origine française habitant aujourd’hui Tewkesbury, à la suite d’un passage remarqué en Acadie à titre d’ingénieur à l’Université de Moncton au cours duquel il a eu l’occasion de se lier par alliance avec la famille Chiasson de l’île Lameque. Aussi, un homme engagé, ayant récemment présidé la Coalition pour l’arrondissement historique de Sillery et siégeant à présent comme administrateur à l’Association des citoyens et citoyennes de Tewkesbury.

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Aidé d’une belle-mère remarquable, c’est en 1993 que Vagneux amorce sa recherche sur les ancêtres de ses enfants. Petit à petit, cela prend de l’ampleur. Au Congrès mondial acadien de 2009, tenu à Caraquet, il est invité à prononcer une conférence sur les Chiasson d’Amérique. Ceux-ci réagissent avec enthousiasme en grand nombre à son propos de sorte que sa « banque de données » s’amplifie au point où, en 2012, il est en mesure d’aller beaucoup plus loin et plus en profondeur. L’année suivante, lors d’un séjour en Floride, il bifurque vers la Louisiane où il prononcera trois autres conférences devant 80 descendants de Chiasson. La même année, à Sillery, il assistera à une conférence prononcée par Sophie Imbeault, des Éditions du Septentrion, devant les membres de la Société d’histoire de Sillery, sur son livre, 1763. Le traité de Paris bouleverse l’Amérique, ce qui l’incitera à mettre ses données sur la famille Chiasson et d’autres en rapport avec ces bouleversements historiques qui mirent fin à une véritable Guerre mondiale.

1763Compte tenu de mes nombreuses lectures sur l’histoire de l’Acadie et des Acadiens et de plusieurs visites en Acadie et en Louisiane, j’étais certain de ne pas apprendre grand-chose de ce conférencier qui m’était inconnu. Or, plus je vieillis et plus les années passent, plus je me rends compte que ce ne sont pas nécessairement des chercheurs chevronnés de réputation nationale ou internationale qui fassent des interprétations innovatrices ou nous apprennent de nouvelles choses. Non, souvent, ce sont des chercheurs « hobbyistes », travaillant à temps perdu, de manière passionnée et intéressée qui déterrent des trésors insoupçonnés qui assouvissent notre soif de connaître.

IMG_3679Alors, qu’est-ce que j’ai appris au juste de la bouche Pierre Vagneux que je ne savais pas auparavant ? Au moins huit choses.

  1. L’arrivée de Cornwallis à la suite de la fondation d’Halifax en 1749 constituait un élément clé de la violence qui s’en suivrait. Celui-ci participait au troc des « scalpes », fixant une prime sur chaque bout de chevelure prélevé d’un Amérindien tué… ou d’Acadien, pas de différence !
  2. Le terme « choc des victoires », faisant référence aux résultats des batailles de Louisbourg, Québec et Montréal.
  3.  La stratégie de la Déportation était bien élaborée d’avance. Bien calculée, basée sur d’excellentes données recueillies sur le terrain, elle procédait par sélection préalable. Les Acadiens, les plus « difficiles », « militants » ou « menaçants » comme ceux de Chignectou, furent déportés aux destinations les plus lointaines: les Carolines et la Georgie. Les plus paisibles et probablement plus âgés « jouissaient » d’un exil plus proche, au Massachusetts, par exemple.
  4. Avant d’atteindre leur ultime destination en Angleterre, à Bristol, Falmouth et Southampton, certains déportés passaient obligatoirement par la Virginie y subissant des injures, insultes et barbaries.
  5. Lors de la deuxième Déportation de 1758, il y a eu 56% de perte. Autrement dit, plus que la moitie de cette population résiduelle de la première Déportation a disparu.
  6. Beausoleil Broussard et ses compagnons de voyage, relâchés de la prison d’ile George, ne visaient pas le pays des bayous, mais plutôt les Pays des Illinois. En arrivant à la Nouvelle-Orléans, ils avaient pour but de monter le Mississippi prendre possession des terres fertiles de l’intérieur, mais l’accueil en Louisiane fut tel qu’ils ont changé d’idée.
  7. La répartition des Acadiens en 1800 : Louisiane (5 400), Maritimes (7 700), Québec (4 500)
  8. L’importance d’Haïti non seulement comme point de ravitaillement pour les Acadiens, comme Beausoleil, se dirigeant vers l’embouchure du Mississippi, mais aussi, 20 ans plus tard, comme point d’embarcation de la flotte française destinée à se joindre aux forces américaines, lors de la bataille victorieuse contre les Anglais à  Yorktown.

Ce que je savais, mais que la plupart des gens ne savent pas et que Pierre Vagneux nous a rappelés, c’est qu’il n’y a jamais eu de déportation d’Acadie vers la Louisiane. Le peuplement acadien de Louisiane s’est fait en trois vagues, toujours avec des étapes intermédiaires. Commençant en 1763, les prisonniers libérés à l’Île George, au large d’Halifax, dont Beausoleil Broussard et compagnie, sont transportés à Saint-Domingue. Ensuite, une deuxième vague en provenance de Pennsylvanie et du Maryland consistant largement  d’Acadiens de la région de Grand Pré. Enfin, le plus gros contingent d’Acadiens arrivera en Louisiane de France en 1785 dans sept navires nolisés par le gouvernement d’Espagne. Bon débarras pour la France et belles acquisitions pour l’Espagne désirant  coloniser ce territoire maudit hérité à la suite des ententes découlant du Traité de Paris!

Dimanche, je devais me faire accompagner à la causerie/conférence par Sophie Imbeault qui m’avait dit ne pas connaître Pierre Vagneux. Elle a dû se désister. Dommage ! Elle aurait appris de la bouche de Pierre Vagneux que s’il prononcait sa conférence devant les membres de l’AARQ, c’est parce qu’il avait été présent à la conférence prononcée par Sophie trois ans auparavant devant les membres de la Société d’histoire de Sillery. Inspiré, il a pu passer outre la famille Chiasson et élargir son champ de recherche. Comme de quoi, le monde des chercheurs en francophonie nord-américaine est petit!