Lire À toi, de Kim Thúy et Pascal Janovjak, c’est parcourir le courriel intime de deux âmes sœurs. Cent dix messages écrits entre le 3 octobre et le 26 décembre : 80 en octobre, 21 en novembre, 9 en décembre; 59 par Pascal, 51 par Kim
Qui sont Kim et Pascal et qu’est-ce qu’ils se confient qui pourrait mériter la publication de ce nouveau livre chez Libre Expression?
La quatrième de couverture résume :
Née au Vietnam, Kim Thúy est arrivée au Québec à l’âge de dix ans. Elle a publié Ru, lauréat des prix littéraires du Gouverneur général 2010.
Pascal Janovjak est né à Bâle (Suisse), d’une mère française et d’un père slovaque. Après avoir travaillé en Jordanie, au Liban et au Bangladesh, il réside désormais à Ramallah en Cisjordanie, où il se consacre à l’écriture.
Ils se sont rencontrés un soir, dans un hôtel de Monaco et se sont racontés, au petit déjeuner, le lendemain matin. Puis, elle est repartie à Montréal, et il a gagné Ramallah. Des conversations se poursuivirent. Ce livre en est la preuve.
Quelle délice cette gage d’amitié et de respect! Les deux jeunes écrivains d’horizons et de cultures si différents trouvent un terrain d’entente, un vécu similaire—ceux d’exilés et de réfugiés—et le moyen de plonger le lecteur, par le biais de leur échange épistolaire, au cœur des intrigues de la géopolitique tout en l’initiant aux charmes de la géopoétique, et cela grâce à la maîtrise et à l’amour d’une langue qui n’était pas, à l’origine, la leur.
Deux exemples :
Pascal, 14 décembre 10h31 (géopoétique) :
Traverser les Alpes, la neige aveuglante sous le soleil qui accompagne la course du train. Au fond des vallées coulent les ruisseaux glacés, j’aperçois un héron sur une roche, comme perché sur un radeau, il s’éloigne vite. Le tonnerre d’un tunnel, les routes parfois viennent longer les rails, une voiture solitaire et brillante qui prend un virage parfait, comme dans une publicité pour voitures. Une villa à vendre, des hameaux où ne fume aucune cheminée. (p. 160)
Kim, 26 décembre 8h36 (géopolitique)
J’ai pensé à toi quand nous étions aux douanes américaines hier. Je me demandais ce que le douanier en gilet pare-balles ferait avec un passeport comme le tien, rempli de tampons de tous ces endroits dont les noms à eux seuls évoquent les peurs les plus insensées ici, en Amérique du Nord. Ramallah, où est Ramallah? Pourquoi Ramallah? Quel est le chemin qui t’a emmené jusqu’à Ramallah? Est-ce que l’amour serait une raison suffisante? (p. 165)
* * *
Il peut arriver qu’un livre ne nous attire pas à tout coup. Déçu, on passe à autre chose. Voilà ce qui m’était arrivé en lisant Ru, ouvrage primé en 2010 méritant à son auteure un passage à la Grand-messe du dimanche soir sur les ondes de Radio Canada. Même si son livre ne m’avait pas épaté, sa prestation à Tout le monde en parle m’avait séduit. Je tenais absolument à la voir lors de la séance de signature pour son nouveau livre, À toi, qui devait avoir lieu à la Librairie Vaugeois le 28 octobre. J’ai donc donné une deuxième chance à Ru. Je n’ai pas regretté.
Cette histoire, je l’ai racontée à Kim. Par conséquent, elle a dédicacé ma copie de À toi de la manière suivante :
À Dean. J’espère qu’il saura vous accrocher dès la première lecture, contrairement à Ru. Quelle chance que j’ai eue que vous soyez revenu une deuxième fois. Kim Thúy
Puis, elle a ajouté son adresse électronique pour que je lui fasse part de mes sentiments en ce qui concerne À toi. Trois jours plus tard, nous avons entamé un petit échange épistolaire à la manière de Kim et Pascal :
Dean, 1er novembre 20h59
Comme ça doit être agréable d’avoir un « penpal » de la trempe de Pascal!
Oui, en effet, À toia su m’accrocher. Je savoure chaque mot, chaque expression, chaque soupir. Merci.
Ce fut pour moi un honneur et un plaisir de faire connaissance chez Vaugeois.
J’ai récemment eu l’occasion de retourner dans mon pays d’origine et de renouer avec des garçons et des filles que je n’avais pas vus depuis 30, 40 ou 50 ans–aujourd’hui tous des aînés comme moi. Que d’émotion. Des rires, des pleurs, … et c’était comme si nous nous étions vus la veille!
Des sentiments forgés il y a si longtemps qui revenaient à la surface!
Lorsque nous nous sommes rencontrés, vous m’avez suggéré un titre à lire: They Brought je ne sais quoi de M. O’Brian. Sans crayon, je ne pouvais l’écrire. À 18 ans, je m’en serais souvenu. À 68 ans, le voile d’oubli filtre certaines images les plus brillantes. Veuillez me le rappeler. Merci.
Amitiés,
Kim, 1er novembre, 23h00
Quel bonheur de recevoir un mot de vous!
Oui, les vieilles amitiés sont précieuses parce qu’elles ne peuvent s’inventer du jour au lendemain. Il faut avoir vécu avec le temps et ses frasques.
Alors, le livre dont je vous ai parlé avec beaucoup d’enthousiasme et d’affection s’appelle The Things They Carried de Tim O’Brien. Vous me direz ce que vous en pensez. Le meilleur chapitre de ce livre s’appelle ‘How to Tell a True War Story » selon moi.
Au plaisir de vous lire de nouveau.
Que ce billet tienne lieu de témoignage à l’endroit du nouvel ouvrage : livre passionnant, percutant, probant, provoquant dont la conception originale et simple crée chez le lecteur et l’internaute le désir de l’imiter, A+.
beau document félicitation Rita une Acadienne de l’Ontario