L’« heure » à New Bern, NC

« Quelle heure est-il ? »

C’est par ces mots prononcés en français, presque sans accent, que la Révérende Susan Pate Greenwood a commencé son sermon le cinquième dimanche du carême devant la centaine de fidèles, tous aux cheveux gris, réunis dans l’une des nombreuses alcôves aménagées à l’intérieur de la belle et grande église méthodiste unie Centenary à New Bern, en Caroline du Nord.

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En passant par ici le 26 janvier 2005, j’avais remarqué que pas moins de neuf édifices à caractère religieux se trouvaient à l’intérieur du kilomètre carré que constitue le centre historique de New Bern, ville de 23 000 habitants, située à la confluence des rivières Neuse et Trenton, à proximité de l’océan Atlantique, dont l’importance historique et culturelle semblent dépasser de loin son poids démographique.

Pour tâter le pouls spirituel et explorer la ferveur religieuse légendaire de ce coin de pays et pour célébrer nous-mêmes le jour du Seigneur, nous avons opté pour le culte des Méthodistes. Aussitôt les pieds mis à l’intérieur de l’église, l’accueil chaleureux s’est fait ressentir. Les poignées de main pleuvaient, les sourires se multipliaient. On aurait cru la congrégation non habituée à recevoir des gens venus de si loin! À l’entrée de l’église, la fresque de l’arbre de la vie garni de parchemins, de certificats et de prix témoignait de la réussite, de la vitalité et de la fierté des membres de la communauté. Les rayons de soleil pénétrant l’alcôve à travers le vitrail nous réchauffaient l’âme et la couenne.

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Le début du sermon tombait bien pour nous, mais la prédicatrice a dû s’expliquer aux autres. Elle mentionnait l’amour qu’elle avait développé pour le français lors de ses études universitaires. Elle regrettait de ne plus avoir poursuivi cet intérêt si vif à l’époque. Puis, elle s’est servie du mot « heure » comme tremplin pour lancer un sermon à double sens, bien ficelé, d’une durée de 20 minutes portant le titre « The Hour ». En cette saison de Pâques, le sens primaire du mot « hour » faisait référence au Christ, à sa mort, bien sûr, mais surtout à sa résurrection et à son expiation. Son « heure » était venue, « heure » qui a marqué l’humanité et a changé le cours de l’histoire! Deuxième sens, du mot « hour » : chaque fidèle se doit de se préparer à rencontrer son Dieu, car personne ne connaît « son heure »—celle de sa mort—mais tous la redoutent!

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Et puisqu’il est question ici de religion, je tiens à signaler un livre d’histoire remarquable dont la lecture m’a instruit et m’a ému. Il s’agit de la biographie d’une ville, mais pas n’importe laquelle : Jerusalem : The Biography de Simon Sebag Montefiore (New York : Alfred A. Knopf, 2011).

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Jérusalem est une ville universelle, la capitale de deux peuples, le sanctuaire du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam. Elle a été le prix (ou la proie) de plusieurs empires, le site du Dernier jugement et le champ de bataille des civilisations en conflit perpétuel. Du Roi David de l’Ancien Testament à Barack Obama des temps modernes, de la naissance des trois grandes religions aux affrontements israélo-palestiniens sans fin, le livre porte sur 3 000 ans de foi, d’atrocités, de fanatisme et de coexistence de peuples belligérants.

Comment cette petite ville isolée devient-elle la ville sainte par excellence, le centre du monde, la clé de la paix en Moyen-Orient? Montefiore décrit Jérusalem dans ses nombreuses incarnations, chaque époque laissant une marque indélébile. L’histoire est racontée à travers les guerres, les mœurs sexuelles, les révélations des hommes et des femmes—rois, empereurs, prophètes, poètes, conquérants, prostitués—qui ont créé, ravagé, détruit et rebâti Jérusalem.

La liste des personnages qui meublent la biographie de Jérusalem se lit comme un bottin mondain de toutes les époques : Néron, César, Salomon, Cléopâtre, Saladin et Sulaiman le magnifique, Abraham, Jésus, Mahomet, Jézabel, Disraeli, Abraham Lincoln, Mark Twain, Raspoutine, Lawrence d’Arabie, Balfour, Nasser, Sadat, Churchill, Moshe Dayan, Jimmy Carter…

Montefiore tient la chronique d’une ville dont la sainteté et le mysticisme ne font aucun doute. Son œuvre nous explique, avec clarté et passion, comment Jérusalem est devenue Jérusalem, la seule ville à connaître, selon l’auteur, une existence double : une fois au ciel, une fois sur terre!