Une mort honorable et la part de Marie Blanc

Jacques Savoie, écrivain originaire d’Edmundston, au Nouveau-Brunswick et auteur de la populaire mini série télévisuelle, Les Lavigueur, la vraie histoire, vient de publier chez Libre Expression son dixième roman, Une mort honorable. Notons qu’à son actif, Savoie a également six romans jeunesse.

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Je vous épargne les détails de ce polar acadiano-québécois rempli d’intrigues qui se déploient à partir de la Côte-des-Neiges à Montréal jusqu’à l’Haryana, État du nord de l’Inde, en passant par le Chhatrarapati Shivaji International Airport à Mumbai et depuis ce même quartier de la métropole à Cap-Pélé, au Nouveau-Brunswick, en transitant par le Témiscouata. Suffit de dire que le protagoniste, Jérôme Marceau, enquêteur à la Sécurité et au Contrôle souterrains, ayant fait son apparition pour la première fois dans l’œuvre précédente de Savoie, Cinq secondes, manchot (victime du fléau de la thalidomide des années 50), mulâtre (mère québécoise et père haïtien qui les abandonne), cherche à résoudre l’énigme évoqué par la présence de sang asséché découvert en dessous de la roue de secours d’une Pontiac Aztec, achetée de monsieur Sanjay Singh Dhankar, stagiaire à l’École des hautes études commerciales. Qui plus est, Marceau, tout en poursuivant son enquête, doit s’occuper de sa mère, Florence, en perte rapide d’autonomie, et dont l’ultime désir est de revoir la mer.

Ce qui a attiré mon attention sur cette œuvre de Jacques Savoie est la part qu’assume un lieu que j’affectionne particulièrement, le village de Notre-Dame-du-Lac, situé aux abords du magnifique lac Témiscouata que le magasine L’Actualité, dans son numéro du 15 juin 2012, hisse au sommet de son palmarès des plus beaux lacs au Québec. Le haut lieu du village est, quant à moi, l’auberge Marie Blanc dont l’histoire mystérieuse fut dévoilée en 1993 par Jacques Folch-Ribas (Marie Blanc, Paris, Éditions Robert Laffont).

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Facade de l’Auberge Marie Blanc

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Derrière de l’Auberge Marie Blanc

Dans Une mort honorable, Jacques Savoie reprend l’histoire racontée par Folch-Ribas en ces termes :

C’est une maison romantique. Elle a été construite exactement pour cela.

Marie Melford Blanc Charlier était une Américaine d’origine martiniquaise, maîtresse d’un riche avocat new-yorkais du nom de William Bishop.

Bishop s’était amouraché de cette belle mulâtre, mais il était marié et avait des enfants. Comme il ne pouvait s’afficher avec Marie Blanc dans la haute société new-yorkaise, il lui a fait construire ce pavillon de chasse sur le bord du lac. Entre 1905 et 1910, les amoureux ont passé leurs étés ici loin des regards, dans cette propriété qui s’appelait alors Gray Lodge. Mais l’affaire a fini par se savoir et Bishop s’est retrouvé dans une situation délicate. Soit il quittait sa maîtresse, l’élégante et mystérieuse Marie Blanc, soit il divorçait au risque de mettre sa fortune en péril. L’argent l’a emporté sur l’amour et, en 1910, Bishop a cédé le pavillon de chasse à la belle métisse, qui l’a conservé jusqu’à sa mort en 1949. Mme Charlier, comme elle s’est fait appeler par la suite, ne s’est jamais mariée, pas plus qu’elle ne s’est départie de Gray Lodge, par ailleurs. Chaque année, dans une sorte de pèlerinage à l’amour perdu, elle revenait sur les bords du lac Témiscouata avec sa gouvernante et son jardinier pleurer le mal que l’argent lui avait fait. L’homme qu’elle aimait avait embrassé sa fortune plutôt de succomber à ses charmes. Quarante ans après la trahison, elle a succombait au romantisme.

Aujourd’hui, pendant la saison chaude, de mai en octobre, l’Auberge Marie Blanc, conjugué d’un petit motel à douze unités, ouvre ses portes. Matin et soir, Martine et Marie-France Sirois reçoivent à déjeuner et à souper les passants qui désirent goûter à la fine cuisine basée sur les produits du terroir. Dans son roman, Savoie crée un personnage hôtesse du nom de Camille. À mon avis, il s’agit d’un personnage composite incarnant les deux filles Sirois et peut-être leur mère Mme Jeanine Bard, maintenant à la retraite.

C’est ici, dans la salle de réception que Camille aurait reçue Jérôme Marceau et sa mère, Florence.

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Dans le salon, ils auraient discuté ensemble et Jérôme aurait recueilli certains indices lui permettant de poursuivre son enquête et de résoudre son énigme.

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Dans la salle à dîner, Marie Blanc elle même les regardant de haut, Jérôme et Florence auraient déjeuné.

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C’est dans ce petit chalet, faisant partie du complexe hôtelier qu’ils auraient séjourné et dans une des chaises faisant face au lac que Florence aurait contemplé la « mer ».

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Pour la plupart des Québécois et les gens des trois Provinces maritimes, le Témiscouata constitue un blanc sur leur carte mentale. Oui, certains ont remarqué le lac. Il ne peut y en être autrement, car il est si grand. Ayant servi autrefois de principal lieu de passage sur le chemin du portage entre le Québec et l’Acadie, entre le Saint-Laurent et le Saint-Jean, il est de nos jours contourné le plus rapidement possible par les Québécois pressés d’atteindre les plages chaudes du Nouveau-Brunswick ou par les « Maritimers » animés par l’urgence de se rendre en Ontario.

2 thoughts on “Une mort honorable et la part de Marie Blanc

  1. Bonjour Dean,
    très belles photos et exposé intéressant et instructif.
    Vous auriez pu ajouter que Jcaques SAVOIE fut dans les années 70 membre du groupe acadien BEAUSOLEIL BROUSSARD, qui nous a laissé 3 beaux albums.
    Cordialement.


  2. Moi qui me vante de bien connaitre l’Est du Québec, je me rends compte que je connais très mal la vallée du Témiscouta; c’est souvent le cas avec les régions de « passage », de « transition ».
    Suivre les traces d’un roman, d’un auteur, etc, ce sont toujours des aventures palpitantes.
    Merci Dean!


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