Vagabonder par monts et par mots

Voilà le thème de la sixième édition du Salon du livre du Grand Sudbury.

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Quelle ne fut pas ma joie d’y participer en fin de semaine dernière. Je partage parfaitement les sentiments de l’auteure acadienne, France Daigle, qui n’avait jamais auparavant visité cette ville nord-ontarienne dont la grandeur est disproportionnée par rapport à sa petite taille. Elle écrivait dans sa chronique publiée ce matin dans Acadie Nouvelle que « les auteurs y ont été accueillis avec chaleur et ont eu l’occasion de faire connaissance dans une ambiance fort sympathique…tout à fait comme si nous nous étions toujours connus. »

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C’était justement avec France que j’ai amorcé mon action au Salon, aussi bien qu’avec Hélène Koscielniak, romancière de Kapuskasing, et Erika Soucy, jeune poète originaire de la Côte-Nord. Il s’agissait d’un dîner littéraire, tenu au Speakeasy de la rue Durham, consacré au thème « C’est quoi ta langue ».  Dans le cas d’Hélène et de France, il était surtout question du niveau de langage. Comment écrire en tenant compte à la fois de la langue universelle dite standard et de la langue populaire. Certains semblaient surpris par des affinités entre la « parlure » du nord de l’Ontario et le » chiac » du sud-est du Nouveau-Brunswick. Erika, par sa poésie, arrive à rendre beau le vulgaire et trouve la laideur de Sudbury inspirante. Quant à moi, il a bien fallu expliquer mon choix d’écrire en français au lieu de le faire dans ma langue maternelle. Étant le seul à la table à être universitaire de formation—mais pas en littérature, mais plutôt en sciences sociales—j’ai tenté de faire valoir l’idée qu’une formation « scientifique » étouffe la créativité littéraire. Un chercheur écrit obligatoirement pour ses pairs, souvent dans un jargon universitaire qui peut ressembler à la langue de bois des politiciens, afin de monter l’échelle académique et salariale. Une fois libéré des contraintes de sa discipline et sa fonction, le prof/chercheur trouve à l’occasion le moyen d’atteindre un public plus vaste par une écriture originale et colorée à la portée de tous.

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Le Speakeasy sur Durham

Comme deuxième activité au Salon, j’ai eu le plaisir de me joindre sur la scène de Radio-Canada à l’un des grands penseurs de l’archipel de la francophonie de l’Amérique du Nord. François Paré, auteur, entre autres, de Le fantasme d’Escanaba, La distance habitée et Les littératures de l’exiguïté brille par son érudition et sa simplicité.

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Nous avons dû en premier lieu, tous les deux, expliquer les raisons de notre passion respective pour cet univers « de la trace et de la marge », comme le dit Paré en décrivant la Franco-Amérique. Puis, nous avons abordé les écueils de vivre pleinement sa francité en milieu minoritaire, autant aux États-Unis qu’au Canada et les tensions qui persistent au Canada entre les francophonies minoritaires et celle majoritaire, autrement dit le Québec. Enfin, après avoir présenté le schéma de la Franco-Amérique historique et contemporaine que voici,

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j’ai proposé aux fins de la discussion la notion de « Québec mère patrie » que les Franco des États-Unis acceptent d’emblée, mais que ceux du Canada ne peuvent pas blairer. François en a expliqué les raisons.

À la Fromagerie sur Elgin, le thé fut servi, accompagné de délicieuses « grignoteries ». Pendant que le public dégustait, Thomas Hellman, Éric Charlebois et moi, trois « écrivains vagabonds », nous attaquions de front au thème du Salon.

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Par l’emploi du Petit Robert, l’animatrice, Johanne Melançon, nous a lancés  : 1. « Fait de vagabonder, d’aller ça et là, à l’aventure. » v. errance. 2. « Fait de voyager beaucoup, d’effectuer de nombreux déplacements. » 3. Au figuré : « État de l’imagination entraînée d’objet en objet par association d’idées. » v. rêverie. Éric a enchaîné : « Le vagabondage, c’est l’autocréation comme elle se doit : fragmentaire et colmaté. » Thomas, musicien et poète, hybride de culture, parlait de « vagabonder entre musique et parole, entre l’anglais et le français, entre le Canada, les États-Unis et la France. » Il a évoqué la notion de « flânerie romantique », ce à quoi j’ai répliqué par le concept cher à mon cœur de « flânerie savante » . Pour le géographe que je suis, le vagabondage constitue une quête géographique…de l’exploration et de la découverte de lieux chargés de sens!

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En écoutant parler Thomas Hellman et me rappelant son spectacle de la veille au Moose Lodge de la rue Frood, où, accompagné de deux excellents musiciens, Sage Reynold et Olaf Gundel, il avait chanté et récité Roland Giguère, ainsi que d’autres auteurs marquants des Amériques, notamment Eduardo Galeano, Patrice Desbiens et Woodie Guthrie, une idée m’est venue à l’esprit et je l’ai exprimée : « Un vagabond avec une guitare, c’ est un troubadour, Thomas Hellman est le jeune troubadour de la Franco-Amérique! Digne successeur à Zachary Richard! »

Sans aucun doute, les vedettes incontestées de cette sixième édition du Salon du livre du Grand Sudbury étaient au nombre de deux :  le troubadour lui-même, Thomas Hellman, et celle qui épate le lectorat québécois et franco-canadien depuis la parution en 2009 de son premier roman, Ru, Kim Thuy, les deux vus ici en ondes en compagnie de l’animateur bien connu de Radio Canada, Éric Robitaille, ainsi que Danièle Vallée et Daniel Marchildon.

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De g. à d.: Thomas Hellman, Danièle Vallée, Éric Robitaille, Kim Thuy, Daniel Marchildon

Pour leur hospitalité, leur responsabilité, leur dévouement et leur sens de l’organisation, Sylvie Lessard et Roxanne Charlebois, codirectrices de l’événement, ont toute mon admiration.