Rassemblement des écrivains, artistes et créateurs franco-américains, 2017

Le 1er mai 2015, je vous ai entretenu de ma participation au rassemblement annuel des écrivains, artistes et créateurs franco-américains (https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2015/05/01/ecrivains-et-artistes-franco-americains-se-reunissent-a-walpole/). En fin de semaine dernière, j’ai récidivé. Autrement dit, je suis retourné et je n’ai point regretté. Il s’agissait du sixième événement du genre, tenu cette fois-ci au Centre Franco-Américain de l’Université du Maine.

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Ce qui est extraordinaire, c’est la présence de 30 à 40 participants de tous âges, chacun partageant son art avec les autres dans un contexte de solidarité et d’affirmation. Pour moi, c’était important de revoir les membres de la vieille garde de la Franco-Américanie, les gars comme Yvon Labbé, Grégoire Chabot, Paul Paré, Jim Bishop et Raymond Pelletier, qui m’ont tant apporté depuis une quarantaine d’années.

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Yvon Labbé et Grégoire Chabot

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Paul Paré rédige dans le moment son troisième roman dont il nous a lu des extraits.

À ces occasions, je développe une amitié avec les plus jeunes dont l’éventail de talents est impressionnant. Entre autres :

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Steven Riel, poète primé

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Susan Poulin, auteure et actrice

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Joshua Barrière, de Manchester, NH et étudiant en histoire à l’Université Laval

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Dani Beaupré, enseignante du français et poète

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Kat Dubois, poétesse fort accomplie pour son âge.

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Maegan Maheu dont le témoignage touchant sur ce que c’est d’être une jeune Franco-Américaine découvrant son héritage nous a inspirés.

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Mitch Roberge, diplômé en études francophones sous la direction de notre hôte, la directrice du Centre, Susan Pinette. Mitch nous a lu en français sa version du poème de Michèle Lalonde, « Speak White ».

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Edwige Thelisson, jeune Française, enseignante du français à l’Université du Maine qui prépare à contre cœur son retour en France. Elle a épaté la galerie par ses vers tantôt en français, tantôt en anglais qu’elle apprend de jour en jour.

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David Vermette, historien du Massachusetts qui travaille actuellement sur un livre portant le titre, A distinct Alien Race : A Social History of Franco-Americans, qui devrait voir le jour en 2018 chez Baraka Books à Montréal.

Il y en avait pour tous et je n’ai pas encore mentionné le volet audio-visuel. Pour moi, les deux moments forts de la rencontre appartenait à Raymond Pelletier et Marie-Line Morin.

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Raymond est né en 1942, son frère Joseph N. en 1930. Le grand frère avait toujours rêvé d’une carrière militaire et aussitôt ses 18 ans, il s’est enrôlé laissant à sa jeune frère, Ray, une photo des deux garçons et son appareil de photo. En février 1951, Joe s’est retrouvé en plein combat en Corée du Nord. Il n’en est pas revenu. Cinquante ans plus tard, à Berlin, au New Hampshire, en entretenant les pierres tombales de ses parents et la petite plaque portant le nom du soldat disparu, Raymond a décidé que son frère méritait mieux et plus. Il a envoyé un échantillon de son propre ADN aux instances militaires qui s’occupent des MIA (missing in action). Une quinzaine d’années plus tard, à la suite de nombreuses requêtes, Raymond Pelletier a appris que les restes de son frère avaient été retrouvés, identifiés et ramenés au pays pour enterrement au cimetière national d’Arlington. En décembre 2016, il a pu assister aux obsèques de son cher frère et fermer un chapitre douloureux de sa vie. Ray croit aux miracles !

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Marie-Line partage son temps entre la Nouvelle-Angleterre et la ville de Québec, quoique elle soit de plus en plus souvent là-bas qu’ici. Elle y poursuit sa carrière en counseling pastoral tout en travaillant sa magnifique voix soprano. Marie-Line a soulevé le petit groupe que nous étions par son interprétation de trois chansons dont l’émouvant Ave Maria. On n’aurait pas pu être mieux servi par Maria Callas…ni Ginette Reno !

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Après le souper, les deux soirs, les participants avaient droit à un film.  D’abord, « Les Magasins » de Normand Rodrigue qui a passé sa jeunesse à Sand Hill, quartier canadien de la capitale du Maine. Aux années 50, on pouvait trouver dans le quartier une vingtaine de petites épiceries appartenant aux Labbé, Couture, Lessard, Beaudoin, Leclerc, Cloutier, Patenaude et d’autres. Pas des dépanneurs, non! Épiceries « full service! » C’est Irénée Patenaude qui était propriétaire de la plus grande, Patenaude’s Superette, situé au 56, Northern Avenue, en face de la majestueuse église Saint-Augustin. Et c’est celle-ci qui a duré le plus longtemps, fermant enfin ses portes en 1993 devant la concurrence impossible des grandes surfaces de l’ère moderne (lire automobile et centres d’achats).

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À l’aide de photos prises en 1938 par le Works Progress Administration, d’anciens journaux et des entrevues avec les membres des familles survivantes, Rodrigue documente l’existence de ces points de repère historiques qui servaient non seulement à la vente de denrées, mais de points névralgiques de la vie sociale du quartier.

 

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Qui est Raymond Luc Levasseur ? Il a grandi à Sanford dans le Maine, à l’ombre d’usines de textile aujourd’hui à l’abandon, au sein d’une communauté canadienne-française. Après un détour par Boston, il s’enrôle dans l’armée et part au Viêtnam. À son retour, encore choqué de ce qu’il a vécu là-bas et de ce qu’il voit au pays, il découvre le militantisme politique et se joint à un groupe jugé radical par les autorités. Arrêté pour avoir vendu de la marijuana, il sort de prison pour rejoindre un autre groupe militant, cette fois-ci avec sa conjointe et ses enfants, il vivra dans la clandestinité jusqu’à sa capture en 1984 pour sa participation à des attentats à la bombe perpétrés par le United Freedom Front contre les politiques étrangères des États-Unis. Il ne sortira de prison que vingt ans plus tard, en 2004. Un parcours jusqu’au-boutiste et idéaliste qu’il a partagé avec nous, en présence du réalisateur du film vie tourné sur sa vie, le documentariste montréalais, Pierre Marier, Un Américain : portrait de Raymond Luc Levasseur.

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Dans la nouvelle édition de Franco-Amérique parue le mois dernier chez les Éditions du Septentrion, un texte signé de David Vermette cherche à répondre à la question « Pourquoi les Franco-Américains sont-ils si invisibles ? » Je dirais, avec la blogueuse Laurie Meunier Graves, participante elle aussi à  ce rassemblement, que le but premier des rassemblements est de « rendre l’invisible visible ». (https://hinterlands.me/author/lauriegraves/IMG_4579


Chloé Sainte-Marie au Petit Champlain

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Lorsqu’au Salon du livre de Québec, Chloé Sainte-Marie m’a offert deux billets pour assister à son spectacle ayant lieu samedi soir dernier au théâtre Petit Champlain, j’ai accepté avec empressement. À ma grande surprise, elle se souvenait de moi et de notre rencontre fortuite à l’Île Verte au moment du solstice d’automne 2012 (https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2012/09/24/ae-laeale-verte-un-moment-de-repos-maea-ata-offert/). Plus de quatre ans s’étaient écoulés depuis !

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Mais Chloé est comme cela, je crois. Elle est généreuse et bonne. Les relations interpersonnelles, pour elle, sont très importantes, et non pas juste avec l’élite artistique du Québec qu’elle connaît bien, mais aussi avec le monde en général, le grand public, les « de souches »  comme les autochtones, les gens de la rue et des réserves.

Le spectacle fut époustouflant ! Pigeant dans le répertoire de son récit-poèmes « À la croisée des silences », le « show » fut tout sauf silencieux, mais toujours en conservant un esprit révérencieux, ce qui caractérise, à mon avis, l’œuvre de cette artiste décrite de la manière suivante par mon compagnon à la table F-6 du théâtre, un Beauportois dans la soixantaine : « sa voix sublime, son air sincère, son regard radieux tantôt drôle tantôt torturé, son énergie débordante, son exubérance me transportent à un autre niveau, elle « booste » ma spiritualité ! »

Tout au long de la soirée, Chloé interprétait à sa façon les œuvres de poètes de chez nous dont je retiens de mémoire quelques noms : Patrice Desbiens, Claude Gauvreau, Paul-Marie Lapointe, Bruno Roy, Serge Bouchard, Josephine Bacon …

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Au Salon du livre, en compagnie de son ami poète et géographe, Jean Morisset, elle m’avait fait cadeau du livret « À la croisée des silences »  qui contient, en plus d’une pléthore de poèmes, deux CD, avec une dédicace que j’apprécie beaucoup. De la main de Jean : « Pour Dean, un récit-poèmes qui rejoint tes traversées perpétuelles des A.m.é.r.i.q.u.e.s. » De la main de Chloé : « un chant de la terre, une danse au soleil ». Et c’est ce que ce fut samedi soir au Petit Champlain!

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Couillard et contenu

Au stade, les gens font souvent « la vague » ! Les uns étendent les bras vers les cieux, puis les baissent, les autres assis à leur côté dans les gradins font de même, suivis des gens assis un peu plus loin, et ainsi de suite jusqu’à temps que la vague fasse le tour du stade. Jeudi dernier, j’ai observé une autre sorte de « vague » déferler sur le monde au Salon international du livre de Québec. De mon perchoir au stand numéro 157 où je signais des copies de la nouvelle édition de Franco-Amérique, je vois du coin de l’œil, à ma gauche, un certain mouvement de masse, l’amorce d’une vaguelette qui prenait de l’ampleur au fur et à mesure qu’elle s’approchait de moi. D’un coup, je comprends ce qui se passe. C’est le Premier ministre du Québec, Philippe Couillard, entouré de cinq de ses Ministres, François Blais, André Drolet, Luc Fortin, Patrick Huot et Véronyque Tremblay, ses gardes du corps et plusieurs autres accompagnateurs, qui fait son tour du Salon. Ça remue ! Ça fait de la vague !

J’ai eu l’occasion de passer une trentaine de secondes avec M. Couillard, assez pour lui offrir un exemplaire de Franco-Amérique (revue et augmenté) et lui expliquer ses objectifs et son contenu et pour lui rappeler la dimension continentale de la civilisation québécoise, ce à quoi il a répondu que cet aspect-là était en effet très important !

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Quelle ne fut pas notre surprise (et fierté) de constater qu’un peu plus loin, lors d’une photo-op, devant le stand de l’Association des libraires du Québec, le Premier ministre mettait bien en évidence notre livre. Peut-on en conclure que la Franco-Amérique est entre bonnes mains ?! En lisant l’introduction du volume, intitulée « Conceptualiser et cartographier la Franco-Amérique : une tâche redoutable », on peut en douter. Cité dans l’introduction est l’ancien éditeur du journal Le Droit, Pierre Allard, au sujet de la décision prise par le gouvernement Couillard de permettre l’enseignement en anglais de la médecine, sous les auspices de l’Université McGill, à Gatineau :

…À revendiquer, au Québec même, notre droit de recevoir l’instruction en français à l’université, dans une faculté de médecine ? Si ce droit peut être malmené là, ce n’est qu’une question de temps que des gouvernements anglicisateurs comme celui de Philippe Couillard le malmènent ailleurs. En génie, dans un cégep, puis éventuellement au secondaire et au primaire…

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Un peu plus loin dans l’introduction, on lit : …De plus, avec l’appui [ou le suivi] d’un gouvernement dirigé par des médecins et des comptables qui impose un programme de plus en plus radical d’austérité, on entend de nouvelles voix comme celle de Gabriel Nadeau-Dubois qui affirme : « on assiste à la montée d’un conservatisme économique qui s’enracine dans une vision catastrophiste du Québec, de son économie, de son État ». Peu d’intérêt pour la culture, le patrimoine, la langue. Que de « vraies affaires » !

Dans son édition du 10 avril, Le Devoir a commenté la photo ci-haut : Il [M. Couillard] a notamment mis la main sur la dernière édition de Franco-Amérique qui lui offrira un éclairage bien différent de l’« histoire partagée » des francophones d’Amérique—les Québécois, les Acadiens, les Franco-Américans, les Haïtiens—de celui offert par les concepteurs de la série Canada : The Story of Us.

Monsieur Couillard et tout autre lecteur trouveront dans Franco-Amérique, à la suite de la préface écrite par André Gladu et de l’introduction écrite par les deux responsables du recueil, Louder et Waddell, trois types d’écrits : (1) textes de fond ; (2) textes d’appui ; et (3) textes d’embellissement, le tout agrémenté de cartes et photos.

Textes de fond (avec auteur) : analyses étoffées d’un thème général ou d’une collectivité franco :

Christian Morissonneau, « Nommer l’Amérique »

Maurice Lamothe, « Chanter la Franco-Amérique »

François Paré, « Écrire la Franco-Amérique »

Anne Gilbert, « Du village à la métropole : les communautés franco-ontariennes »

Adrien et Benoît Bérubé, « Acadie 101 »

Barry Rodrigue, « Francophones, pas toujours, mais toujours Franco-Américains »

Serge Dupuis, « La Floride canadienne-française d’hier à aujourd’hui »

Marc Boucher, « Les Québécois au « pays des rêves » : nouveaux enjeux, nouvelles tendances en Californie »

Richard Guidry, « Mémoires d’un Cadien passionné »

Jean Lamarre, « Migrants, défricheurs et fondateurs : les Canadiens français du Michigan et de l’Illinois »

Christian Fleury, « Saint-Pierre et Miquelon : entre américanité et francité »

Michel Bouchard, « De l’Acadie à l’Alberta en passant par le Kansas : sur les traces de la famille Comeau »

Virgil Benoît, « De Minomin à Wild Rice en passant par Folle Avoine : une histoire du Midwest »

Kent Beaulne, « Grandir en tant que Franco et ne pas le savoir »

Melinda Jetté, « Un îlot oublié de la diaspora canadienne française, la vallée de la Willamette, en Orégon »

Étienne Rivard, «  Trajectoires cartographiques et métisses de la Franco-Amériques »

Jean Morisset, « La grande tribu des gens libres »

Rodney Saint-Éloi, « L’Amérique, je veux l’avoir »

Yves Frenette, « Immigration et francophonie canadienne, 1990-2006 »

Joseph Yvon Thériault, « À quoi sert la Franco-Amérique »

Textes d’appui (avec auteur): courts textes qui contribuent à la mise à jour de certains textes de fond.

David Vermette, « Pourquoi les Franco-Américains sont si invisibles ? »

Clint Bruce, « La Franco-Louisiane d’aujourd’hui et demain »

James Laforest, « La survivance des « rats musqués »

Carlos Aparicio, « La présence française et canadienne-française au nord-est du Mexique »

Textes d’embellissement (avec auteur): courts textes qui font voyager et rêver

Jeannine Ouellette, « Rosa et son dépanneur sur la route 11 »

Dean Louder, « Saint-Joseph-sur-le Lac Huron, cité rêvée… »

Dean Louder, « Drummond, NB, pas Drummondville, QC »

Dean Louder, « Lewiston, Maine : exemple classique du « Petit Canada »

Dean Louder, « French Gulch, Californie »

Dean Louder, « Les gens à l’écart : les Francos de Delisle, au Mississippi »

Dean Louder, « Les traces visibles de Canayens dans la vallée de la Saginaw »

Dean Louder, « Vincennes, Indiana : Canadiens et Français au service de la Révolution américaine »

Dean Louder, « Saint-Pierre et Miquelon : la réalisation d’un rêve d’enfance »

Dean Louder, « La francophonie internationale en miniature »

Dean Louder, « Red Lake Falls, Minnesota : de l’histoire à l’action »

Dean Louder, « French Prairie, Orégon »

Dean Louder, « Fort Walsh et la Montagne aux cyprès »

Jean Morisset, «  Picquet ou le Canadien errant de l’Amazonie »

Jean Morisset, « Témoignage de Pierre Dansereau : l’écologiste aux pieds nus »


Franco-Amérique (nouvelle édition revue et augmentée)

Si les critiques ont énoncé ce qui suit au sujet de la première édition de Franco-Amérique publiée en 2007, imaginez ce que la nouvelle édition qui vient de paraître aux Éditions du Septentrion va susciter comme commentaires :

« Un livre qui recèle une grande humanité. » (Joël  Béliveau, Francophonies d’Amérique)

« Ce livre est magistral. » (Didier Fessou, Le Soleil)

«  Un ouvrage indispensable pour comprendre le statut de notre langue au Canada et aux États-Unis. » (Yves Laberge, Nuit blanche)

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Comptant une trentaine de pages de plus que son prédécesseur, le plus récent Franco-Amérique fit appel à une demi-douzaine de nouveaux auteurs dont Carlos Aparicio, Clint Bruce, Serge Dupuis, James Laforest, Jeanine Ouellette et David Vermette, afin de compléter les analyses et portraits réalisés par de vieux routiers de la francophonie nord-américaine : Kent Beaulne, Virgil Benoît, Adrien et Benoît Bérubé, Michel Bouchard, Marc Boucher, Christian Fleury, Yves Frenette, Anne Gilbert, feu Richard Guidry, Melinda Jetté, Jean Lamarre, Maurice Lamothe, Dean Louder, Christian Morissonneau, François Paré, Étienne Rivard, Barry Rodrigue, Rodney Saint-Éloi, Joseph-Yvon Thériault et Eric Waddell.

Plusieurs des textes d’origine ont été mis à jour par les auteurs. Le plus percutant de ceux-ci est sans aucun doute celui de Maurice Lamothe (« Chanter la Franco-Amérique ») dont le postscriptum intitulé « Cajuns de l’an 2000, de Faulkner à Fred Pellerin… » porte à réfléchir sur le discours de Pellerin qui est traversé par une forte appréhension relativement à l’avenir de la langue française dans le contexte de la mondialisation galopante de l’industrie du disque. Un tout nouveau texte sur la Floride canadienne-française signé par Serge Dupuis remplace dans le nouveau volume le toujours aussi intéressant « Le Floribec éphémère » de Rémy Tremblay qui parut dans le dernier.

Plusieurs nouvelles cartes ornent les pages de Franco-Amérique. Évidemment, celles de la deuxième et de la troisième de couverture furent mises à jour de manière à comparer pour l’an 2011 la distribution de la population d’origine ethnique française à celle qui parle français à la maison.

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Grâce au travail de Carlos Aparacio, Franco-Amérique ouvre un nouveau chantier de recherche que l’auteur continuera à exploiter, celui de la présence française and canadienne française dans le Nord-est  du Mexique.

 

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Enfin, une autre carte, absente de la première édition, vient couronner les propos du préfacier, André Gladu dont un extrait suit :

Ce livre est un double héritage. Il réconcilie enfin pour nous la parole et l’écrit, la réflexion et la poésie. Une tentative réussie de réunir ce qui constitue l’originalité de nos cultures, de nos expériences et de nos liens à une histoire partagée. Un rêve commun, des destins différents. Des témoignages qui nous révèlent toute la richesse de l’aventure franco aux quatre coins du continent.

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Ultime hommage à un ami

Mise en contexte : Le matin du 24 novembre, j’ai reçu un courriel qui m’a abasourdi. L’un de mes amis les plus chers venait de mourir. Il fallait s’y attendre, car cela faisait plusieurs années qu’il combattait avec acharnement cette maladie qui nous effraie tous, s’offrant aux protocoles expérimentaux pour prolonger sa vie et en souffrant les conséquences. Rémi m’a fait l’honneur de prendre la parole à ses funérailles qui ont eu lieu le samedi 26 novembre en la chapelle de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, avenue Pierre-Bertand, à Québec. Voici donc  les quelques remarques que j’ai livrées ce jour-là pour rendre hommage à ce grand ami qui était, à bien des égards, le frère que je n’ai jamais eu.

Ce carnet de voyages et rencontres en Franco-Amérique n’est peut-être pas la meilleure place pour en parler. Cela fait plus d’un mois que j’y pense. Il y a quand même une certaine logique. Rémi était l’un des premiers étudiants que j’ai rencontrés à l’Université Laval. Ni lui ni moi ne pouvions nous imaginer à ce moment-là l’influence que l’un en viendrait à exercer sur l’autre, et cela pendant une quarantaine d’années, au Québec et ailleurs.

Alors, je suis fier de vous présenter mon ami, Rémi Tremblay, disparu depuis peu. Je vous demanderais de me pardonner un récit aussi personnel et intime.

Rémi Tremblay, un homme d’exception

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Québec, 1971. Moi et ma famille venions de nous installer à Québec, immigrants des États-Unis. J’avais été engagé comme professeur de géographie à l’Université Laval. L’une de mes premières tâches fut de participer à un cours intitulé « Cas géographiques ». À tour de rôle, de semaine en semaine, un professeur se présentait devant les étudiants de première année pour parler de ses recherches. Puisque je venais d’écrire une thèse de doctorat à l’Université de Washington sur la croissance et la diffusion de l’Église mormone aux États-Unis entre 1850 et 1970, j’ai choisi de leur en parler. Je n’y ai pas ressenti un grand intérêt de leur part et suis retourné à mon bureau après un peu déçu. Tout à coup, un jeune homme de 20 ans fit irruption dans mon bureau en me saluant et en disant : « Hé, merci, c’était ben intéressant ça, c’est la première fois que j’entends parler des Mormons ! » Je lui demande son nom, « moi, mon nom, c’est Rémi Tremblay ! » et il est parti et je ne l’ai pas revu. Il a quitté la géographie après un an pour étudier en droit. C’était son droit !

Québec, 1978, sept ans plus tard. Je rentre en ville à la suite d’une année sabbatique passée en Louisiane. Un dimanche, en arrivant à la chapelle située au 765 Boulevard Charest Ouest, je vois plusieurs nouveaux visages dont deux particulièrement attrayants. Il s’agissait de ceux de Rémi et d’Hélène qui, après des mois et des mois d’études et de prières, avaient décidé de tenter leur chance auprès de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Et quelle chance que ce fut…et pour eux et surtout pour nous ! Rémi m’a vite rappelé notre seule rencontre d’il y a sept ans : « Tu vois, j’avais retenu quelque chose de ta causerie ! »

Quand je pense à l’historique de la foi mormone à Québec, deux noms surgissent : celui de Jerald Izatt qui a semé une graine en 1970 et celui de Rémi Tremblay, venu dix ans plus tard, soigner le jardin laissé légèrement à l’abandon afin de le restaurer en beauté et toujours avec un souci particulier pour les jeunes de la génération montante. Ces bâtisseurs sont partis maintenant à moins de deux ans d’intervalle. L’Église mormone à Québec leur doit tant. Personne, à mon avis, n’a autant fait à Québec pour l’Église et ses membres que celui dont nous célébrons aujourd’hui la vie.

Hier, j’ai vérifié les médias sociaux pour voir ce que les gens disaient de la disparition de Rémi. J’y ai glané une dizaine de commentaires. Sans exception, c’étaient des commentaires des jeunes, de deux générations différentes, qui avaient été influencés par cet homme. Je les  cite :

1ière génération

J’ai tellement de bons souvenirs et des moments heureux de jeunesse passés avec lui. Quelle profonde tristesse. (Michael Landry)

J’ai le cœur très lourd. Rémi faisait partie intégrante de ma jeunesse. (Jolyn Louder)

Hélène et Rémy occupent une partie considérable de mes souvenirs d’enfance. Ils me sont très chers. (Lysanne Louder)

Cher Rémi, parti trop jeune et trop vite. (Anne Baillargeon)

Rémi, Rémi, Rémi, t’es ben beau répondit l’écho. (rappel d’une chansonnette d’Anne Baillargeon, Lucie Garneau et Jolyn Louder)

A great, great man. (Katee Louder)

2e génération

Je suis triste d’apprendre la nouvelle. Il fait un peu partie de notre famille à Québec. (Xavier Louder)

Un autre phare qui s’en va, mon second père en quelque sorte. Au delà de toutes ses qualités, je n’oublierai jamais sa générosité inégalable et le fait qu’il s’est tellement oublié pour les autres. Et il aimait tellement la vie et ses deux princesses. (J-P Dion)

Repose en paix, Rémi. Tu peux maintenant te reposer de ton gros combat et continuer de veiller d’en haut sur tous les jeunes à qui tu as tant donné. Merci de m’avoir aidé à remettre la main sur la barre de fer. (Philippe LeBlanc)

Repose en paix, cher Rémi. Tu vas nous manquer. Tu étais une personne gentille, drôle, généreuse et tu étais un modèle pour tout le monde ! On t’aime. (Mariana Ferland)

Les Saints des Derniers Jours appellent leur lieu de culte « La Maison de Dieu ». C’est bien, c’est respectueux, c’est sûrement vrai. Mais si nous sommes ici aujourd’hui assis dans ce bel édifice, nous le devons à Rémi Tremblay. Nous sommes peut-être dans la Maison de Dieu, mais nous sommes également dans la Maison de Rémi. Il a trouvé le site ; il en a recommandé l’achat, il a géré le projet de construction et il a surveillé les travaux !

Ce que Rémi aimait, j’ai essayé d’en dresser une liste partielle :

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  1. Comme J-P l’a dit, il aimait ses « princesses ». Je me souviens d’une promenade avec Rémi. Où ? Je ne m’en souviens plus. Bois de Coulonge peut-être ou les Plaines ou le Domaine de Maizeret. Je sais que c’était un bel endroit et j’écoutais un Rémi, très sérieux, exprimer tout l’amour qu’il avait pour elles, ses princesses, et l’inquiétude qui l’habitait de l’avenir si quelque chose devait lui arriver. Un amour de jeunesse devenu un amour profond,  respectueux et compréhensif. Plusieurs années de vie de couple vécues dans l’espoir de voir arriver un enfant et, enfin, l’enfant tant attendue qui arrive apportant avec elle de la joie insoupçonnée et inimaginable. Cette belle fille tout à fait spéciale n’aurait pas pu mieux tomber que dans cette famille.
  2. L’Évangile de Mathieu nous raconte qu’un jour on a demandé à Jésus, « Seigneur, quel est le plus grand commandement ? » Jésus répondit, « Tu aimeras ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Rémi aimait-il Dieu ? Nicolas Beaubien, l’évêque de la paroisse vient de nous dire que Rémi avait sans cesse servi Dieu depuis 30 ans. À deux reprises et pour une période de plus de dix ans, il a occupé les postes qui sont, à mon avis, les importants dans la hiérarchie de notre église, ceux de Président de branche ou d’Évêque. C’est dans ces cadres-là, surtout, que l’on doit composer avec les problèmes réels des gens. J’aimerais que chaque personne dans cette salle à qui Rémi Tremblay ait rendu service lève la main. S’il vous a rendu plus d’un service, levez l’autre main ! Voyez-vous ? Il n’y a plus rien à dire à ce sujet ! Rémi, de toute évidence, a respecté sans faille les deux plus grands commandements.
  3. Rémi aimait voyager : chez son frère, Robert, en France, au pied des Alpes ; à son condo en Floride dont il n’a pas eu le loisir de profiter autant qu’il aurait voulu et qu’il avait obtenu grâce à son ancien patron, Serge, de multiples voyages en ma compagnie dont je voudrais vous en faire part de deux. D’abord, celui en Caroline du Nord. J’avais dit à Rémi que j’y allais pour participer à un congrès de l’Association américaine d’études religieuses. Il me dit : « ah oui, ça m’intéresse, je peux-tu y aller ? » « Mais oui », je réponds, « allons-y ». En arrivant, un peu pressés, on s’entend pour que j’aille nous inscrire et qu’il s’occupe de la location d’une voiture parce que nous avions envie de profiter du séjour pour visiter les grandes universités de la région : North Carolina, North Carolina, Wake Forest et Duke. Rémi tenait aussi à voir le stade à Charlotte où évoluaient les Panthers. On s’est donnés rendez-vous 45 minutes plus tard. L’inscription faite, je sors et je vois Rémi arriver au volant d’une Lincoln Continentale. « C’est tout ce qu’ils avaient » m’a-t-il dit, sourire en coin. Un voyage à Salt Lake est à un Saint des Derniers Jours ce que est une visite au Vatican pour un catholique ou un pèlerinage à la Mecque pour un musulman. En 1983, Rémi et Hélène et quatre autres amis de Québec (Lucille-Anne Landry et son fils, Michael, Robert Lavoie et la vieille Germaine Comtois) entreprirent le hajj mormon en notre compagnie. Nous avons parcouru l’État de l’Utah à visiter les merveilles naturelles et les sites historiques, mais ce dont je me souviens le plus, c’est la fête des noces d’or de mes parents. Du Québec, nous avions apporté des aliments que les gens là-bas ne connaissent pas : divers fromages, multiplicité de pâtés et de terrines. Nous avons tout étalé sur une longue table pour que les convives en prennent. Rémi s’est placé en arrière de la table et a sorti son meilleur anglais pour aider les amis de mes parents à faire leur choix. Il a assumé, sans qu’on ne lui demande, un rôle clé à cette fête, lui a donné un ton non seulement jovial et festif, mais français. Le plus drôle, c’est qu’un mois plus tard, un ami de mon père l’a appelé pour lui demander le nom de son traiteur parce qu’il désirait en engager le même.
  4. Rémi aimait les Canadiens de Montréal et les Remparts de Québec. À l’apogée de la grande rivalité Canadiens/Nordiques, Carole Turcotte et moi  avons tout essayé pour convertir Rémi, ce petit gars qui avait depuis toujours adoré la Sainte-Flanelle, en Nordique. Rien à faire ! Alors, jeudi soir, lorsque j’ai allumé la télévision pour regarder le match Canadien/Caroline joué au Centre Bell, j’étais en droit de m’attendre à ce qu’il y ait un moment de silence à la mémoire du Fan no. 1 des Canadiens de Montréal. Mais il n’y en a pas eu ! Depuis que les Remparts existent, Rémi et son frère, Aurélien, sont détenteurs de billets de saison. Maintenant, qui va accompagner Aurélien au Centre Vidéotron pour encourager les jeunes hockeyeurs, haranguer les entraîneurs et maudire les arbitres ?
  5. Rémi aimait son pays, le Québec. Cet été, il a eu 65 ans et, par conséquent, devint admissible à recevoir la pension de vieillesse du Canada. Il me dit, « hé, j’ai eu mon premier chèque du Fédéral ». Je réplique, « t’as pas honte, t’es pas gêné d’accepter du fric du Canada ? »  « Mé voyons, Dean, ça fait plus de 40 ans que j’envoie mon argent à Ottawa, il était temps qu’on commence à me rembourser ! »
  6. Rémi aimait recevoir. Oui, les individus chez lui, comme les jeunes missionnaires, les membres de la famille et parfois les parfaits étrangers. Il aimait aussi recevoir les groupes, pas à sa table, mais pour leur montrer sa ville. Combien de fois a-t-il reçu une demande en provenance des Saints des Derniers Jours aux États-Unis pour leur organiser le gîte et faire une visite de Québec et sa région ? Il m’appelait et disait. « viens-t-en, j’ai besoin de toi, on reçoit des Yankees ». Pourquoi aimait-il faire cela ? Pour rendre service, certes, mais aussi parce qu’il était fier du Québec, de Québec, de sa culture, de son peuple. Il savait que le Québec était différent, spécial, unique et désirait partager cette réalité avec tous ceux et celles qui voulaient bien l’entendre. Rémi, de Jonquière, du Saguenay, Québécois pure laine, s’il y en a, et fier de l’être.

Terminons sur les paroles d’un autre fier Québécois, mort récemment à l’âge de 100 ans, le père Benoît Lacroix, dont je garde toujours un livre à la portée de la main. Je vous fais lecture des extraits de son poème intitulé « Le Chemin » :

Mais on a un chemin à suivre


Aller rejoindre ceux qui nous écoutent


Aller où on doit aller et rencontrer les gens

Le chemin de la vie


Le chemin le plus long à vivre


Trop pressé d’arriver avant de partir


Relié à des horaires


On a peur d’inventer des chemins

J’ai des souvenirs nostalgiques reliés à la campagne


Chemin désert près du bois


Un événement beau à vivre


Mon père disait : on va ouvrir le chemin en premier


Inventer son chemin


Battre son chemin avant de le trouver


Ces événements sont significatifs.


Si un chemin n’est pas ouvert


Si on ne sait pas où on va c’est pénible

On n’ouvre pas le chemin seulement pour soi


On l’ouvre pour tous ceux et celles qui vont le prendre…

Rémi savait d’où il venait ; il savait où il allait et il était toujours en avant en train d’ouvrir ou de débrousailler le chemin.

Actes de courage, d’attente


Des amitiés où la route est difficile


L’avenir est là, il nous attend


On ne peut l’éviter


Il est au bout de mon présent


Annexé à mon passé.

S’habituer à réinventer son chemin


Quotidiennement j’avance sur le chemin du bonheur


Bonheur jamais parfait


Malheur jamais définitif


il y a bonheur partout


Il y a peine partout

 


La vieillesse est un risque


Au bout de la vieillesse, une échéance inévitable


Tunnel de la fin de ma vie


Si j’entre dans le chemin.

J’ai appris à corriger mes erreurs


Nous sommes plus forts


Nous sommes meilleurs que le découragement, l’échec


La route est en avant, pas en arrière


Le pire est en arrière


Courage–Amitiés—Espoir

Voilà l’héritage que le père Lacroix nous a laissés. Voici le legs spirituel que nous laisse mon frère, Rémi Tremblay.