Bref passage à Walla Walla: examen de la correspondance des Bergevin

À Québec, en novembre dernier, j’ai eu le plaisir de faire connaissance avec la famille Iverson/Hurlburt. Il s’agissait de deux professeurs de français du Collège Whitman (Walla Walla, Washington), Jack et Sarah, en année sabbatique et de leurs deux filles, Erin et Ingrid, 8 ans et 5 ans. Arrivés à Québec en août et installés pour quatre mois dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, les parents ont inscrit les filles à l’école du quartier. Le 20 décembre, au moment du retour de la famille à Walla Walla, les deux petites Américaines parlaient couramment français! La semaine dernière, un peu plus de six mois plus tard, de passage à Walla Walla, j’ai pu constater chez elles, sur leur fermette, parmi les moutons, les chèvres, les tournesols et les marguerites que leur capacité de parler notre langue ne s’était pas amenuisée!

photo

photo-2

photo-3

photo-1

Le 2 octobre 2010, j’étais venu pour la première fois à Walla Walla dans le but de participer au tout premier Frenchtown Rendezvous : (https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2010/10/). Ce soir-là, j’avais rencontré Frank Munns, de la famille Bergevin, dont les ancêtres se trouvaient à Walla Walla depuis plus de 100 ans. Dans un moment fort de la soirée, il avait pris la parole en français pour exprimer ses sentiments à l’endroit du Québec, sa mère patrie. En faisant allusion à la devise inscrite sur les plaques d’immatriculation québécoises, il rendait hommage à «  un pays qui a de la  mémoire, un pays qui se souvient, un pays qui a su survivre contre vents et marées ». En janvier 2013, cinq mois après une rencontre fortuite avec Sarah Hurlburt, Frank est mort subitement d’une crise cardiaque.

Mais le rencontre entre Sarah et Frank n’était pas simplement une histoire de parler vaguement du Québec. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la famille Bergevin de Frenchtown, Washington Territory était restée en contact avec sa parenté au Québec, grâce surtout aux efforts et aux écrits de Sr. Marie-Augustin Bergevin, SNJM, une arrière-tante à Frank. C’était ce contact épistolaire que Sarah explorait avec Frank, et sur lequel elle  continue à travailler, en collaboration avec d’autres membres de la famille Bergevin. Les lettres préservées par la famille documentent l’établissement des Bergevin dans la région de Walla Walla, fournissent des indices quant à la solidarité de la collectivité canadienne-française de Frenchtown  et témoignent de la puissance des liens familiaux maintenus en dépit des contraintes de la distance. C’est un véritable trésor que la famille a préservé. L’avenir nous dira l’utilisation que Sarah en fera !

photo-5

Un petit échantillon de ce travail en cours est en exposition à la bibliothèque Penrose sur le campus de Whitman College.

photo-4

Celle-ci tourne autour de Sœur Marie-Augustin, née Victoire Bergevin en 1833 à Beauharnois. En 1851, elle se joint au noviciat des Sœurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie. En deux voyages séparés, ses quatre frères ont émigré dans la région de Walla Walla : Louis et Joseph, par voie maritime dans les années 1850, et Damase et Clément par la terre ferme en 1864. Quatre sœurs biologiques sont restées à Montréal avec leurs maris. Les parents, eux aussi, y ont demeuré. Sœur Marie-Augustin remplissait des fonctions essentielles au sein de sa congrégation. Sur la période que couvre ses lettres écrites à ses frères dans l’Ouest, elle voyageait énormément. Elle fut sœur fondatrice des écoles des Saints-Noms à Tampa en Floride et à Los Angeles en Californie. Elle a été mère supérieure de plusieurs autres écoles aux États-Unis, à Albany et à Schenectady au New-York. Malgré ses périples aux États-Unis, et les voyages aller-retour qu’elle a faits entre ses postes et la maison mère à Longueuil, elle n’a jamais pu se rendre jusqu’à Walla Walla. Elle est décédée à Hochelaga en 1899.

D’une part, sa correspondance offre un rare aperçu du rôle de fondatrice et d’éducatrice des religieuses dans ce pays en voie de s’élaborer et, d’autre part, elle dépeint la crise ou la rupture créée au sein de sa famille (et combien d’autres familles québécoises ?) par le choix des frères de s’éloigner, créant ainsi une plaie profonde qui ne pourrait se guérir que par la réunion de la famille dans l’au-delà. Ses lettres abordent à la fois les petits détails de sa propre vie et ceux de sa famille lointaine. Elle ne cesse de les implorer de rester fidèles à leur foi qui les conduira à ces retrouvailles célestes. Tantôt en anglais, tantôt en français, d’une lettre à l’autre, ou à l’intérieur de la même lettre dépendant de l’interlocuteur visé et le sujet abordé, Sœur Marie-Augustin vit d’espoir !

Ce deuxième court séjour ne sera pas, j’espère, mon dernier. Il reste tellement de découvertes à faire dans ce coin de la Franco-Amérique qui est le Pacific Northwest.

 

 

2 thoughts on “Bref passage à Walla Walla: examen de la correspondance des Bergevin



Comments are closed.