CMA au NB: quatre aperçus

I

Le 9 août 1842 fut signé le Traité de Washington que certains appellent aussi le Traité de Webster-Ashburton, définissant une partie de la frontière entre les États-Unis et le Canada-Uni, colonie britannique, et mettant fin aux hostilités entre la mère patrie (Angleterre) et son rejeton (États-Unis)—hostilités auxquelles les historiens ont donné le nom de « Guerre d’Aroostook ». Cent soixante-douze ans plus tard, le 9 août 2014, dans le cadre des activités du Congrès Mondial Acadien (CMA), s’est ouverte au Musée historique du Madawaska, une exposition intitulée «L’Acadie des terres et forêts :  Frontières contestées, familles retrouvées ». Pour aider tous ses participants à comprendre adéquatement pourquoi le CMA s’est déployé cette année sur le vaste territoire du Nord-Ouest néobrunswickois, du Témiscouata québécois et de la partie la plus septentrionale du comté d’Aroostook, dans le Maine, il aurait fallu qu’ils visitent cette exposition conçue et montée par les frères Bérubé, Adrien et Benoît, respectivement géographe et historien originaires d’Edmundston, Allen Doiron, archiviste aux Archives provinciales du Nouveau-Brunswick et Christian Michaud, artiste visuel au Musée historique du Madawaska.

DSC05510

Dès 1842, donc, la question de la frontière entre le Maine et le Nouveau-Brunswick fut réglée, divisant des familles à jamais. Par contre, celle entre le Canada-Est et le Nouveau-Brunswick ne sera fixée que neuf ans plus tard par arbitrage, avec un juge à Londres tranchant. L’ancienne seigneurie de Madoueska joua un rôle central dans la prise de décision.

Ce qui est extraordinaire, c’est que chacun de nous puisse visiter cette exposition bien assis dans son salon ou son bureau grâce au site internet suivant : http://expoatf.ca

Il suffit de mentionner ici que l’exposition occupant une très grande salle au Musée est divisée en 5 parties : (1) « mural » par terre; (2) panneaux et ligne du temps; (3) vitrines;  (4) tables tournantes; (5) fac-similé.

« Mural » à terre : les visiteurs « marchent » littéralement l’Acadie des terres et forêts. Sur des cartes topographiques collées au plancher sont superposées des reproductions de cartes historique formant une mosaïque qui permet au visiteur de bien se situer.

photo

photo-1 Panneaux et ligne du temps : neuf panneaux couvrent trois murs. Le premier mur (panneaux 1 à 4) représente la période d’avant le Traité de Washington. Le deuxième  celle du Traité (panneaux 5 et 6) et le troisième (panneaux 7 à 9) le présent et l’avenir. Grâce à la ligne du temps, il est possible d’associer les événements se passant en Acadie des terres et forêts à d’autres se déroulant ailleurs.

photo-5photo-4

Vitrines : Deux documents précieux : Le livre des concessions au Madawaska et les cartes cadastrales de James A. MacLauchlan et John C. Allen.

photo-6

photo-3

Tables tournantes : d’anciennes cartes fournissant un supplément d’informations portant à la réflexion sur notre façon de concevoir le monde.

Fac-similé : réplique de la borne 178, la plus nordique de la frontière canado-états-unienne à l’est du lac Supérieur. L’originale se visite à Estcourt (Pohénégamook).

DSC05503

II

En prévision de la journée louisianaise à Grand Sault le lundi 18 août, quatre poètes de la Louisiane, offraient la veille, dans la chaleureuse salle de spectacle de la Petite église d’Edmundston, un « prélude poétique ».

photo

Aujourd’hui, la poésie de langue française en Louisiane est en pleine effervescence. En mars dernier, Zachary Richard fut sélectionné pour occuper pendant une période de deux ans (2014-2016) le poste nouvellement créé de Poète lauréat de la Louisiane française. La sélection fut unanime compte tenu de son action sur les 40 dernières années. Il a tôt compris l’importance de la langue française pour son peuple. Par sa poésie, entre autres son recueil Faire récolte, il a démontré que le français de la Louisiane pouvait dépasser la stricte oralité. Par son exemple, les Louisianais se sont rendu compte qu’ils avaient beaucoup de choses à dire et qu’ils peuvent les dire et les écrire en français.

photo-2

Sur scène à Edmundston avec Zachary, son copain de toujours, Barry Ancelet (aka Jean Arcenaux), Brenda Mounier et Kirby Jambon. Quatre prestations individuelles et personnelles et, en finale, un poème original composé à quatre et livré en concert!

III

Le lendemain, Journée louisianaise à Grand Sault et une table ronde des poètes. Aux quatre poètes de la veille se sont ajoutés Earlene Broussard et Nathan Rabalais.

photo-11

Récitant moins et causant plus, ils ont fourni un aperçu de leurs sources d’inspiration, de leurs rêves, de leurs styles disparates et des défis du moment. Le fait que l’Académie française vient d’attribuer à Kirby Jambon, pour son livre Petites communions : poèmes, chansons et jonglements, le Prix de soutien à la création littéraire Henri de Régnier, témoigne de la puissance et de la qualité de la nouvelle littérature franco-louisianaise.

Tout au long de la Journée louisianaise, Jambon fit preuve de sa polyvalence et de sa bonne humeur en animant plusieurs tables rondes dont celle de Nathan Rabalais, poète de la relève, mais également analyste à ses heures. Ici, il décortique les identités « Cadien » et « Acadien » rebutant, à sa façon, ceux qui prônent la notion de similitude entre l’Acadie du Nord et Acadie du Sud.

photo-12

Un autre membre de la jeune relève franco-louisianaise est Clint Bruce, vu ici avec le vieux routier Barry Ancelet, en train d’aborder la question d’écrire en français, comment et pourquoi? Si le français louisianais est strictement oral, comment expliquer l’imposant nouveau Dictionary of Louisana French? ( https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/?s=dictionary+of+louisiana+french )

bruce

De l’archéologie au CMA, il y en a eu. D’abord, le Projet Nouvelle-Acadie animé par Ron Gaspard, au centre. Il s’agit d’une initiative qui vise à localiser les premières installations d’exilés acadiens en Louisiane autour de 1765. Toutefois,  Gaspard a surtout parlé de fouilles en cours dans un ancien cimetière situé à Parks, communauté constituée de Créoles de couleur et située à mi-chemin entre Pont-Breaux et Saint-Martinville.

photo-1_2

À la droite de M. Gaspard est Sarah Beanlands qui réalise des fouilles archéologiques, près de Windsor, en Nouvelle-Écosse, d’où les Acadiens ont été déportés à partir de 1755. Ce sont ses ancêtres, largement loyalistes, qui ont pris possession des terres abandonnées. Depuis 250 ans donc, la même famille—la sienne—les occupe. Jeune, Sarah écoutait des légendes de sa famille. L’une d’elles voulait qu’autrefois sur ces terres habitaient des fées que l’on appelait des « tippy toes ». Plus grande, étudiante en anthropologie et archéologie, la jeune femme apprenait d’autres « histoires » dont certaines la dérangeait, à savoir celles des Acadiens déportés qui auraient pu cultiver ses terres avant ses ancêtres. La recherche aidant, Sarah découvre que les premiers terriens s’appelaient « Thibodeau ». D’où « tippy toes », déformation du nom et début d’une légende! Les fouilles se poursuivent sur ses propriétés dans le but de déterrer ce qui pourrait rester des « tippy toes ». Phénomène inusité, c’est qu’une invitation lancée aux Thibodot, Thibodeau, Thibodeaux, Tiebout….de l’Amérique à venir en Nouvelle-Écosse participer aux fouilles a donné des résultats invraisemblables. Des Thibodeau des Maritimes, du Québec, du Canada et des États-Unis ont été nombreux à venir et à faire avancer les travaux. Tous les artefacts trouvés sont classés et entreposés.

IV

À la bibliothèque d’Edmundston où je suis venu exploiter l’internet, est annoncé le soir même un « concert » de Marie-Jo Thério. Je l’aime bien comme chanteuse. Ça commence dans moins de deux heures, j’y assisterai! Sauf que ce ne fut pas un « concert », mais plutôt une causerie. Marie-Jo a quand même chanté deux fois, mais elle s’est surtout confiée. Sa jeunesse et sa formation en musique classique, sa première visite d’une grande ville (Boston) à 14 ans, son départ de Moncton à 17 ans, son installation à Montréal, ses années à Paris avec son Français…et son dernier album tout en anglais, « Chasing Liddy » dont la recherche l’avait ramenée au Massachusetts où des membres de sa parenté, comme tant d’autres Acadiens, s’étaient exilés le siècle dernier en quête du travail. Pour eux, la ville de prédilection était Waltham et l’employeur Waltham Watch.

photo-7

Pour Marie-Jo, cette découverte personnelle de l’Acadie de la diaspora a rendu impératif, obligatoire, essentiel sa participation à ce cinquième Congrès Mondial, car dit-elle, « cette année est la première fois qu’on fait déborder les frontières traditionnelles de l’Acadie! »

 

 


CMA au Maine

Je desire commencer ce billet par des paroles qui ne sont pas de moi, mais qui expriment mieux que je pourrais mes sentiments à l’égard de ce cinquième Congrès Mondial Acadien (CMA) que nous venons de vivre. Aussi, font-elles suite à mon texte du 22 août dernier concernant la tombée du rideau à Cabano et ouvrent-elles sur celui d’aujourd’hui décrivant la fête nationale de l’Acadie célébrée avec vigueur à Madawaska, au Maine, aux États Unis. Ce sont les paroles d’Hugues Chiasson, coordonnateur des communications à l’Université de Moncton, campus d’Edmundston

1403643_10201251300059684_372906374_o

Le CMA 2014 est terminé!
 C’est par le majestueux spectacle « Racines », au parc Clair-Soleil de Témiscouata-sur-le-Lac (secteur Cabano), qu’a pris fin le 5e Congrès mondial acadien 2014 de l’Acadie des terres et forêts. Par un temps chaud, des milliers de spectatrices et spectateurs ont entendu de nombreux artistes défiler sur la scène. Des feux d’artifice ont couronné la soirée. Au retour, un long cortège d’automobiles circulaient sur la route 185 reliant Cabano jusqu’au Nouveau-Brunswick. Si vous avez vu la fin du film « Field of Dreams », vous auriez distingué les phares des automobiles à perte de vue. Les pentes longues et douces des collines témiscouataines permettaient de voir le défilé d’automobiles à plus de 10 kilomètres. Pour avoir accompagné mon ami Étienne Deschênes dans la création de ce beau projet, dès aout 2008, permettez-moi de vous dire que je suis très fier de la réussite sans équivoque du Congrès mondial acadien 2014. L’Acadie des terres et forêts s’est éveillée et a pris conscience de son appartenance à la grande famille acadienne. Et ce n’est que le début. La même effervescence devra régner au cours des prochaines années. Mon souhait le plus cher est que la langue française soit à nouveau enseignée dans les écoles du nord du Maine. Un dossier à suivre que toute l’Acadie devrait encourager. À bientôt et au prochain CMA dans le territoire de la Mer rouge (sud-est du Nouveau-Brunswick et l’Ile-du-Prince-Édouard) en 2019. Vive l’Acadie et Vive l’Acadie des terres et forêts!

Pendant toute la journée du 15 août, le pont international entre Edmundston, au Nouveau-Brunswick, et Madawaska, au Maine, était fermé à la circulation. Les douaniers américains, de bonne humeur, surveillaient le flux d’humanité arrivant à pied du Canada,  accueillant ces fêtards souvent « déguisés » la main tendue.

DSC05529

C’est depuis 172 ans que le  Saint-Jean définit la frontière entre les États-Unis et le Canada, 172 ans depuis que la communauté acadienne de la région a été coupée en deux selon les conditions imposées par le Traité de Washington, autrement connu par le nom de Webster-Ashburton, les uns se trouvant du jour au lendemain sujets de sa majesté la Reine d’Angleterre et les autres citoyens de la relativement jeune république américaine. Les premiers, renforcés, par la suite, par l’arrivée de Canadiens français du Québec et sachant profiter de la proximité de la belle province, se maintinrent sur le plan linguistique, tandis que les seconds firent constamment assaillis par les inlassables forces assimilatrices des États-Unis.

Communauté « acadienne » ? Certains diraient que non, que la région est « brayonne » du côté canadien et franco-américaine de l’autre, que les Acadiens sont peuple de la mer et non de la terre et de la forêt. Or, les recherches récentes prouvent que les principales familles fondatrices des deux côtés du Saint-Jean, arrivées dans la foulée de la deuxième déportation amorcée en 1785, étaient les mêmes et que les six plus importantes parmi elles portaient des noms acadiens, la famille Cyr en tête. Comme Hugues Chiasson le souligne, les événements du mois d’août 2014 auront contribué à mettre fin à cette ambigüité historique et identitaire.

Dans les rues de Madawaska, ville quatre fois plus petite que Edmundston (16 000 habitants), il n’y avait aucun doute ce jour-là quant à l’appartenance des gens.

DSC05522

DSC05511

DSC05514

DSC05515

Dans le parc, des musiciens de la Louisiane occupaient le kiosque faisant danser la foule. Qu’on soit jeune, qu’on soit vieux, personne ne résiste à la musique entrainante d’un « Cajun Band ».

DSC05517

DSC05518

DSC05524 DSC05528

Gaëtan Maltais, membre de l’Association acadienne de la région de Québec et mariée avec une Québécoise acadienne, Lyne Boudreau, montrait ses couleurs et sa double appartenance…par alliance.

DSC05525

À 17h55 précisément, heure symbolique s’il y en a, car c’est en 1755 que l’ordre de  déportation des Acadiens est tombé, toutes les cloches d’église de la Vallée du Saint-Jean devaient sonner et le Tintamarre commencer. Personne n’a entendu les cloches, mais le Tintamarre si.

 

tint1

Impossible de ne pas entendre ce rappel, ce cri du cœur. Des milliers d’Acadiens et leurs amis serpentant dans les rues de Madawaska: tambours, casseroles et cuillères, trompettes, cloches à vache, sifflets, klaxons, crécelles…  Deux cent cinquante-neuf  (259) ans plus tard, les Acadiens sont encore là !

 

 


« Un coup salaud du destin » : tragédie de l’Isle-Verte cinq mois plus tard

Par une nuit glaciale du 23 janvier dernier une partie de l’histoire du village de L’Isle-Verte s’est envolée en fumée, emportant avec elle 32 aînés. Vingt-deux autres occupants de la résidence du Havre ont survécu à l’incendie.

DSC05559

Le 23 août, le lieu de l’hécatombe a triste mine.

DSC05560

Plus gaie, mais aussi très sobre tout de même, la cérémonie se déroulant tout près, faisant d’un terrain appartenant à la Fabrique un parc intergénérationnel et créant un mémorial aux victimes et aux survivants dont plusieurs présents. Sur les 22 survivants, trois sont décédés depuis la conflagration, l’un en avril, l’autre en juin et le dernier le 5 août.

DSC05557

À 10h30 pile, au son de la trompette, les Chevaliers de Colombe, accompagnés de l’Abbé Jean-Louis Smith, avancèrent solennellement vers le site où une foule d’environ 300 personnes, surtout membres des familles éprouvées, attendaient. À tour de rôle, les dignitaires ont prononcé de courts discours de circonstance. Celui du député fédéral François Lapointe, fut particulièrement poignant, car il évoquait le « coup  salaud du destin » qui prive maintenant bon nombre de personnes réunies ici aujourd’hui de vivre ce qu’il vit régulièrement auprès de sa propre mère de 80 ans : marcher avec elle dans le parc, souper en sa compagnie, lui présenter des petits et arrière petits enfants.

DSC05561

Deux aînés de la Villa Rose des Vents prirent les ciseaux pour couper le ruban, dévoilant ainsi un genre de stèle vitrée sur laquelle sont gravés à gauche les noms des victimes de l’incendie et, à droite, ceux des courageux survivants.

DSC05570

DSC05571

DSC05576

Pour compléter le tableau, ces mots de Mère Thérésa inscrits au bas : « La vie est un défi à relever, un bonheur à mériter, une aventure à tenter. »

Un membre de la famille de chaque victime et chaque survivant reçurent une rose blanche après quoi Mme LaFrance-Côté  lut le poème « Voici les absents », de Blanche Lamontagne (1889-1958), résidente de L’Isle-Verte de 1916 à 1920. Une petite chorale chanta « Souvenirs d’un vieillard », le public la rejoignant à chaque refrain :

Petits enfants, jouez dans la prairie

Chantez, chantez le doux parfum des fleurs

Profitez bien du printemps de la vie

Trop tôt, vous verserez des pleurs

(Refrain)

Dernier amour de ma vieillesse

Venez à moi, petits enfants

Je veux de vous une caresse

Pour oublier

Pour oublier mes cheveux blancs

 Quoique bien vieux, j’ai le cœur tout plein de charmes

Permettez-moi d’assister à vos jeux

Pour un vieillard, outragé, plein de larmes

Auprès de vous, je me sens plus heureux

(Au refrain)

Petits enfants vous avez une mère

Et chaque soir près de votre berceau

Pour elle au ciel, offrez votre prière

Aimez-là bien jusqu’au jour du tombeau

(Au refrain)

Petits enfants, quand j’étais à votre âge

Je possédais la douce paix du cœur

Que de beaux jours sont passés sans nuages

Je ne voyais que des jours de bonheur

(Au refrain)

En vieillissant, j’ai connu la tristesse

Ceux que j’aimais, je les ai vus partir

Oh, laissez-moi vous prouver ma tendresse

C’est en aimant que je voudrais mourir

(Au refrain)

Et les ballons tenus par les enfants montent vers le ciel, les blancs pour les femmes, les gris pour les hommes!

DSC05573

 


CMA au Témiscouata

Le dimanche soir 24 août, le rideau tombera au Québec sur le cinquième Congrès Mondial Acadien. Au Parc Clair Soleil, sur les berges du plus beau lac de la province, à Témiscouata-sur-le-lac (arrondissement Cabano), un spectacle concert sur le thème « Racines » aura lieu, suivi de feux artifices magistraux. Sous la direction artistique de Nelson Minville, le « show » basé sur la musique traditionnelle et néo-trad mettra en vedette une brochette d’artistes liés par leurs racines acadiennes : Yves Lambert, Édith Butler, Ingrid St-Pierre, Jean-François Breau, Marie-Ève Janvier, Roland Gauvin, Belzébuth, Visten, Surôit, Prenez Garde, Jonathan Painchaud, Danny Boudreau, Guillaume Arsenault, Caroline Savoie et Roch Voisine!

Malheureusement, je ne pourrai y être! Toutefois, mon passage  par le portage qui sépare les eaux qui coulent vers le Saint-Laurent de celles qui drainent vers le Saint-Jean m’aura permis de vivre des expériences nouvelles et de constater, comme jamais auparavant, que, n’eut été d’une décision rendue par un juge à Londres, Dr. Stephen Lushington, qui décida en 1851 de la frontière entre deux colonies britanniques, le Canada et le Nouveau-Brunswick,  les gens d’Edmundston et ses environs auraient pu être aujourd’hui des Québécois. ou bien. que des Québécois du Témiscouata seraient vraisemblablement devenus des Néo-Brunswickois!

DSC05500_2

Je fréquente depuis une dizaine d’années l’Auberge Marie Blanc à Notre-Dame-du-Lac (autre arrondissement de la nouvelle municipalité de Témiscouata-sur-le-lac) et connais bien ses propriétaires, les sœurs Sirois, Martine et Marie-France, qui eurent la gentillesse, afin de s’assurer d’une modeste présence au programme du CMA, de m’inviter à présenter une conférence à l’Auberge sur un thème de mon choix. Étant donné la nature des lieux et le petit nombre de personnes attendues, j’ai préféré transformer « conférence » en « causerie »  dont le contenu fut largement tiré de mon bouquin publié l’an dernier : Voyages et rencontres en Franco-Amérique. Tout le monde (10 personnes) assis calmement dans la salle à dîner, j’ai « causé » de mes  voyages et rencontres en Acadie.

photo-4

marie blanc

Pour beaucoup d’Acadiens—surtout pour ceux de la diaspora—l’aspect le plus important, voire le plus critique et crucial des CMA est la rencontre des familles : les LeBlanc à Saint-Jacques, les Madore à Van Buren, les Maillet à Saint-Basile, les Thériault à Fort Kent, les Valcourt à Packington… Cela n’en finit plus! Pour savoir comment se passent ces rencontres, j’ai choisi d’aller vers les Boudreau (Boudrot, Boudreaux, Boudreault). Trois raisons à cela : (1) en prenant le petit déjeuner chez Marie Blanc, j’avais rencontré deux gentilles Américaines de Boston ne parlant qu’anglais, but Acadian through and through, les descendantes d’un certain François Boudreau, arrivé en Acadie au dix-septième siècle; (2) la rencontre avait lieu à proximité, en face de l’église de Notre-Dame-du-Lac; (3) l’une de mes brus est une Boudreau…mais « lt » (Boudreault, témoignant de l’origine saguenay-lac saint-jeannoise de son père, Maurice).

DSC05531

DSC05538

DSC05532

DSC05536

Les ressources mises à la disposition des gens en quête de leurs racines sont impressionnantes. Les amitiés se créent instantanément et la bonne humeur règne.

DSC05534DSC05535DSC05533

Partout dans les rues de Cabano, Notre-Dame-du-Lac et Dégelis, les drapeaux acadiens ornent poteaux, panneaux et propriétés. Pour l’espace de 17 jours le drapeau fleurdelisé cède la place à celui à l’étoile jaune,

photo-9

sauf sur une propriété de la rue Commerciale à Notre-Dame-du-Lac où les propriétaires affichent leurs vraies couleurs, tout en étant polis, respectueux et accueillants à l’endroit de leurs « frères francophones »

photo-1

photo-3« Frère francophone, la belle province t’accueille! »

photo-2_2photo-5 « Viens raconter ce que tu es aujourd’hui »

Même si le Québec n’est pas l’Acadie, les Québécois ne refusent jamais un « party », et dimanche, « y va y avoir tout un », mais plus important que cela, c’est que le CMA sur sol québécois aura rallumé une braise presque éteinte, celle rappelant aux gens du Témiscouata qu’ils partagent avec leurs voisins d’outre frontières un héritage et une histoire. J’irais plus loin: le CMA qui se termine demain illustre, une fois de plus et plus fort que jamais peut-être, que le Québec et l’Acadie ont besoin l’un de l’autre. Ils ne peuvent que s’enrichir mutuellement!


Congrès Mondial Acadien, 2014

Événement d’envergure! Rassemblement retentissant! D’une durée  de 17 jours dans ce, sa cinquième édition. Il y en a pour tout le monde, mais personne ne peut tout faire! Le programme officiel du CMA compte 105 pages! Écrit en parallèle (français/anglais), mais quand même !  Cent cinq (105) divisé par 2, c’est tout de même 52 pages et demies. Appréciable!

photo-11

Le Congrès se déroule sur le territoire du Grand Madawaska qui chevauche deux pays (Canada et États-Unis) et deux provinces (Québec et Nouveau-Brunswick) et un État (Maine). Le Congrès est ponctué de trois sous événements majeurs comprenant des spectacles grandioses mettant en vedette des musiciens de la francophonie nord-américaine : l’ouverture le 8 août à Edmundston, la fête nationale le 15 à Madawaska (Maine) et la fermeture le 24 à Témiscouata sur le lac, anciennement Cabano. Entre temps, ExpoMonde à Grand Sault attire chaque jour la foule. Des milliers de congressistes, touristes et curieux se ruent vers le Centre E-P. Sénéchal où une multitude de kiosques sont aménagés pour mettre en évidence le savoir faire des gens de l’Acadie des terres et forêts. Y trouve aussi la grande scène où les hommages pleuvent sur la tête des invités de marque et où se produisent chaque jour des artistes de la région et d’ailleurs .

photo-12

L’Acadie des terres et forêts, cela n’a pas toujours existé! J’ai entendu ce terme pour la première fois en 1999 de la bouche de Roland Martin, alors maire de Saint-Léonard, petite ville connue autrefois comme Grande-Rivière. Adrien Bérubé, géographe émérite de l’Université de Moncton, campus d’Edmundston, m’informe que le véritable « inventeur » du terme est l’homme de lettres originaire de Sainte-Anne-de-Madawaska, Étienne Deschêsnes. Il s’agit d’un terme unificateur et inclusif pour  identifier la région et ses habitants francophones. Unificateur pour les rattacher aux autres membres de la grande famille acadienne des Provinces maritimes, se trouvant plus au sud et plus à l’est. Inclusif pour ne pas exclure ceux et celles qui ont depuis toujours opté pour le nom identitaire de « brayon » et pour ne pas exclure non plus ceux et celles, comme les gens de Grand Sault, dont un gentilé (un nom qu’un peuple ou un groupe s’attribue) n’a jamais existé.

photo-13

Pendant ma semaine en Acadie des terres et forêts, j’ai usé pas mal de semelle sur mes souliers à courir des activités, toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Dans les jours qui viennent, je rendrai ici quelques-unes de mes observations en commençant par celles consignées à mon journal de bord au Québec. Pour compléter, je vous invite à consulter en ligne les éditions récentes du journal Acadie Nouvelle qui a assuré une couverture constante et large du CMA, 2014