Ces paroles ne sont pas de moi! Elles aurait pu être de mon collègue et ami, Luc Bureau, qui a écrit plusieurs essais aux titres tout aussi évocateurs les uns que les autres : Le Rat des villes, Terra Erotica, Il faut me prendre aux maux, L’idiosphère, Pays et mensonges… , mais elles ne le sont pas non plus. Elles sont de Roger Lemelin, qui décrit sa ville natale. Je les ai apprises hier en réalisant ma troisième promenade littéraire de l’année, celle qui a conduit une vingtaine d’hommes et de femmes du Parc des Braves jusqu’ à la résidence des Franciscains, en descendant la Pente douce, en traversant une partie du quartier Saint-Sauveur et en remontant l’escalier des Franciscains. Autrement dit, nous avons arpenté l’ancienne paroisse Saint-Joseph, rendue célèbre par Lemelin dans ces trois romans Au pied de la pente douce, Les Plouffe et Le Crime d’Ovide Plouffe, le premier publié en 1944 et situé en1937, le deuxième en 1951 et 1948 et le dernier en 1982 et 1951.
Départ du Parc des Braves, aux années 30 et 40, oasis des ouvriers de la Basse-Ville
Au sommet de la Pente douce
Le calvaire situé au pied de la Pente douce, érigé en année sainte 1950
L’énorme presbytère de l’Église Saint-Joseph
Le trou béant créé par la démolition il y a deux ans de l’église Saint-Joseph, laissée en décrépitude depuis des années, coin Franklin et Montmagny
L’ancienne Caisse populaire en face de l’église
La maison blanche « boîte à beurre » de la famille Lemelin
L’escalier des Franciscains
Vue sur la Basse-Ville à partir de l’escalier des Franciscains
Lorsque Au pied de la pente douce paraît en 1944, il fait fureur, vendant dans le temps de le lire 40 000 exemplaires. Du jamais vu! Il fut rapidement mis à l’index, ce qui a sûrement eu pour effet d’en accélérer la lecture! À l’âge de 24 ans, Roger Lemelin devient une figure littéraire de proue. Peut-être ce succès le doit-il à la maladie qui l’a cloué à un fauteuil roulant pendant cinq ans, des années où, s’il avait été en santé, il aurait fort probablement entamé sa vie d’ouvrier comme les autres membres de la famille et les jeunes de son âge et de son entourage. De 16 à 21 ans donc, il eut l’occasion d’étudier, de scruter et d’analyser son milieu, et de rencontrer—parfois au Parc des Braves—certains résidents de la Haute-Villé dont l’intellectuel Jean-Charles Bonenfant qui lui servit en quelque sorte de mentor.
En plus d’être un littéraire très doué, Lemelin possédait le sens des affaires et un réseau de contacts très élaborés qui lui ont permis, à la suite de la publication de son deuxième roman, de gravir les échelons de la société, de s’établir à la campagne (Cap-Rouge) et, plus tard, Montréal où il devint PDG du journal La Presse, frayant avec, entre autres, Paul Démarais et les Trois Colombes (Trudeau, Pelletier et Marchand). Lemelin réussit également à gravir la falaise, se portant, bien avant que le gouvernement du Québec ne le fasse, acquéreur de la maison située au 1080, Avenue des Braves, celle que l’on appellerait « L’Élysette », très brièvement résidence officielle, à la fin des années quatre-ving-dix, du Premier Ministre du Québec, Jacques Parizeau en l’occurrence.
Compte tenu de son vécu, de son ascension fulgurante et de la place qu’il a atteinte dans le tissu social, culturel et politique du Québec avant de mourir en 1992, Il aurait été salutaire que Roger Lemelin écrive au moins un quatrième roman faisant entrer la famille Plouffe, modelée sur la sienne, dans les tourments, trépidations et transformations de la Révolution tranquille.
Si Québec est comme une femme, Roger Lemelin, l’a rendue séduisante, moins par sa beauté que par sa personnalité attachante. Sylvain Lelièvre chantait « Quand on est d’la basse ville, on n’est pas d’la haute ville ». Roger Lemelin fit preuve du contraire!
* * *
À chaque promenade littéraire à Québec, je retrouve, sans avertissement et avec émoi, de mes anciens étudiants de l’Université Laval. Cette fois-ci, il s’agissait de Stève Dionne et Lucie Rochette. Rencontrés au cours de leur formation en géographie à l’Université Laval il y a une vingtaine d’années, Ils se sont établis par la suite à Saint-Roch-des-Aulnaies, d’où ils étaient venus en cette belle matinée automnale rendre hommage à l’auteur dont l’œuvre fit découvrir à Stève la société urbaine québécoise de la génération avant lui. Heureux de renouer, Stève, Lucie et moi sommes fiers de partager ce moment avec Roger-Lemelin à sa Place (coin L’Aqueduc et Saint-Gemain).
Ce titre m’a aussi fait penser a votre autre ancien collègue, Eric Waddell, citant une publicité de voyage dans son cours sur l’Océanie: « l’île est une femme ».
Je crois que c’est « Élysette » qu’on avait surnommé le 1080 des Braves.
Vos anciens étudiants ne vous lâchent pas d’une semelle …
OREM TIGERS!!!! I love it !
Merci, Sébastien, je corrige tout de suite.
Ma mère gravissait jadis cette pente à tous les jours. Ca laisse des marques. Merci Dean pour partager les beaux souvenirs.
Lorsque Mon amie Danielle, de Montréal, a appris que j’avais lu « Les Plouffe », elle m’a dit que je savais tout sur les Québécois. Bravo à cette randonnée.