Pierre Joseph Landry : patriote, planteur, sculpteur…et Acadien !

Pour souligner le bicentenaire de la Bataille de la Nouvelle-Orléans qui eut lieu, par petit coup, du 24 décembre 1814 au 8 janvier1815, lutte marquant la fin des hostilités entre les nouveaux États-Unis et leurs anciens maîtres (la fameuse Guerre de 1812), le Musée des Beaux-Arts de la Nouvelle-Orléans (NOMA) organise du 16 octobre 2015 au 20 mars 2016 une exposition autour de Pierre Joseph Landry, un sous-officier dans l’armée du Général Andrew Jackson, celui même qui deviendra, une quinzaine d’années plus tard, septième président de la jeune république. Jackson eut gain de cause sur ses vis-à-vis britanniques, Général Edward Pakenham et Amiral Alexandre Cochrane.

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Pierre Joseph Landry est présenté comme un immigré de France arrivé en Louisiane à l’âge de 15 ans. Il deviendra militaire et, par la suite, planteur faisant fortune dans la production de canne à sucre.  À soixante-trois ans, limité par la maladie, il consacrera le reste de sa vie à la sculpture sur bois dont les sujets allégoriques seront surtout bibliques et historiques. Landry se serait marié deux fois et aurait été le père de 17 enfants. Dans son testament, il est nullement question de ses précieuses sculptures. Depuis sa mort en 1843, au fil des ans, les chercheurs et collectionneurs en découvrent et soupçonnent qu’il y en a d’autres à découvrir. Il laisse pour la postérité un court journal écrit bien sûr en français.

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Aussi intéressant que ce soit, l’histoire de Pierre Joseph Landry est beaucoup plus complexe et passionnante que cela. Ses parents, Pierre Landry et Marie-Josephe Hébert, sont nés en Acadie vers 1740. Se connaissaient-ils ? Possiblement. Ce que l’on sait, c’est qu’à 15 ans environ, en 1755, les deux sont déportés de Grand Pré vers la Virginie où, en tant que réfugiés indésirables, ils seront refoulés, avec tant d’autres, vers l’Angleterre et internés comme prisonniers de guerre. En mai 1763,  200 exilés dont les familles de Pierre et Marie-Josephe sont « rapatriés » de Southhampton à Saint-Malo. (Peut-on parler de rapatriement quand les « rapatriés » n’ont jamais mis les pieds dans la patrie ?). Six ans plus tard, en 1769, se marient à Saint-Servan, près de Saint-Malo, Pierre et Marie-Josephe. Le 9 janvier 1770 naîtra un fils, Pierre Joseph, qui deviendra orphelin de père deux ans plus tard. Devant les dures réalités de la vie en France, le fils et la mère devaient rêver d’un retour en Acadie. L’occasion ne se présentera que 13 ans plus tard lorsque, à Paimboeuf, près de Nantes, ils monteront à bord d’un des sept navires engagés par l’Espagne et mis à la disposition de la France pour conduire les Acadiens vers une Nouvelle-Acadie, la Louisiane.

Deux livres extrêment fouillés témoignent des années de misère des Acadiens en France et de la préparation de cette traversée de l’Atlantique vers l’embouchure du Mississippi :

Jean-Français Mothot, Réfugiés acadiens en France, 1758-1785 (Québec : Éditions du Septentrion, 2009).

Christopher Hodson, The Acadian Diaspora : an Eighteenth-Centruy History (Oxford University Press, 2012).

Un autre analyse la stratégie et les résultats de la tentative de génocide mise en application par les Anglais à l’endroit des Acadiens :

John Mack Farragher, A Great and Noble Scheme : The Tragic Story of the Expulsion of the French Acadians from their North American Homeland (W.W. Norton & Company, 2006).

Celui de Carl Brasseaux, The Founding of New Acadia : The Beginnings of Acadian Life in Louisiana, 1765-1803 (Baton Rouge, LSU Press, 1987) documente l’arrivée de la famille de Pierre Joseph Landry et les 71 autres familles parties le 10 mai 1785 à bord du navire La Bergère jetant l’ancre à la Nouvelle-Orléans 84 jours plus tard, le 29 juillet et leur éventuelle installation en amont de la Ville, sur ce que l’on appellera la Côte des Acadiens, à proximité de l’actuelle Donaldsonville, dans les paroisses de Saint-Jacques, d’Assomption et d’Ascension où habitent encore de nos jours des ancêtres de Pierre Joseph Landry dont Madame Richard et son fils (dame en noir, jeune homme près du photographe),  descendants aux quatrième et cinquième générations de Pierre Louis, venus admirer l’œuvre artistique de leur aïeul décédé le 14 mars 1843 à Bayou Goula.

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Et voici quelques exemplaires de cette œuvre sculpturale tout en bois exposée ces jours-ci au Musée des Beaux-Arts de la Nouvelle-Orléans.

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Allégorie de la Louisiane et de son commerce

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La Sainte-famille

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Double portrait d’Andrew Jackson et Louis Phlippe, duc d’Orléans

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Allégorie des marins (mort de Napoléon I)

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Artiste observant la jeune indienne prendre son bain

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Parabole

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Roue de la vie (son œuvre la plus grande et la plus ambitieuse dépeignant les phases de la vie depuis la naissance jusqu’à la mort)

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Adam et Ève

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Caïn et Abel

À qui appartient Pierre Joseph Landry et son œuvre ? Au Musée, on s’en sert pour souligner le patriotisme de l’artiste et sa contribution à l’art américain. Il aurait été si facile de mentionner que l’exposition commémorait non seulement la Bataille de la Nouvelle-Orléans, mais également le 250e anniversaire de l’installation permanente des premiers réfugiés acadiens en Louisiane. Or, ce n’était pas là une raison suffisamment importante aux yeux des muséologues pour en faire un montage—ou peut-être ignoraient-ils tout simplement ce fait historique.

Pierre Joseph Landry pourrait être un personnage emblématique pour tous les Landry et—pourquoi pas ?—pour tous les Acadiens du monde, qu’ils se trouvent dans les Provinces maritimes du Canada, au Québec, en Louisiane, en France ou ailleurs. L’homme et son œuvre fournissent une preuve supplémentaire du courage, de la persévérance, de la résilience et de l’ingéniosité de ce peuple !