En juin 1961, à Orem, en Utah, deux jeunes hommes de 18 ans terminaient leurs cours secondaire. L’un était président de tous les étudiants de l’école (Orem High School). L’autre était président de sa classe, c’est-à-dire de la promotion de 1961. Le 5 février dernier (hier), ils se sont retrouvés 48 ans plus tard, au pub irlandais et à la sellerie Rula Bula, commerce situé sur l’avenue Mill, à Tempe, en Arizona, aux abords du campus de l’Arizona State University. Retournons dans le temps. Une fois leur cours universitaire terminé à Provo, les deux jeunes issus du même milieu culturel connurent des parcours passablement différents. Le premier devint agent du Federal Bureau of Investigation (FBI). Pendant vingt-cinq ans, Bryce Christensen poursuivait sa carrière de law enforcement officer à divers endroits aux États-Unis au sein de l’une des organisations judiciaires les plus connues, les mieux cotées et, peut-être, les plus controversées de la planète. Une deuxième carrière d’une durée de neuf ans l’a vu travailler à Salt Lake City dans l’équivalent mormon de la garde suisse pontificale. Ses fonctions l’ont emmené à voyager à travers le monde et à approfondir les cultures musulmanes. Aujourd’hui, Bryce et son épouse, Elizabeth, partagent leur temps entre la petite ville de Lyman, au Wyoming, État qu’ils ont apprivoisé et appris à aimer, et Maricopa, ville de villégiature située à proximité de Phoenix. Leurs cinq enfants sont parsemés à travers les États-Unis.
Le deuxième, votre humble serviteur, a choisi de s’installer à l’abri de la juridiction du FBI, lui préférant celle de la GRC et de la Sûreté du Québec!! Celui-ci devint professeur à l’université Laval et vous connaissez le reste de l’histoire.
Difficile à décrire ce que nous avons ressenti hier, Bryce et moi, en tombant dans les bras l’un de l’autre–oui. littéralement et sans honte aucune–en pleine rue de Tempe. Les liens d’amitié forgés lors de l’enfance et de l’adolescence sont comme une bonne chaîne, les maillons résistant à la patine du temps jusqu’au jour où elle peut de nouveau servir. J’en ai eu la preuve hier. Voilà, pour ce qui est des « grandes » retrouvailles.
Les « petites retrouvailles »? En octobre dernier, je racontais sur ce blogue mon passage à Phoenix comme conférencier. À cette occasion, j’avais promis à la professeure Hélène Ossipov que si je revenais ici en hiver, j’accepterais volontiers de passer une heure avec elle et ses étudiants afin de leur parler du Québec et de la Franco-Amérique. Promesse faite, promesse tenue. Hier, après avoir rencontré Bryce, je me suis rendu par beau temps au Durham Language and Literature Building rencontrer Mme Ossipov, une fervente du Québec qui le fréquente depuis une vingtaine d’années, et ses neuf étudiants.
J’ai commencé ma présentation–qui fut très informelle soit dit en passant–par une dédicace. Je l’ai dédiée à ce grand anthropologue des petites choses et mon collègue à Laval, Bernard Arcand, qui venait tout juste de s’éteindre. Cela nous a permis d’aborder plusieurs sujets: hiver, grâce à son livre Abolissons l’hiver; cinéma, par le biais de ses deux frères, Denys (directeur) et Gabriel (comédien) et littérature (Les Plouffe, création de Roger Lemelin dans laquelle Gabriel joue le rôle d’Ovide). Ensuite, je leur ai demandé pourquoi qu’il existait des organisations telles l’American Council for Québec Studies ou l’Association internationale d’études québécoises. Comment justifier cela alors qu’il n’existe pas d’American Association of Alberta Studies ou Ontario Studies et qu’il n’existe pas non plus d’Association internationale d’études virginiennes, l’État de Virginie comptant le même nombre d’habitants que le Québec? Plusieurs réponses ont surgi: sa différence, sa persistance, sa persévérance, sa détermination, son potentiel de redéfinir la carte politique de l’Amérique du Nord… Enfin, je leur ai dit : « à bien vous écouter, je dirais que le Québec, tel qu’il est, est un miracle ». Tous convenaient que j’avais raison et nous avons ensemble essayé d’expliquer ce « miracle », ce qui n’est pas évident en 30 minutes!
Ce qu’il faut retenir de ces petites retrouvailles, c’est que très loin du Québec, il y a un certain intérêt–je dirais même un intérêt certain–pour ce qui s’y passe. Une passion pour leur lieu d’origine existe chez les Québécois que j’ai rencontrés ici en octobre qui ont choisi de vivre ici en permanence ou en attendant le retour au pays. Sans pouvoir parler de passion chez les étudiants, il persiste néanmoins chez Ashley King de Phoenix (AZ), David Lowrimore de Dallas (TX), Elise Legge de Phoenix (AZ), Ashley Coogan de Baltimore (MD), Patrick Kunnemund de Phoenix (AZ), Brian McLoughlin de Herndon (VA), Meghan Wells de Kansas City (MO) et Jane Evans de Smithville (TN), tous inscrits au cours FRE-472, Franco-Canadian Civilization à ASU, une curiosité à toute épreuve.
En prenant congé d’Hélène et de ses étudiants, j’ai couru le long de l’avenue Collège afin de monter à bord du nouveau métro de surface qui dessert depuis le 28 janvier Phoenix et sa région (La Vallée du soleil). Après avoir évoqué en classe quelques minutes plus tôt les grandes entreprises multinationales québécoises telles que Softimage, CGI, Desjardins, Cirque du Soleil et Bombardier, j’avais hâte de voir si les rames du nouveau métro avaient été fabriquées à la Pocatière. Hélas, non. Il s’agit de technologie japonaise appliquée par la compagnie Kinkisharyo.