Le colloque du CEFCO

Le Centre d’études franco-canadiennes de l’Ouest fête ses 25 ans par la tenue de son 20e colloque. Le Centre universitaire de Saint-Boniface qui soutient et abrite le CEFCO accueillait donc ces jours-ci une cinquante de chercheurs de partout au pays, de France et des États-Unis. Les ateliers ont abordé des sujets très variés dont
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certains excessivement importants pour l’avenir des communautés francophones de l’Ouest : l’interculturel, l’immigration francophone et son impact, la création littéraire contemporaine en milieu minoritaire, le statut et la situation des Métis… Ici, il ne sera pas question de faire la synthèse de tous les ateliers dont la teneur et le contenu ont été remarquables. Les organisateurs du colloque s’engagent à produire, à plus ou moins brève échéance, les Actes du colloque.
La célébration a commencé par le spectacle La mémoire est une forme d’espoir, texte du dramaturge franco-manitobain, Marc Prescott. Il se voulait un témoignage à multiples composantes (théâtre, chanson, musique et poésie) de la francophonie dans l’Ouest canadien. La mise en scène a été signée Christian Perron. L’événement s’est passé dans le magnifique nouveau local des étudiants.
Au lendemain matin, plusieurs des artistes de la veille se sont regroupés autour de la table pour amorcer un débat sur la vie culturelle francophone dans l’Ouest. Animée par Louis St-Cyr, la table comprenait Marc Prescott, dramaturge du Manitoba; Danielle Hébert, auteure compositeure de la Colombie britannique; Michel Marchildon, auteur-interprète de la Saskatachewan; Irène Mahé, directrice artistique du Manitoba et Roger Léveillé, auteur du Manitoba.
D’entrée de jeu, Marc Prescott a affirmé que tout geste créatif naît d’une insatisfaction quelconque. Parfois, un artiste cherche à propager des ondes de choc. Prescott a bien réussi avec Bullshit et Sex, lies et les Franco-Manitobains, dans lesquels il emploie les trois niveaux de langue qui sont parlés ici. Actuellement, sa nouvelle pièce, Encore, est jouée au Cercle Molière de Saint-Boniface. Lorsque ce Franco-Manitobain suivait sa formation à Montréal, il avait l’impression d’être « un animal exotique ans un pet shop » et trouvait difficile de « parler français tout le temps ». Qu’est-ce qu’un auteur franco-manitobain? Pour Prescott, c’est assez simple : écrire en français et vivre au Manitoba.
D’origine québécoise, Danielle Hébert a trouvé « sa place » à Vancouver où elle habite depuis quatorze ans. Elle prépare son troisième album. Intitulé Aventure accidentelle, il est le résultat d’une tentative de la part de l’artiste d’élaborer une nouvelle mythologie et de créer son propre monde dans sa langue, car, dit-elle, « la langue est la couleur de notre âme ». Elle se plaint du fait que sur la côte ouest, l’art francophone tourne autour de symboles importés : cabane à sucre, chasse galerie, ceinture fléchée, etc. « Personne ne chante en français de la mer, des montagnes et des gros arbres ».
Michel Marchildon a rendu hommage à ses parents et à son milieu d’enfance, la région de Zénon Parc. « Si tu voulais fumer une cigarette ou parler anglais, tu faisais cela en dehors », dit-il. Il a tracé son parcours depuis Zénon Parc, à Gravelbourg (Collège Mathieu), à Ottawa (baccalauréat en journalisme à l’université d’Ottawa), à Québec (maîtrise en littérature à l’université Laval où il a étudié l’œuvre de Jean Ferron qui vivait et écrivait à Zénon Parc pour un public québécois), en Saskatchewan et, enfin à Montréal. Alor qu’il était encore dans la vingtaine, Marchildon, encore, a publié un recueil de poésie intitulé Fransaskroix. On saisit bien la nuance : être francophone dans l’Ouest, c’est vivre son martyre. Marchildon déplore la « provincialisation » des communautés francophones de l’Ouest. « Nous n’avons jamais reconnu ces frontières; nous avons intérêt à nous unir ».
Irène Mahé a répondu directement et simplement à la question posée : pourquoi créer, chanter, produire en français? « Parce que c’est ce que je suis! ». Elle a fait un plaidoyer en faveur des jeunes en implorant les leaders de multiplier le nombre d’activités pour les jeunes afin de « continuer le miracle ». Il faut avoir la volonté, selon Mahé, « d’oser, de risquer, de s’éclater…et de rêver.
Roger Léveillé, récipiendaire de plusieurs prix littéraires dont le Prix Champlain 2002, le Prix rue Deschambault 2002 et membre du Temple de la renommée de la culture au Manitoba, a commencé par faire deux aveux : (1) toujours écrire sur les rives du lac Manitoba; (2) son goût pour la peinture a sauvé son écriture. Bien que respectueux de l’œuvre de Gabrielle Roy, il s’inscrit en faux contre cette approche qui fait la promotion de la culture par en arrière (le passé) plutôt que par en avant (l’avenir). Tout en étant écrivain franco-manitobain, il se doit de chercher l’universel. Dit-il « J’écris ici, mais je n’écris pas l’Ici ». Pendant la période de questions qui portait surtout la façon d’assurer une relève face à l’engouement des jeunes pour la culture anglo-américaine, Léveillé a fait connaître dans la langue de l’autre l’une de ses préférences : The West is the best, forget the rest!
Un des moments forts du colloque fut l’inauguration des nouveaux locaux du CEFCO et le dévoilement de la plaque Robert-Painchaud. À peine quelques mois après la fondation du CEFCO en 1978, Robert Painchaud, historien et co-fondateur avec Annette Saint-Pierre,, a perdu la vie lors d’un écrasement d’avion à Terre-Neuve. L’œuvre de fondatrice, chercheure, éditrice et écrivaine de Mme Saint-Pierre fut soulignée plus d’une fois à ce colloque.
Le vendredi midi, les participants aux ateliers ont eu droit au visionnement du film de Laurence Véron. Tourné aux Productions Rivard, Le blé et le plume rend hommage aux travaux des Éditions du blé, à la communauté artistique franco-manitobaine et au Manitoba en général. Présente au visionnement de son film, Mme Véron a avoué que tout comme Danielle Hébert, elle, aussi, avait trouvé son chez elle dans l’Ouest.
Enfin, pour clore le colloque, une série d’activités spéciales :
Une visite au Musée de Saint-Boniface, situé dans l’ancien couvent des Sœurs grises, venues de Montréal en 1844. Celui-ci constitue le plus vieil édifice de Saint-Boniface.
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Une visite à la maison Gabrielle-Roy, rue Deschambault où se tenait en même temps le lancement d’un nouveau livre, Gabrielle Roy, aujourd’hui/Today
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Se rendant à pied du Musée à la Maison, nous avons arrêté devant le monument tant controversé de Louis Riel. Le monument et la sculpture ont d’abord été dévoilés sur un emplacement atténuant au Palais législatif dans le cadre des célébrations du centenaire du Manitoba en 1970. Cette œuvre de l’architecte Étienne Gaboury et du sculpteur Marcien Lemay présentent Riel sous les traits d’un homme asservi et supplié après s’être sacrifié pour ses
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principes et pour sa patrie. En 1991, des représentants de la communauté métisse et du gouvernement provincial ont annoncé conjointement que la statue serait remplacée par une statue s’accordant mieux à l’image de Louis Riel dans un rôle d’homme d’état. À la demande des étudiants du Collège universitaire de Saint-Boniface, le monument a été déménagé sur le campus afin rendre hommage à l’un des plus illustres diplômés du collège.
Puis, les activités de la semaine ont terminé comme elles ont commencé, en présence des artistes. Au Foyer du Centre culturel franco-manitobain, Danielle Hébert et Michel Marchildon ont eu le dernier mot…en chantant!