Cardston, Alberta : berceau de la religion mormone au Canada

Tout le monde a entendu parler de Salt Lake City, capitale mondiale des Mormons et siège social de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. À peu près personne n’a entendu parler de Cardston, petite ville du sud de l’Alberta, qu’un chercheur a traité, dans un ouvrage intitulé The Mormon Presence in Canada (Edmonton : University of Alberta Press, 1992), de « pépinière des Saints des Derniers Jours au Canada ». Fondé en 1887, dix-huit ans avant la création de la province de l’Alberta, par Charles Ora Card , provenant de Logan, en Utah, ce village, malgré sa faible population (3 475 habitants en 2001) est devenu un haut lieu de la culture mormone en Amérique. À partir de Lee Creek, devenu Cardston, d’autres villages et hameaux mormons se sont établis : Magrath (1 993 habitants en 2001), Raymond (3 200 habitants en 2001), Stirling (877 habitants en 2001), Glenwood (258 habitants en 2001), Hill Spring, Spring Coulee et d’autres encore.
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La région mormone au sud de l’Alberta doit son existence à la persécution des Saints des Derniers Jours en Utah par les autorités fédérales qui tentaient d’enrayer du territoire américain la pratique de polygamie. Espérant mieux faire respecter leur liberté religieuse sous le drapeau britannique, ces expatriés ont établi leur première colonie ici au pied des Rocheuses. Une dizaine d’années plus tard, devant la pression montante du gouvernement de Washington et les difficultés engendrées par sa pratique, le « mariage pluriel » a été officiellement abandonné par l’Église. Entre temps, les Saints au Canada, avaient fait œuvre de pionnier dans le domaine de l’irrigation, de la culture de la betterave à sucre et d’autres domaines agricoles. Il n’y a pas eu de retour massif vers les Etats-Unis.
Rien ne symbolise autant la permanence des Mormons sur le territoire canadien, à partir du début du 20e siècle, que le temple érigé à Cardston entre 1913 et 1923. Il constituait le premier édifice du genre à avoir été bâti à l’extérieur des Etats-Unis et le deuxième à l’extérieur de l’Utah. Ce temple domine ce premier établissement mormon au Canada. Il s’agit d’un bâtiment résolument moderne, d’importance historique et architecturale nationale. Son plan conçu par Pope et Burton de Salt Lake City, date de 1912, et sa composition géométrique en granit blanc emprunte des thèmes anciens et modernes, notamment, aux Mayas-Aztèques et à l’« école des prairies » de Frank Lloyd Wright. L’intérieur du temple est orné de boiseries, de murales et de mobilier d’une grande richesse. Restauré méticuleusement en 1991, ce bâtiment souligne le rôle prépondérant du temple dans la théologie des Saints des Derniers Jours.
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Ce rôle n’est pas à confondre avec celui des églises ou des chapelles, édifices plus petits et ubiquistes. Dans chacun des villages ou hameaux de la région, une, deux ou trois chapelles permettent aux fidèles de poursuivre les activités et observances quotidiennes d’une religion à la fois exigeante, pratique et conviviale. Sur la façade de toute église mormone se trouve l’écriteau : « Bienvenue aux visiteurs ».
L’ambiguïté identitaire des Saints des Derniers Jours qui habitent cette zone frontalière et dont les ancêtres sont venus des Etats-Unis se manifeste parfois par la double allégéance. À Magrath, le drapeau de chacun des deux pays flotte bien en évidence au-dessus d’une résidence. Depuis des générations, il existe une mouvance constante et soutenue entre les lieux et les institutions mormons en Utah et en Idaho et ceux du sud de l’Alberta.
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Aujourd’hui, la communauté mormone la plus importante au Canada est celle de Calgary, comptant environ 25 000 adeptes, la plupart d’entre eux de souche « cardstonnienne ». Le plus grand dépositaire de littérature mormone au Canada et, par conséquent, le plus grand diffuseur aussi de la culture populaire mormone (disques, livres, bibelots, souvenirs, etc.), le Cardston Book Shop, se trouve sur la rue principale de cette municipalité. Cette librairie a deux succursales à Calgary.
À l’entrée du petit hôtel de ville de Cardston, les édiles municipaux affichent fièrement la photo de chacun des anciens maires. Celui qui occupait ce poste de 1982 à 1984 s’appelait Laurier Vadenais. Qui était-il, ce « Français »? D’où venait-il? Pour le moment, le mystère reste entier.