L’homme de la Saskatchewan, histoire simple et simpliste, mais combien épatante

Il y a un quart de siècle, Jacques Poulin nous a séduits en publiant Volkswagen Blues. Avec son dernier né, L’homme de la Saskatchewan, il nous laisse pantois. On est habitué à mieux de Poulin. Le protagoniste de ces récits, Jack Waterman, vieillit mal. Par contre, La Grande Sauterelle reste toujours aussi jeune, ravissante et mystérieuse qu’en 1984. Entre temps, Poulin nous a fait connaître, dans Le Liseur (voir ma chronique du 8 mai 2009), Francis, Petite Sœur, Marine et Limoilou. Ces derniers reviennent tous dans ce nouveau récit, accompagnés de Gary Bettman, commissaire de la Ligue nationale de hockey et de son acolyte chauve à la barbe noire qui ressemble étrangement à Maurice « Mad Dog » Vachon. À cet éventail de personnages, plutôt loufoques, s’ajoute Isidore Dumont, gardien recrue du Grand Club (Le Canadien de Montréal) dont le grand oncle, Gabriel Dumont, héros métis, aurait pu, en 1885, diriger la victoire des Métis sur l’armée du Général Middleton à Batoche… si Riel avait bien voulu l’écouter!

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La question du français tient Isidore, né à Batoche, beaucoup à cœur. Il veut—comme tous les Québécois, comme tous les Franco-Canadiens sans doute—que le Grand Club soit composé principalement de joueurs francophones. Las d’avoir été traité de « frog » et d’avoir été obligé de toujours fonctionner en anglais (langue du hockey), Isidore se raconte à Jack, de manière très militante, sur des cassettes que le Grand Sauterelle lui apporte de Saskatchewan pour qu’il en fasse un livre reprochant à la Ligue nationale de hockey son manque de respect.

—Vous êtes combien de joueurs francophones? demanda Jack.

—Si vous parlez du Grand Club, on est seulement trois. En plus, nos partisans nous encouragent en anglais. Ils crient : « Go Habs Go! » Ça m’enrage! Est-ce qu’on n’est pas dans la plus grande ville française en Amérique du Nord?

—…dites-moi en deux mots ce que vous avez sur le cœur.

La réponse m’étonna par sa vigueur. Le gardien de but déclara que le hockey devait être aussi français à Montréal qu’il était anglais à Toronto où à Vancouver; que l’hymne national devait être chanté en français seulement; que la majorité des joueurs et des membres de la direction devaient être des francophones.

Or, Waterman, toujours obsédé par la rédaction de son grand roman sur l’odyssée des Français en Amérique qui n’avance pas s’en remet à Francis qui, quand il n’est pas en train de faire l’œil à la Grande Sauterelle, cette belle fille aux jambes si longues, qu’il voudrait au plus haut point emmener au lit, travaille à la rédaction de ce rapport incendiaire sur l’insensibilité de la Ligue nationale à l’endroit de l’une des langues officielles du Canada et de la seule langue officielle du Québec. D’où la présence de Gary et « Mad Dog » à Québec où ils enlèvent Jack et sillonnent le quartier Saint-Jean-Baptiste à la recherche du document honni, sans doute pour le dissimuler.

Malgré la simplicité du livre, il est d’une lecture fort agréable. Seulement 121 pages, il se lit en une soirée. Il tombe particulièrement bien dans le contexte d’un retour prochain des Nordiques à Québec et rappelle la belle époque où ces derniers s’enrobaient dans le drapeau bleu fleurdelisé du Québec pour affronter leurs éternels rivaux du Grand Club, tout de rouge vêtu.

En évoquant la bataille de Batoche et les paroles du Premier ministre du Canada de l’époque, sir John A. MacDonald, Poulin sert-il un avertissement sur l’éventuel retour d’une équipe à Québec qui pourrait déranger l’ordre établi de la Grande Ligue :

« Quand bien même tous les chiens du Québec japperaient ensemble, Riel sera pendu! »

À l’image de MacDonald, le petit malin et puissant Américain, Bettman, qui n’a pas réussi son pari d’établir notre sport national là où il ne pourra jamais être profitable, ne pourrait-il crier :

« Quand bien même tous les chiens du Québec japperaient ensemble, il n’y aura plus de hockey de la Ligue nationale à Québec! »

*

Et pauvre Francis :

J’avais compris une chose importante : la Grande Sauterelle m’aimait presque autant que je l’aimais, toutefois

c’était la route qu’elle aimait le plus.

La route et la liberté

One thought on “L’homme de la Saskatchewan, histoire simple et simpliste, mais combien épatante

  1. Simpliste, ce livre semble l’être. Dommage, je voulais me le procurer.
    J’ai de bons souvenirs de Volkswagen Blues.


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