Héros de la deuxième Guerre mondiale et président des Etats-Unis au plus chaud de la Guerre froide, Dwight D. Eisenhower a décrété, lors de son premier mandat, que le pays se dote d’un système autoroutier permettant aux forces armées du pays de se déplacer avec rapidité et efficacité. Identifiées par des chiffres impairs, du plus petit au plus gros, dans le sens de l’ouest à l’est et des chiffres impairs, du plus petit au plus gros, dans la direction du sud au nord, les autoroutes de cet énorme réseau relient les quatre coins des Etats-Unis. Joignant New York à San Francisco en passant par Chicago et le cœur du pays, le I-80 constitue l’un de ses liens les plus importants. Sur 650 km, de Reno, « la plus grande petite ville au monde », selon ses promoteurs, à Wendover à l’entrée de
l’Utah, il traverse également l’État du Nevada. Entre Reno et Wendover , seulement trois villes, toutes de petite taille : Winnemucca, chef lieu du comté de Humboldt, Battle Mountain, qui se veut la porte d’entrée à la cambrousse névadane, mais que le Washington Post a qualifié l’an dernier d’« aisselle de l’Amérique » (armpit of America) et Elko, dont le palais de justice aux allures ioniques rappelle une ville beaucoup plus imposante.
Le vide du Nevada est tel et le chemin qui le traverse si large et si droit que la limite de vitesse est la plus élevée du système autoroutier états-uniens (75 milles ou 120 km à l’heure). Ça roule…et parfois trop vite! De nombreuses croix fleuries plantées le long de l’autoroute (j’en ai compté neuf) témoignent, elles aussi, du caractère meurtrier de la route.
Le vent souffle sans cesse et l’armoise déracinée, roulante et volante (tumbleweeds) est partout. Le Nevada porte bien son sobriquet de « Sagebrush State ». Des scènes inoubliables saisissent le voyageur averti : une prison en plein désert et un panneau le long du chemin interdisant l’automobiliste de prendre des gens en autostop; une belle maison moderne isolée, loin de tout voisin arborant en ce temps de Noël crèche, chanteurs emmitouflés et rennes; deux tunnels percés en parallèle dans le roc enneigé.
Au Nevada, le joyau de I-80 est sans aucun doute Reno qui sert de terrain de jeux aux Californiens du nord (ceux du sud fréquentant davantage Las Vegas). Que ce soit à la périphérie de la ville, près de l’aéroport, ou au centre-ville, les casinos dominent le paysage urbain. Du campus paisible de l’université du Nevada, renommée pour son programme d’études et ses recherches en études basques, les étudiants aperçoivent la silhouette du centre-ville dont le contour est tracé par la toiture des casinos.
Études basques? Oui, des immigrants basques venus au Nevada travailler comme bergers dans l’immensité de ce pays vide. C’est le seul État, avec l’Idaho, où les Basques ont assumé un rôle aussi important dans la vie du pays. D’ailleurs, l’ancien Sénateur du Nevada, M. Paul Laxalt, ami personnel de Ronald Reagan et son fidèle allié politique, descend de ces immigrants basques.