Le soleil se lève sur Magnolia Beach, au Texas. Quarante véhicules récréatifs et grosses caravanes sont « cordés » sur 500 mètres, face à la mer. Sur ce nombre, 31 portent la plaque du « Je me souviens ». Il y en a trois de l’Ontario, deux de Washington, deux du Texas, un du Tennessee et un du Nouveau-Brunswick. Il s’agit d’une halte bien connue des gens du Nord qui fuient les rigueurs de l’hiver afin de séjourner dans le Sud, mais un Sud très différent de celui auquel on est habitué de penser, un Sud qui coûte beaucoup moins cher que celui de la Floride.
À 55 ans, Jacques a pris une retraite anticipée du service de transport de la ville de Montréal. Pendant 26 ans, il avait conduit le métro. Évadé du souterrain depuis cinq ans, il adore les grands espaces et l’air frais. Lui et sa conjointe habitent l’année longue leur Winnebago et évitent comme la peste la Floride où, selon lui, « les gens ne te parlent pas à moins de voir une signe de piastre dans le front… ». Jacques est ici depuis un mois à prendre du soleil et à pêcher, mais la plupart sont là pour quelques jours seulement, le temps de se ravitailler et de se reposer quelques jours de plus en attendant que la neige fonde davantage chez eux. Et pourquoi pas? Le comté de Calhoun met gratuitement à la disposition des passants ce front de mer aux plages propres et à la brise éternelle.
La vaste majorité des gens rencontrés à Magnolia Beach ont passé l’hiver dans l’extrême sud de l’État de l’étoile solitaire (Lone Star State), s’établissant le long de la Rio Grande, entre Brownsville et Roma. Les toponymes tels que Mission, Weslaco, Harlingen et McAllen pourront bientôt faire autant partie de la carte mentale des Québécois que Hollywood, Dania et Hallandale. Plusieurs autres voyageurs, comme ce couple de Rouyn-Noranda qui avait séjourné en motorisé au centre-ville de Puerto-Vallarte, et le gars de Saint-Hubert qui avait perdu ses freins près de Monterrey, lors du retour d’Acapulco, ont tenté l’expérience mexicaine. Ce dernier profite de ce répit à Magnolia
pour démonter et remonter les roues de son motorisé en fonction du sprint final vers Montréal. Accroupi à vérifier ses freins, il peut regarder à la fois sa canne à pêche avec laquelle il a « poigné » hier un sand shark (oui, véritable petit requin au goût merveilleux, il paraît) et des gros pétroliers qui passent régulièrement. En terre étrangère, des Québécois se retrouvent sans se connaître. La vie sociale se déroule comme toujours en milieu populaire québécois, les hommes à table à jouer aux cartes et à discuter, les femmes assises entre elles à jaser et à gesticuler!!
Les voyageurs canadiens d’aujourd’hui ne se déplacent plus comme ceux d’antan. Leurs gros canots sont chargés de manière à assurer sur la route tout le confort de la maison. Puisque ces canots ne peuvent pas aller partout, les voyageurs doivent souvent avoir recours à une petite embarcation pour faire le portage entre la grande route et la petite route, entre le terrain de camping et l’épicerie, entre le motorisé et le lieu historique
Si les Acadiens étaient aussi nombreux que les Québécois, peut-être seraient-ils sur la route en aussi grand nombre. Donald et Denise de Moncton fréquentent depuis sept hivers la région de McAllen. Cueilleur de pamplemousses et guitariste à ses heures, Donald aime l’endroit pour son coût de la vie relativement peu élevé, mais aussi pour son côté populaire, convivial et accommodant. En présence d’amis—surtout américains—faits aux cours des hivers, ces Acadiens participent à tous les soirs—ou presque–aux « jams » de musique country-western.. Donald et Denise espèrent se rendre à la fabuleuse Texan Reunion qui regroupera cet été en Illinois des hivernants de la vallée de la Rio Grande. Les amis d’hiver y deviendront des amis d’été.