Baie Georgienne : Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons

Aujourd’hui, lorsque l’on passe de Montréal à Midland, en Ontario, en à peine huit heures, il est facile d’oublier qu’au XVIIe siècle Étienne Brûlé, Samuel de Champlain, les Récollets et les Jésuites mettaient des semaines et des semaines à se rendre depuis la Nouvelle-France aux habitations Wendat de la baie Géorgienne. Dans des canots lourdement chargés, ils remontaient la rivière des Outaouais, surmontaient les rapides des rivières Mattawa et des Français avant de franchir le lac Nipissing et les chenaux de la baie Georgienne, saupoudrés d’îles pour enfin arriver à destination, 1 200 km plus tard.
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En fait, le poste de Sainte-Marie, fondé par les Jésuites en 1639, dans le but d’évangéliser les Wendat (Hurons), fut le premier grand établissement français du territoire qui forme aujourd’hui l’Ontario. Autochtones et Européens, en contact quotidien pendant toute une décennie, furent profondément marqués les uns par les autres. La dévastation de la Huronie par la maladie et par la guerre a incité les Jésuites, au cours de l’hiver de 1648 à 1649 à abandonner et à brûler Sainte-Marie. Ils se sont d’abord réfugiés, avec quelques fidèles Wendat, au large, sur une petite île (aujourd’hui connu par le nom de Christian Island), avant de repartir l’année suivante vers Québec par voie d’eau.
Étant donné que j’habite la paroisse des Saints-Martyrs-Canadiens à Québec et que quatre de mes enfants ont fréquenté l’école secondaire portant le nom de l’un de ces martyrs, Charles Garnier, je me devais de passer une journée à cet endroit afin de m’imprégner de son sens et de son histoire, car l’endroit offre autant au pèlerin en quête de spiritualité qu’à l’amateur d’histoire.
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Pour le pèlerin, une visite au sanctuaire des Saints Martyrs s’impose :
« Et voilà que demeure aujourd’hui le sanctuaire des martyrs canadiens, un symbole d’espoir et de foi, un symbole du triomphe de la croix ».
Ces paroles prononcées par le Pape Jean-Paul II lors de sa visite ici le 15 septembre 1984 lui a valu son effigie en bois, sculptée d’un pin blanc de la région ayant 400 ans. L’auteur, Thomas Penny de la ville d’Orillia, en Ontario.
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lui donna 11 pieds de hauts et quatre pieds de diamètre. Pesant 3 000 livres, la sculpture est située au cœur d’un vaste jardin parsemé d’innombrables statues et monuments de diverses provenances– du traditionnel au moderne, du classique au byzantin. Il s’agit donc d’un sanctuaire dynamique, vivant, en pleine évolution…reposant et agréable.
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L’amateur d’histoire n’a qu’à traverser la route 12 pour accéder à l’immense terrain du Lieu historique national du Canada Cartier-Brébeuf. Il s’agit de la reconstitution d’une brève tranche de l’histoire canadienne, celle décrite ci haut (1639-1649).
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Autant par l’authenticité des structures qui ont été aménagées pour rappeler le plus vraisemblablement possible l’histoire de la rencontre entre Européens et Autochtones que par les prestations de jeunes étudiants engagés l’été, et habillés en costumes d’époque aux fins d’interprétation, le visiteur oublie le présent en replongeant dans le passé.
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En cette journée pluvieuse, j’ai terminé ma visite par une longue conversation avec Marilyn, Ojibway originaire de la réserve de Christian Island. Elle prétend bien connaître l’actuel chef de la nation Wendat, Max Gros-Louis qui, bon an mal an, revient à la baie Georgienne renouer avec la terre de ces ancêtres dispersés et disparus.
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Marilyn m’a fait savoir qu’il n’y avait plus depuis longtemps d’Hurons près du lac Huron, autour de la baie Georgienne. Les plus ardents Catholiques, nouvellement convertis, seraient partis à Québec avec leurs maîtres de pensée, les Jésuites. Beaucoup d’entre eux auraient subi le sort de tant d’autres Amérindiens au contact avec l’Homme blanc : maladie, épidémie et mort. D’autres encore, vaincus et captifs par leurs adversaires iroquois, se seraient assimilés à cette nation. Devant, une réalité aussi sinistre et brutale, les derniers vestiges de ce peuple auraient pris la fuite vers le Sud, jusqu’en Oklahoma, Wendat devenant, selon Marilyn, Wyandotte. Est-ce possible ?