Découverte surprenante au cimetière Mont-Hermon, un inuksuk

Selon l’entrée du 3 juin dans ce carnet, un cimetière peut cacher bien des surprises. J’en ai encore eu la preuve aujourd’hui en me rendant au cimetière Mont-Hermon à Sillery, lieu qui recèle l’histoire des Anglais de Québec à partir de 1848.

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En fait, c’est au printemps de cette année que des hommes d’affaires, des marchands et des constructeurs de navires de foi protestante et de langue anglaise convoquent une assemblée publique pour discuter de la possibilité d’aménager, en milieu rural, un cimetière pour recevoir le trop-plein de celui de la ville, situé sur la rue Saint-Jean, autour de l’église St. Mathew’s (aujourd’hui bibliothèque municipale). À l’aide de John Gilmour, la Quebec Protestant Cemetery Association fut créée. Sous la présidence de George O’Kill Stuart, l’association réussit rapidement à amasser les fonds nécessaires à l’achat du terrain. L’année suivante le nom d’une montagne biblique située à la frontière du Liban et de la Syrie dont une partie du versant méridional se trouve aujourd’hui sous contrôle israélien est choisi: Mount Hermon Cemetery.

Louis-Jacques Dorais, ami de longue date and professeur d’anthropologie à l’université Laval, m’a servi de guide pour découvrir aux marges des secteurs Y et Z (coin sud-ouest) de ce vaste espace vert aux arbres bicentenaires le monument érigé en 2003 à la douce mémoire des Inuit inhumés ici entre 1948 et 1975. Il s’agit d’un simple inuksuk, visible aussi de la côte de l’Église si le passant sait où fixer le regard. On estime à une trentaine le nombre d’Inuit décédés à Québec lors un séjour à l’hôpital Laval pour recevoir des soins—le plus souvent pour la tuberculose. À partir de la signature de la convention de la Baie James en 1975, la situation a changé. Le Conseil régional de la santé et des services sociaux formé à l’époque, auquel participaient les Inuit eux-mêmes, exigeait dorénavant le rapatriement de ceux et celles décédés dans les hôpitaux du Sud.

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À quelques mètres seulement de l’inuksuk se trouve la pierre tombale de Meetook, maman bien aimée de Mossee Lewis. De cette pierre, on peut déduire que Meetook venait peut-être de l’ïle de Baffin, de Davis Inlet ou d’ailleurs. Chose certaine, elle n’était pas du nord du Québec. Comment savoir? C’est que devant la difficulté d’épeler le nom des gens du Grand-Nord, le gouvernement fédéral créa un système de nommer qui attribuait tout simplement à chaque Inuit un chiffre identitaire et un code alphanumérique correspondant à sa région d’origine. Pour le nord québécois, deux provenances étaient possibles, les régions E-8 et E-9. Lors des rencontres entre représentants du gouvernement et Inuit, ces derniers devaient porter un collier arborant chiffre et code, ce que l’on appelle communément dans le langage des forces armées en temps de guerre un « dog tag ».

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L’accès au monument Inuit se fait mieux par le Parc des voiliers, où il y a une entrée piétonnière, et non par le Chemin Saint-Louis. En fait, cette parcelle faisait autrefois partie du cimetière, mais en 1964, l’Association du cimetière Mont-Hermon en a fait don à la ville de Sillery. Pour moi, ce tout petit parc a une signification disproportionnée à sa superficie. À tous les deux ans environ, entre 1972 et 1990, l’année de la mort de ma mère, mes parents venaient à Québec nous rendre visite. Jacasseuse ma mère, elle se frustrait vite à Québec en raison de la barrière linguistique. Habituée à parler à tous et à chacun, elle était parfois convaincue qu’il y avait ici une conspiration contre elle. Rien de mieux pour la calmer qu’une promenade du Chemin Gomin (chez nous) au Parc des voiliers. « C’mon, Bert, let’s take a walk », disait-elle à mon père en lui prenant par la main. Seuls, assis sur ce banc faisant face au fleuve, ils regardaient passer pendant de longs moments le trafic fluvial tout en admirant le paysage et la silhouette de la ville de Québec.

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Roule, Xavier, roule! L’histoire d’un garçon qui aime sa mère

En novembre 2008, muni d’un laissez-passer Discovery de la compagnie Greyhound, Xavier Gauthier partit de chez lui à Gatineau faire le tour des États-Unis en autobus. Deux mois plus tard, à Vancouver, il choisit de passer l’hiver sur la côte du Pacifique. Après cinq mois, le jeune homme décide de quitter son emploi, d’acheter une bécane hybride d’occasion à 70$ et de rentrer au Québec. Le 4 juin, il enfourche son vélo et entame un périple de 4 410 km.

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Nos chemins se croisèrent le dimanche 19 juillet à la baie de la Vieille femme, près de Wawa, sur le littoral oriental du lac Supérieur, à 120 km au nord de Sault-Sainte-Marie. Il lui restait 920 km à faire en 10 jours afin d’arriver chez lui le 29 juillet pour fêter les 50 ans de sa mère.

Xavier, quand tu liras ces lignes, écris-moi un commentaire pour confirmer que tu as réalisé ton exploit et que ta mère t’aime encore!


« Éden » : Lebret, Vallée de la Qu’Appelle, Saskatchewan

La pancarte annonce bien les lieux! La monotonie des plaines verdoyantes cède enfin devant une rupture dans le paysage, la vallée de la Qu’Appelle, entrecoupée de quatre lacs et d’une rivière, et au cœur de cette vallée, le village de Lebret, population 206.

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À 40 km à l’est de Régina, légèrement à l’écart de la route transcanadienne se trouve Lebret, fondée en 1865 par Monseigneur Taché comme Mission de Qu’appelle. L’année suivante, la première chapelle fut érigée par Père Ritchot. Le premier prêtre résident, Père Jules Decorby arriva en 1868, restant jusqu’en 1880. C’est cette année-là qu’arriva le père Joseph Hugonard (1848-1917), missionnaire des Indiens et des Métis du Nord-ouest, originaire de Colombe (Izère), en France, pour y établir la première école pour autochtones. Le village actuel porte le nom du premier maître de poste, Louis Lebret, lui aussi prêtre.

Avec sa belle église du Sacré-Cœur et son impressionnant chemin de la croix qui monte le coteau, l’endroit conserve, malgré l’anglicisation, le cachet de ses origines catholique, française et métisse.

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Au cimetière, rares sont les patronymes de langue anglaise. Tout aussi rares les épitaphes et écriteaux de langue française.

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Hill Spring, AB: retrouvailles et retentissements

Le 4 juin1965, un mariage à Salt Lake City entre Dean Louder et Billie Kase. À ma droite, le garçon d’honneur, Clint Butler, originaire de Hill Spring, petit bled situé sur la lisière d’un piedmont des Montagnes rocheuses, à 100 km au sud-ouest de Lethbridge, en Alberta.

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Clint et moi nous étions connus en France, en 1962. L’expérience que nous y avons vécue pendant trente mois a transformé la vie de l’un et de l’autre. Des souvenirs impérissables se créèrent et des liens fraternels se forgèrent. De la situation de frères que nous étions devenus aux années soixante, il ne restait plus grande chose une vingtaine d’années plus tard. Nous nous étions perdu de vue. La rupture semblait complète.

Un certain dimanche matin du mois de juin 2009, à la recherche des traces de mon « frère », je me suis rendu à l’église mormone de Hill Spring à attendre que l’un des fidèles sorte afin de prendre des renseignements sur la famille Butler. On m’apprend qu’il n’y a plus de Butler dans le coin, que Monsieur Asael et Mme Effie sont morts et enterrés à Cardston depuis belle lurette, que l’aîné de la famille pourrait peut-être se trouver au village avoisinant, Glenwood. Quinze minutes plus tard, même scénario. À la porte de l’église de Glenwood, on m’apprend que Lavere n’habite plus ici, qu’à sa retraite il a déménagé à Lethbridge. Par contre, son fils et son petit-fils font encore partie de la paroisse et se trouvent fort probablement à l’intérieur de l’église. Mon interlocuteur ira voir et reviendra quelques minutes plus tard, une jolie jeune dame sur le bras. C’est l’épouse du petit-fils. Bien qu’elle ait entendu parler de ce grand oncle que je cherche, elle n’en sait rien. Grand-papa Lavere saurait, me dit-elle, en m’offrant son numéro de téléphone.

Quelques heures plus tard, un coup de fil chez Lavere s’avère infructueux. Il me renvoie à sa sœur, LaPriel, aussi résidente de Lethbridge qui, avant de retrouver dans un fond de tiroir un ancien numéro de téléphone de leur frère, me suggère de prendre contact avec un autre frère, Sylvan, en Idaho, qui aurait certes des nouvelles du cadet de la famille. J’aurai vite fait le tour de la famille!

Avec le numéro fourni par LaPriel, j’arrive à joindre un répondeur à Fort Wayne, en Indiana, et reconnaît la voix de mon compère d’autrefois. Quelques jours plus tard, alors que je revenais au chalet du Parc provincial Writing-on-Stone, le cellulaire sonne. C’est lui, Clint! Que de bonheur de se retrouver après tant d’années, de découvrir des causes de la rupture et de pouvoir y remédier en se promettant de rester en contact.

Ce travail de détective donna lieu à une découverte retentissante : le Great Canadian Barn Dance. En fait, à tous les soirs de l’été, sauf le dimanche, et à certaines occasions au cours de l’année, à Hill Spring, Lloyd, Larry, Trevor et toute la grande famille Kunkel reçoivent le public à dîner et à danser dans leur grange. À 18h pile, Lloyd prononce la bénédicité et les gens se servent. Au menu: rosbif, poulet, pommes de terre au four, petits pois et carottes, salade au chou, fèves au lard, petit pain…à volonté. L’assiette n’est pas assez grande! À boire : café, thé glacé, limonade, eau…pas de bière, pas de vin. Pendant le repas, Lloyd ou Trevor intervient pour inviter leurs convives à retourner se servir. Après le service à table d’un délicieux dessert aux cerises à crème fouettée, la famille Kunkel, jeunes et moins jeunes, interprètent quelques chansons country. Plusieurs « volontaires » de la salle se joignent aux musiciens pour battre le rythme et faire de la percussion.

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Mon assiette

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À 19h15, le repas fini, ceux qui le veulent montent au deuxième étage de l’immense grange pour y suivre pendant 45 minutes des leçons de danse. On met l’emphase sur le 2-step et la danse en ligne. À 20h, les nouveaux apprentis et les danseurs expérimentés peuvent mettre à exécution leurs habilités : 2-step, polka, valse, sets carrés, danse en ligne.

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Ceux qui n’ont pas le pied dansant peuvent se promener sur le magnifique terrain vallonné ou profiter d’un attelage pour faire le tour du lac en hayride.

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Au téléphone, mon vieux copain, Clint, m’avait dit ne pas être retourné dans son patelin depuis le décès de sa mère il y a une quinzaine d’années. Fiouf! Cette campagne bucolique, ce paysage virginal, ces gens chaleureux doivent sûrement lui manquer!


Du theâtre d’été à Cardston, AB

Les fidèles lecteurs de ce blogue se rappelleront le billet écrit en octobre 2003 sur Cardston Petit village fondé en 1887 par les Mormons polygames en fuite de la justice américaine, ce village de quelques 3 000 habitants, offre du théâtre digne de Broadway! Quatre, cinq ou six fois par semaine, pour la vingtième année consécutive, du 30 juin au 22 août, dans la vieille salle de cinéma Palace/Mayfair, transformée en 1992 en Carriage House Théatre, 12 jeunes artistes locaux présentent des comédies musicales de haute gamme.

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Maison du fondateur Charles Ora Card.

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Cette année au programme, trois pièces présentées en alternance. D’abord, celle rendue célèbre en 1952 par Gene Kelly, Donald O’Conner et Debbie Reynolds, Singin’ in the Rain. Ensuite, le spectacle produit pour Broadway en 1984 sur la vie et l’œuvre de la compositrice pop américaine, Ellie Greenwich, Leader of the Pack. Enfin, une pièce forte originale sur un thème biblique, l’arche de Noé. En plus de divertir, cette comédie musicale des années 1990, intitulée simplement The Ark, porte un message moral puissant mettant en évidence les rapports intergénérationnels au sein de la famille, que ce soit celle d’aujourd’hui ou d’autrefois.

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J’ai adoré la musique retro de Leader of the Pack et m’émerveillais devant l’énergie dépensée par les jeunes danseurs et musiciens, mais comparée à L’Arche, cette pièce manquait de finesse et de savoir-faire et ne laissera pas de trace indélébile dans le souvenir.

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À un moment critique de leur histoire, Jean Chrétien a rassuré les Québécois que les Rocheuses leur appartenaient ! Ils continuent à y aller en grand nombre, mais surtout vers les parcs nationaux bien connus comme Banff et Jasper, vers le pittoresque lac Louise et vers l’horrible West Edmonton Mall. Qu’ils découvrent que collés sur la frontière avec le Montana, à l’extrême sud de l’Alberta, existent un autre parc national montagneux (Waterton Lakes) et au pied de ces montagnes, une belle région dont la culture est unique et dont la vie culturelle rivalise avec celle des grands centres.

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