Après la visite au Musée du comté de Matagorda à Bay City, je tenais à voir le plan d’eau qui est la baie de Matagorda. J’y suis arrivé en suivant la rivière Colorado dont le paysage et le style architectural des maisons rappellent drôlement celles des bayous Lafourche et Terrebonne en Louisiane.
Au bout de la route 60, à 50 mètres de la baie et du vieux quai qui tombe en désuétude, j’ai garé ma Safari à côté d’un vieux campeur de couleur orange. Le propriétaire en est Mike Papineau de Honey Creek, Iowa. Son histoire est
fascinante. Il sait, par exemple, que l’ancêtre qu’il recherche depuis 30 ans n’est pas Louis-Joseph Papineau. Tout comme celui-ci, cependant, l’ancêtre de Mike a dû fuir le Bas Canada au moment des « troubles » de 1837. Il a amené avec lui en Nouvelle-Angleterre son fils, Adolphe, dont Mike est l’arrière-arrière-petit-fils. Par le biais de ses recherches généalogiques, cet homme qui ne parle pas français, mais qui demeure Canadien français de cœur et de physionomie , sait qu’Adolphe s’est rendu à Fond du Lac au Wisconsin car en 1857 un premier enfant est né au couple qu’il constitue avec Henriette Landry. Un deuxième suivra en 1859, Georges, arrière grand-père de Mike, et un troisième deux ans plus tard. Adolphe et Henriette se sont déplacés du sud du Wisconsin au nord, finissant leurs jours à Oconto, près de la frontière du Michigan.
Selon Mike, pour connaître l’identité de ce « cousin fuyard» de Louis-Joseph Papineau qui a fondé une nouvelle lignée des Papineau aux « States », il faudrait trouver l’un ou l’autre des deux documents suivants : (1) le baptistaire d’Adolphe, né en 1834; (2) le certificat de mariage d’Adolphe et Henriette. Pour l’instant le mystère persiste. Ceux qui pourraient aider Mike Papineau à résoudre son énigme sont instamment priés de prendre contact avec lui : cavefolk@hotmail.com.
Mike lui-même suit dans la tradition d’errance des Canadiens français. Né à Chicago de famille ayant des racines au Nebraska où elle a bénéficié, au XIXe siècle, du Homestead Act (octroi de terres gratuites), Mike est retourné faire carrière dans l’hôtellerie à Omaha. Depuis sa retraite, il sillonne le continent : l’hiver en campeur orange aux endroits plutôt méridionaux (Louisiane, Texas, Mexique), le printemps en Iowa et l’été près de Sioux Lookout, dans le nord-ouest de l’Ontario. Sandi, sa conjointe, se passionne aussi du voyage et de la généalogie. Elle a des racines « françaises » également, mais d’un tout autre ordre : des Grivel venus au Nebraska au début du dernier siècle en compagnie de plusieurs autres famille du Val d’Aoste, enclave francophone du nord de l’Italie.
Mike et Sandi, deux grands voyageurs devant l’Éternel et généalogistes invétérés cherchent ardemment les secrets de leurs passés respectives.
Category Archives: 2003 – Premier voyage
L’odyssée de Cavelier de la Salle au Texas
Sur les rives de la baie Matagorda, au Texas, se lève une statue à la mémoire de Robert-René Cavelier sieur de la Salle.
Au Texas? Pourquoi une statue du découvreur du Mississippi dans cet énorme État américain, autrefois république (1836-1848) et auparavant territoire mexicain (Tejas)?
Tous connaissent l’épopée héroïque de celui qui, à la suite d’une descente du grand fleuve à partir de Lachine en passant par le Saint-Laurent et les Grands lacs, a réclamé en 1682, au nom du roi Louis XIV, plus que le tiers tu territoire des États-Unis actuels, d’où le nom « Louisiane ». Peu nombreux sont ceux qui connaissent la triste fin du héros qui, en 1684 accepta un nouveau défi de son roi, celui d’établir une colonie permanente à l’embouchure du Mississippi. En juillet, accompagné de 300 personnes à bord de quatre navires : L’Aimable, La belle, Le joly et Le Saint-François, il lève l’ancre. Avant la fin de l’année, en plein Caraïbe le Saint-François est saisi par des pirates. L’incident nécessite un ressourcement d’une durée de deux mois à Saint-Domingue. Enfin, en février 1685, trois navires essaient d’accoster non pas à la destination recherchée. Non, ils l’avaient manquée. C’est à 800 km plus à l’ouest, dans la baie de Matagorda, qu’ils essaient d’atteindre la terre ferme. Deux des trois navires réussissent. L’Aimable, cependant, touche au fond et cale. Ayant perdu une partie importante des provisions en vue de coloniser le territoire, les matelots se découragent. Plus de 100 d’entre eux remontent à bord du Joly et regagnent la France.
La Salle et son contingent, maintenant réduit à 180, réussissent à ériger le Fort Saint-Louis, mais ne s’entendront pas avec les Karankawa, peuple autochtone de la côte.. Le seul navire leur restant, La Belle, fait
naufrage lors d’une tempête. Pour sauver la situation, La Salle propose de partir avec 50 hommes chercher du renfort en remontant vers le centre du continent par voie terrestre. À 200 kilomètres du Fort Saint-Louis, près de l’actuelle ville de Navasota, ses hommes se révoltent et assassinent leur leader. Apprenant la mort de celui-ci, les Karankawa profitent de la situation et achèvent ceux qui restent au Fort Saint-Louis, déjà affaiblis par la faim et la maladie.
En 1995, le navire La Belle fut retrouvé dans les eaux boueuses de la baie de Matagorda. Grâce à la technologie moderne et au coût de 1,5 millions de dollars, le petit navire est remonté à la surface pour être étudié par des spécialistes de la Commission historique du Texas. Des milliers d’artefacts cachés depuis trois siècles dont un canon en laiton, des assiettes en étain et un pot en argile sont aujourd’hui exposés au Musée du comté de Matagorda. Dans le cadre du projet The La Salle Odyssey, ce musée situé dans la ville de Bay City se concerte avec six autres musées de la région pour interpréter cette dimension passionnante de l’histoire du Texas et de l’Amérique française.
R&R à Cypress, TX
Même si son nom figure sur la carte routière du Texas, Cypress n’est pas un lieu. Il s’agit plutôt d’un espace, d’une vaste zone non municipalisée en plein développement sauvage. Il se trouve au nord-ouest de la métropole du Texas, Houston, à proximité du troisième boulevard périphérique, à une trentaine de minutes de l’aéroport intercontinental George Bush. C’est ici qu’habite ma nièce, Laurie Seil, avec son mari, Karl, et leurs jumelles, Ashley et Allison, 17 ans, dans une grande maison située sur dix acres qu’ils ont baptisé affectueusement le Lone Cypress
Ranch à cause de l’unique cyprès qui pousse sur leur terrain. Allison et moi avons découvert des affinités. Depuis son voyage en Europe en 1999, elle est passionnée du français. Elle collectionne musique, affiches et livres. Son père avait essayé de la convaincre de la plus grande utilité de l’espagnol. C’était mal connaître sa fille; son idée était faite!
À la suite de sa chute violente subie trois jours auparavant à Fort Stockton et de 111 jours sur la route qui l’ont vu parcourir 19 841 km, et avant le retour au Québec par avion, le voyageur que je suis avait besoin de ce que l’armée américaine attribue à ses combattants fatigués, du R&R (rest and relaxation/repos et détente). Il n’aurait pas pu trouver un meilleur endroit pour reprendre ses esprits avant de céder la clé de sa Safari à sa nièce qui gardera le
précieux véhicule sans sa « grange » en attendant le retour de son oncle à la fin du mois de mars. Au retour du grand oncle, il est plus que certain qu’Allison se verra enrichie de nouveaux objets dans sa collection. Le voyageur lui a également promis une petite rencontre-causerie avec Mme Stevenson et les élèves de son cours de français au Tomball High School.
Gâcher la fin de son voyage à Fort Stockton, TX
Hé que le Texas est vaste! Le voyageur y entre à El Paso. Il se pointe vers Houston, 1 400 km plus loin. De l’espace, il y en a dans l’Ouest du Texas et peu de villes : Van Horn, Fort Stockton, Junction avant d’enfin commencer à voir de la verdure et un peuplement plus soutenu en montant sur le plateau Edwards qui marque le début du « hill country ».
Le Texas est découpé en 250 comtés, chacun ayant son chef-lieu pour gérer les affaires du comté à partir du courthouse (palais de justice). Ces édifices, souvent d’architecture classique, dorique ou ionique, cadrent mal dans ce paysage plat, clairsemé et, à l’occasion, sauvage. Notons par exemple, celui de Fort Stockton, qui domine une
rue principale rendue désuète par une urbanisation qui s’organise et s’oriente aujourd’hui autour de l’autoroute qui contourne le bourg. À quelques pas du palais de justice se trouvent deux autres œuvres architecturales tout aussi impressionnantes, l’ancienne banque, transformée en poste de police et l’ancien hôtel Annie Riggs, transformé, lui, en musée historique. L’église Saint-Joseph témoigne d’une présence hispanique à Fort Stockton—une présence d’ailleurs de plus en plus visible et audible dans le sud-ouest des Etats-Unis.
Fort Stockton est une ville de 7 000 habitants portant le nom de Robert Field Stockton (1795-1860), capitaine ayant gagné la Californie pour les Etats-Unis. Le fort autour duquel, la petite agglomération s’est formée, fut établi en 1859 dans le but de surveiller les voies de communication et, surtout, d’assurer le passage du courrier entre San Antonio et San Diego. La ville de Stockton en Californie porte aussi son nom.
Pour explorer son noyau historique et culturel, j’ai enfourché mon vélo. Je regretterais. Après avoir visité les lieux et assisté à la messe en espagnol, je roulais joyeusement dans la rue Gonzalez, au son des coqs qui chantaient dans les basses-cours. Tout à coup, un gros chien brun est sorti de nulle part. Encouragé par les jappements d’une autre bête encore plus grosse, mais en laisse heureusement, la brute a foncé sur moi. Réflexe de freiner au lieu d’accélérer. Erreur monumentale! Le vélo s’est arrêté brusquement, mais pas son passager qui est passé par-dessus du guidon, s’écrasant non délicatement sur le pavé. Il avait fait trop beau ce matin-là pour porter le casque ! Autre erreur! Coupure à la tête, lunettes brisées, bras, genoux et côtes « maganés ». Pensant sûrement que sa victime en avait déjà assez eu, le chien a battu en retraite!
Neuf jours plus tard à Québec, mal en point, le voyageur s’est fait examiner par un médecin: bras droite cassé!
Lake Havasu City, AZ et le pont de Londres
Examinons le tableau suivant :
Population de Lake Havasu City
Date Nombre habitants
1er janvier 1964 0
1er juillet 2003 60 000
1er février 2004 110 000
1er juillet 2004 (est.) 60 000
Au Québec, on connaît des villes développées au milieu du siècle dernier, les villes comme Fermont, Gagnon, Schefferville et Arvida, toutes des villes qui ont vu le jour et pris leur essor en fonction de l’exploitation ou de la transformation du minerai—des villes minières ou industrielles.
Lake Havasu City est née en 1964 d’un autre concept et le tableau ci-dessus dit tout. Robert P. McColloch, père, fondateur, et son planificateur en chef, C.V. Wood, fils, ont envisagé la création d’une ville sur les berges du Colorado, transformé pour les fins de la cause en petit lac. Elle serait basée sur l’exploitation du beau temps, du tourisme et de la villégiature.
Une fois le lac en place et une île artificielle de 6 kilomètres de circonférence bien aménagée, il fallait trouver un pont pour relier l’île à la terre ferme. McColloch et Wood en ont trouvé un à vendre à Londres, et pas n’importe lequel, il s’agissait bien du pont de Londres qu’ils ont acheté au prix de 2 400 000$. Pour 4 500 000 $ de plus, ils l’ont fait déménager et reconstruire au lac Havasu. Pour que le pont soit bien à sa place, ils ont aussi fait construire à droite en traversant, un English Village et à gauche, le London Bridge Resort et marina.
Plusieurs lieux de séjour et de vacances, comme le Islander, devant lequel flottent deux drapeaux, et un énorme terrain de camping, le Crazy Horse, comptant un millier emplacements pour véhicules récréatifs, accueillent surtout des gens du troisième âge, rassemblés de partout en Amérique, comme, par exemple, Arthur et Bernadette LeBlanc, de Chéticamp, en Nouvelle-Écosse, venus pour la sixième année de suite, en motorisé remorquant la petite voiture, afin de passer quatre mois sous le soleil du Sud-Ouest. Les LeBlanc, tout heureux de parler français dans
ce milieu hispano-anglais, ont une histoire intéressante. Vers 1967, ils ont quitté l’île-du-Cap-Breton pour que Art trouve du travail à Toronto. Ils y ont passé trente ans de leur vie et y ont élevé leurs deux filles qui habitent aujourd’hui Sudbury. Une fois « retirés » en 1998, comme me l’a expliqué Bernadette, ils sont rentrés de leur exil, mais l’hiver à Margaree Harbour, près de Chéticamp n’est guère plus intéressant qu’à Havre Saint-Pierre. C’est préférable, disent-ils, de s’en éloigner. À mesure que les années passent cependant, ils trouvent la distance entre la Nouvelle-Écosse et l’Arizona de plus en plus grande et il sera question au retour cette année de vendre leur Challenger et ses accessoires.
Possédant une réserve de l’autre côté du lac, en Californie, les Chemeheuvi (première nation) ont appris à tirer profit de la nouvelle ville, surtout l’hiver, quand sa population double. Un bateau,Le Dreamcatcher ,part du quai du « village anglais » à toutes heures, transportant gratuitement des joueurs et joueuses au casino de Havasu Landing, chez les Chemeheuvi.
Contrairement à Fermont, Schefferville, Gagnon et, qui sait, peut-être même Arvida, Lake Havasu City ne sera jamais « fermée ». Non, tout au contraire, d’autres rêveurs, comme McColloch, conçoivent de nouvelles villes similaires qui s’implanteront, dans les années à venir, en amont et en aval de celle-ci. Ce qui fait son charme—et ce voyageur l’a trouvée charmante—est la vulgarité et l’absurdité. Le mélange de cultures, de paysages, de climats qui n’ont rien à voir les uns avec les autres frise le ridicule. Il existe ici une hybridité à faire rêver le plus ardent des post-modernistes. Par contre, le charme est également attribuable à des valeurs plus traditionnelles véhiculées par des gens détendus, heureux, loquaces.