L’univers de Dave Robicheaux : Nouvelle-Ibérie, LA

Contrairement à tous les autres États des États-Unis qui sont découpés en comtés, la Louisiane, de par sa tradition française, est divisée en soixante-quatre paroisses. L’une des plus extraordinaires de point de vue de l’histoire, de la géographie et de la littérature contemporaine, est la paroisse d’Ibérie, avec son chef lieu, la Nouvelle-Ibérie.
Historiquement, cette ville de 32 000 habitants, fondée en plein milieu du régime espagnol (1779), partage les trois cultures française, hispanique et anglo-américaine. Géographiquement, sa forme curieuse lui donne accès à plusieurs bayous et au vaste marécage de l’Achafalaya. Toutefois, comme à Saint-Martinville et à Pont-Breaux, c’est encore le bayou Têche qui est à l’origine de sa raison d’être. Lieu de passage et destination des gens en provenance de la Nouvelle-Orléans à l’époque du bateau à vapeur, la Nouvelle-Ibérie est encore de nos jours un lieu de passage important pour le commerce. Les barges chargées de cargo, poussées et conduites par un bateau-remorque, montent et descendent le Têche.
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Cette fois-ci, ce qui m’a attiré à la Nouvelle-Ibérie est l’œuvre littéraire de James Lee Burke que (http://www.jamesleeburke.com/). Considéré aux États-Unis comme le « Faulkner du roman policier », Burke a créé le personnage de Dave Robicheaux, vétéran de la guerre au Vietnam, shérif, pêcheur et trappeur à ses heures. Tout en s’occupant de sa fille adoptive, Alafair, orpheline depuis la mort tragique de sa mère, Robicheaux, le plus souvent secondé par son ami, Cletus Purcell, détective privé, combat les forces maléfiques et criminelles qui se déferlent sur le sud de la Louisiane—depuis la Nouvelle-Orléans jusqu’à dans les profondeurs des bayous des paroisses d’Ibérie et de Saint-Martin.
Les activités de justicier de Robicheaux l’emmènent à l’occasion au Palais de justice de la Nouvelle-Ibérie. Le creux dans son estomac l’emmène très souvent chez Victor, cafétéria populaire située sur sa rue principale.
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L’œuvre riche et abondante de James Lee Burke est incontournable pour qui aime le genre « roman policier » et pour quiconque désire savourer, par la lecture, les couleurs, mœurs, goûts et odeurs du Têche moderne. Je dirais même que l’œuvre de Burke devient incontournable pour ceux et celles qui s’intéressent à la Franco-Amérique parce que l’auteur réussit, à son insu probablement, à faire un lien entre la Louisiane française, d’une part, et le Montana métis et amérindien, d’autre part. En partageant son temps entre la Nouvelle-Ibérie, sa résidence principale, et Missoula, au Montana, sa résidence secondaire, Burke s’imprègne de la culture des deux endroits. Il capte l’esprit des lieux et montre en quoi ce qui les caractérise est à la fois particulier et universel.


Un retour sur le disc golf au Parc Girard, Lafayette, LA

Le 30 novembre 2003, j’ai rencontré John Botamer et j’ai découvert le disc golf. Depuis, je n’ai plus entendu parler de ce sport. Aujourd’hui, au Parc Girard, au cœur de Lafayette, après avoir observé les petits enfants se balancer et glisser ou nourrir les nombreux canards, les ados jouer aux fléchettes, les plus vieux jouer au croquet et les Afro-Américains, surtout, jouer au basket, j’en ai eu une leçon. Elle m’a été servie par James Troyanowski, 22 ans et détenteur de plusieurs records dans sa discipline (voir www.acadianaparkdiscgolf.com/). L’objet qui nous sépare dans la photo n’est pas une poubelle. Non, il s’agit bel et bien du « trou » dans lequel le joueur cherche à lancer son disque. Comme tout bon golfeur, James, qui joue au disc golf depuis 11 ans, est capable de l’envoyer
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dedans en moins de « coups » que la normale établie par les dessinateurs du parcours. Sans le moindre effort, il peut, avec son « driver », lancer son disque jusqu’à 135 mètres. Pour les lancers plus courts, il change de disque. Il avoue ne jouait qu’avec trois ou quatre disques lors d’un match, tandis que ses adversaires peuvent en employer jusqu’une quinzaine.
James est aussi l’un des rares Louisianais de son âge à faire du vélo. Chez lui, dans la vieille maison ayant appartenu à son grand-père, remplie d’instruments de musique, de CD, d’un vieux tourne-disque, d’une vielle radio, d’une ancienne distributrice de Coca-Cola, d’un ordinateur portatif et de quelques chats se trouvent attachés au plafond, comme des chandeliers, une demi-douzaine de vélos, tous en excellent état. Bon mécanicien, James les
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entretient lui-même et s’en sert régulièrement. Combien de fois, me suis-je fait dire ici et au Texas que la bicyclette est un jouet pour enfants? À 15 ou 16 ans, une fois son permis de conduire obtenu, on ne pédale plus, on « drive »! Et cela paraît dans le paysage de ce pays plat. Point de pistes cyclables et peu d’accotements suffisamment larges pour permettre aux cyclistes de circuler en sécurité.
Devant un tel spécimen aux allures libérales, car c’est une personne très écolo-granola dans son approche à la vie et un jeune possédant, de toute évidence, une conscience sociale bien développée et un perron peint en couleurs psychédéliques, j’étais convaincu d’être tombé sur un disciple des Kennedy, un admirateur du Flower Power, un adepte du Peace & Love.
Je me suis royalement trompé! À ma question « Pour qui as-tu voté en novembre dernier? », il m’a fièrement répondu, « pour Président Bush bien sûr. Je compte un jour avoir beaucoup d’argent et j’aime bien les réductions d’impôt qu’il nous offre! »
Ouf!
Dans un autre coin du Parc Girard, je suis arrivé face à face avec un vieil ami ou était-ce plutôt un ennemi, James Domengeaux, président et fondateur en 1968 du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL).
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En 1978, habitant temporairement la Nouvelle-Orléans, j’ai eu l’audace de critiquer le CODOFIL de ne pas faire grand-chose pour appuyer les milliers de francophones qui demeuraient sur la rive ouest (droite) du Mississippi à Gretna, à Harvey, à Marrero et surtout à Westwego.. La critique n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Monsieur Domengeaux m’avait déjà rencontré lors de mon passage à Lafayette et n’appréciait guerre qu’un outsider dise de telles choses. Piqué au vif, il a tout de suite passé aux actes, organisant à Westwego une soirée CODOFIL à laquelle furent conviés de nombreux gens d’affaires cadiens de la rive droite dont Elwyn Nicholson, propriétaire de la chaîne d’épiceries Nicholson & Loup. Celui-ci m’avait souvent présenté à ses clients francophones. Ce soir-là, il m’avait invité à l’accompagner.
La soirée tirait à sa fin. Les gens avaient bien mangé et bien bu. La salle se vidait. Fier d’avoir un ami du Canada qui parlait français et qui appuyait le Mouvement français en Louisiane, Elwyn m’a conduit auprès du chef. « Jimmy, dit-il en anglais, j’aimerais te présenter mon ami du Canada, Dean ». Passant les yeux d’Elwyn à moi à Elwyn, il rétorqua—toujours en anglais—« Ça c’est un ami à toi? Tu pourrais faire mieux. Lui, c’est un enfant de chienne! »
Elwyn est resté bouche bée. Moi itou! James Domengeaux a quitté en trombe la salle enfumée. Jusqu’au aujourd’hui, nous ne nous étions plus jamais rencontrés :
PEACE, Jimmy!


De l’enfer au paradis : Angola et St. Francisville, LA

À plus d’un titre, Angola est un cul-de-sac! Entourée sur trois côtés par le Mississippi, elle se trouve au bout de la route 66. Cette prison à sécurité maximale loge 5 200 hommes. Soixante-trois pourcent d’entre eux y mourront. Quatre-vingt-douze d’entre eux sont condamnés à mort et attendent leur exécution près de l’entrée de la prison dans un imposant édifice baptisé simplement « Death Row » . Chaque détenu à Angola qui décède et dont le corps
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n’est pas réclamé par la famille ou des amis—et il y en a beaucoup selon le directeur adjoint de la prison que nous avons rencontré au musée—se verra conduire au cimetière d’Angola dans un cercueil en bois, à bord d’un corbillard tiré par des chevaux, les deux de fabrication carcérale.
Depuis sa transformation en prison à la fin du 19e siècle jusqu’aux années 1970, la « ferme », sobriquet qui lui est attribué parce qu’autrefois une plantation de 18 000 acres travaillée par des esclaves d’origine angolaise et parce qu’encore travaillé de nos jours par des détenus rémunérés selon un taux horaire de quatre sous, a eu la réputation d’institution carcérale la plus violente et la plus sanguinaire des États-Unis. Soixante-dix-sept pourcent des « fermiers » sont Afro-Américains. Trente-neuf pourcent des « fermiers » vient de la Ville (Nouvelle-Orléans). Leur moyenne d’âge de 37 ans est plus élevée que la moyenne nationale de la population incarcérée. La vaste majorité d’entre eux sont des récidivistes, incapables, selon l’adjoint au Directeur, de fonctionner en dehors des murs couronnés de fils à rasoir. Tous habitent des cellules grandes comme un timbre de poste, meublé le plus modestement possible! Avant d’être mis au rancart en 1991, quatre-vingt-sept condamnés à mort avaient poussé leur dernier soupir assis dans une chaise électrique portant le non de « Old Sparky ». Depuis 1991, la chaise électrique est remplacée par une technique d’exécution « plus humaine » : la piqure létale.
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D’ailleurs, une version de l’exécution à Angola en 1989 de Patrick Sonnier (Sean Penn), appuyé spirituellement et moralement par Sœur Helen Préjean (Susan Sarandon), porte-parole américaine contre la peine de mort, fut filmée à Angola et portée au grand écran en 1995 sous le titre Dead Man Walking. Plusieurs autres films hollywoodiens à succès rappellent la notoriété de la prison d’Angola : Out of Sight, mettant en vedette George Clooney (1998), The Green Mile avec Tom Hanks (1999) et Monster’s Ball avec Halle Berry (2001).
À trente kilomètres de l’Enfer se trouve le Paradis : St. Francisville avec ses chênes massifs et majestueux, ses belles églises, son cimetière mystérieux et son palais de justice classique. Située sur une légère butte dominant le
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Mississippi, cette petite ville de 1 800 habitants, fondée en 1785 sous le régime espagnole, sert largement de village-dortoir à une classe aisée et professionnelle se déplaçant à la capitale, Bâton Rouge, pour le travail. En grand nombre, les autres habitants prennent le traversier pour occuper des postes au central nucléaire, situé sur la rive droite à New Roads ou, comme disent les Cadiens, « les Chemins neufs ». En traversant le Mississippi entre St. Francisville et New Roads, le voyageur entre dans la paroisse de la Pointe coupée, en marge orientale de l’Acadiana. Ce triangle territorial, désigné ainsi en 1971 à des fins touristiques, comprend environ le tiers du
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territoire de l’État de la Louisiane. Aujourd’hui, le terme est entré dans le langage de tous les jours. Il s’agit d’une façon élégante de dire dans les deux langues officielles de Louisiane ce qui se disait autrefois en une seule langue : Cajun Country.


Le streetcar de l’avenue Saint-Charles, Nouvelles-Orléans, LA

Des streetcars rendus célèbres par le film, A Street Car Named Desire, tourné en 1951 et mettant en vedette un jeune Marlon Brando, il n’en reste qu’un, celui de l’avenue Saint-Charles (7101). Ces trente-quatre magnifiques voitures, fabriquées en 1919 en Caroline du Nord, continuent à transporter des Orléaniens et des touristes sur une distance de quinze kilomètres, depuis la rue Canal—aux abords du Vieux-Carré—à l’avenue
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Carrollton—au-delà du Garden District, de l’université Tulane et du parc Audubon, vaste espace vert, aménagé en 1884 à l’occasion de l’Exposition mondiale du coton. Il s’agissait, en fait, d’un événement charnière dans l’histoire culturelle et économique des États-Unis, car il signalait au monde entier un retour à la normale de cette ville située à l’embouchure du Mississippi. Après de longues années d’occupation par les Forces du Nord, pendant la Guerre civile, et de reconstitution de ses propres forces vives, après la guerre, la Nouvelle-Orléans pouvait de nouveau s’afficher « open for business ».
À peine une semaine après le dernier défilé du Mardi gras 2005, les passagers et un conducteur attentif peuvent encore observer des vestiges de la grande célébration. Ce jour-là, des millions de fêtards se massaient le long de l’avenue Saint-Charles pour crier, chanter et attraper des colliers colorés lancés par milliers des mains de personnages déguisés et animés se faisant parader à abord d’innombrables chars allégoriques.
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Si je devais faire une seule suggestion aux visiteurs de la Nouvelle-Orléans, ce serait de payer le tarif de 1,25$, en monnaie exacte, et de faire un voyage aller-retour sur le parcours du streetcar de l’Avenue Saint-Charles.