«Nous devons être des indignés linguistiques!» a évoqué mardi le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, à l’ouverture du premier forum mondial de la langue française, en présence de deux hommes qui ont le don d’indigner les Québécois.
Évidemment, il s’agit des deux Premiers ministres, celui du Québec, Jean Charest, et celui du Canada, Stephen Harper, les deux se devant absolument d’intervenir pour ne rien dire, et, dans le cas de Harper, de le dire, en partie en anglais.
Dans les rues de Québec, je faisais partie des « indignés » du Mouvement Québec (Montréal) français qui rassemblait des quatre coins de la Province des gens inquiets de l’érosion progressive et rapide du français sur le territoire québécois et dégoûtés de l’inaction de leur gouvernement à appliquer tous les articles de la Loi 101.
Avant de débuter la marche qui nous conduirait de la Basse-ville à la Haute-ville, en scandant des slogans, j’ai subi l’indignation d’un journaliste de Radio-Canada qui a quasiment enfoncé son micro dans ma gueule dans le but de me poser une question : « pourquoi marchez-vous ? ». Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir qu’il ne pouvait prononcer correctement mon nom et de se rendre compte que j’étais anglophone !!
Mais un anglophone qui participe à une manif en faveur du maintien et de la promotion du français, cela ne se peut pas ! Comment lui dire en 15 seconds que si j’avais choisi il y a 40 ans de quitter mon pays d’origine—le rouleau compresseur états-unien—pour faire ma vie au Québec, c’est parce qu’on y parlait français, parce qu’on pouvait y vivre autrement, parce on semblait y avoir un projet de société généreux et inclusif. Comment lui dire en 15 seconds que, comme Louis Pasteur, j’avais choisi en tant que chercheur de publier mes travaux en français et que cela m’avait à l’occasion mérité un certain ridicule de la part de mes collègues aux États-Unis et au Canada ?
Comment lui dire en 15 seconds que si « la tendance se maintenait », comme dirait Bernard Derome, le Québec pourrait perdre la bataille et glisser dans le camp de l’Anglo-America. Comment lui dire en 15 seconds que marcher avec les autres indignés nous donnait de l’espoir, nous rendait fiers ?
Nos chants, nos cris ont été entendus ! Devant, le Centre des congrès, à l’ombre de l’Assemblée nationale, M. Abdou Diouf, à quelques minutes de son discours d’ouverture et à quelques heures seulement de son départ surprise sur Paris à cause d’une « impérieuse nécessité » et pour des « raisons personnelles », vint nous saluer !
Pour clore cette journée mémorable, je me suis rendu à la Chapelle du Musée de l’Amérique française faire la connaissance d’Alexandre Belliard et entendre chanter cette nouvelle voix du mouvement souverainiste. Né en 1976, l’année de l’accession au pouvoir de René Lévesque et de son équipe, le jeune auteur-compositeur montréalais porte en lui la flamme de l’histoire de ce pays. Son plus récent album « Légendes d’un peuple » célèbre le vécu des franco d’Amérique, de la Nouvelle-France à nos jours.
Par ses propres compositions, Alexandre rappelle des personnages et des événements marquants de l’histoire du Québec. Par le chant, il dépense le cours d’histoire et de géographie qu’il n’a jamais eu à l’école Secondaire : la bataille de Saint-Denis, Pierre Lemoyne d’Iberville, Marie-Rollet, Louis-Hector Callières, Louis-Joseph Papineau, la Grande paix de Montréal… Faisant appel aux grands auteurs disparus (Louis Fréchette, Français-Xavier Garneau…) et vivants (Joséphine Bacon, Gilles Vigneault…), il fait vibrer la corde nationaliste.
S’étant limité au Québec sur ce premier album, Alexandre compte, lors de la préparation du deuxième, déborder ses frontières pour chanter d’autres personnages emblématiques de la Franco-Amérique, ainsi que d’autres événements : Gabriel Dumont, Pascal Poirier, Wilfrid Beaulieu, la Crise scolaire de l’Ontario, la Rébellion de la rivière Rouge, Batoche….alouette!