Le resto Spirale vaut bien la Binerie, la restauration populaire à Montréal

La Binerie Mont-Royal fut rendue célèbre par l’auteur québécois Yves Beauchemin qui en fit le théâtre de son roman Le Matou, publié en 1981. Si je le pouvais, je ferais de même pour le restaurant Spirale, situé au coin des rues Bellevois et Amiens, loin du chic Plateau de Mont-Royal. En fait, il s’agit d’un quartier ouvrier bordant la zone industrielle qui domine Montréal-Nord à l’est du Boulevard Pie IX.

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Ici, de 4h30 à 14h les jours de la semaine viennent nombreux des gens affamés pour goûter aux « délices » d’un menu du jour varié et variable préparé avec amour par Mme Thérèse, propriétaire et unique serveuse et caissière. Dans la cuisine, deux employés vaquent efficacement à leurs tâches de cuisson et de distribution à la fois pour la clientèle sur place, pour celle qui vient chercher et pour celle qui se fait livrer.

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L’histoire de Mme Thérèse ressemble à celle de tant d’autres Québécois des régions venus faire fortune dans la Métropole. Madelinote, elle quitte ses îles en 1986 s’établir à Montréal avec sa fille qui y est déjà aux études. Ce n’est qu’une quinzaine d’années plus tard, après avoir « travaillé pour les autres » qu’elle réussit à ouvrir son entreprise et à développer sa clientèle « régulière ». À l’heure du « rush », la plupart des 30 places assises à table et au comptoir sont prises. L’ambiance est à la fête. Les gens se connaissent et se lancent des salutations, des sarcasmes et des sottises.

« Ici, c’est très familial », dit Thérèse. Oui, ça paraît. Elle a envie de nous parler, de mieux connaître ses nouveaux clients de Québec, mais elle n’a pas le temps. « Désolé, ‘scuse-moé, dit-elle, on n’a pas pu cacasser, la prochaine fois ».

Oui, définitivement, chère Thérèse, il y aura une prochaine fois, mais pas pendant les vacances estivaux quand tu fermeras les portes afin de retourner à Havre-aux-Maisons voir ta maman de 90 ans qui se porte encore bien!


Josette LeMire, témoin vivant de la diaspora québécoise

Josette LeMire s’est mariée il y a 44 ans avec Brent Nay, un de mes amis d’enfance.

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Brent Nay, 17 ans

Le couple habite Pleasant View, en Utah, dans une grande maison sur une petite parcelle de terre où, en plus de cultiver des pêches, de la vigne et un potager, ils ont élevé leurs sept enfants.

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Brent et Josette aujourd’hui

C’est au conventum des 9 et 10 septembre derniers, alors que nous célébrions les 50 ans de la promotion de 1961, que j’ai fait la connaissance de Josette. Tout de suite, en apprenant son prénom—et surtout son nom—je savais que nous avions des atomes crochus. Le Québec est la mère patrie de Josette LeMire Nay. Il s’agit d’une arrière-petite-fille de la Mauricie dont les racines sont à la fois canadienne (LeMire, Dufresne, Rivard, Blondin…surtout de la rive nord) et acadienne (Comeau, de Saint-Grégoire-de-Nicolet).

Ce serait le grand-père de Josette, Élie LeMire, charpentier, né en 1861, qui aurait décidé de tenter sa chance aux États-Unis, probablement autour de 1880, car il s’est marié en 1884 à Marie Josephine Philamine LaBore (Labord ?) à White Bear Lake, au Minnesota, à proximité du village de Little Canada, les deux endroits situés aujourd’hui en banlieue de Saint-Paul, capitale de l’État et autrefois centre névralgique de l’activité commerciale pour les Métis et Canadiens de l’Ouest.

Avant de mourir en 1922, Eli (transformation de son nom d’origine), avec Philamine, eut neuf enfants dont le sixième, Joseph Charles, né en 1896 et père de Josette, née en 1946 à Seattle, à la suite d’un séjour de son père en Alaska, et avant le retour en 1948 au Minnesota. Pour Joseph Charles, 50 ans, il s’agissait de la seule enfant de son deuxième mariage, les deux ayant été des mariages exogames, l’un avec une femme d’origine ethnique allemande et l’autre suédoise.

Josette se souvient d’avoir, jeune fille, entendu des bribes de conversation en français entre son père, déjà assez âgé, et ses copains canadiens de White Bear Lake et de Little Canada, mais le français ne se parlait pas à la maison, avec le résultat que la fille à Joseph Charles ne l’a appris que sur le tard à l’université, en Utah, où elle a rencontré Brent. Étudiante universitaire, elle avait passé un trimestre à Grenoble dans le but d’apprivoiser cette langue fuyante.

Bien qu’elle le voudrait, Josette n’a jamais mis les pieds au Québec. « Un jour », dit-elle. En attendant, nous essayons de l’encourager en l’alimentant en photos et en paroles. Par exemple, ces quelques images de la cathédrale de Trois-Rivières et de la paroisse de l’Immaculée conception, lieu privilégié des baptêmes et mariages des ancêtres à Josette Lemire Nay, autre témoin de la diaspora québécoise en Amérique !

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Pour qu’elle apprécie à sa juste valeur son héritage franco, j’ai dû lui expliquer au téléphone ce matin la différence entre « French Canadian » et « Acadian » et lui révéler l’existence au Québec de collectivités acadiennes établies à l’époque de la Déportation de 1755 dont elle n’avait jamais entendu parler—des endroits tels que Saint-Grégoire-de-Nicolet, Saint-Jacques-de-l’Achigan, Natashquan, Bonvaventure et les Îles-de-la-Madeleine….pour ne nommer que ceux-là.


La toponymie française en Amérique du Nord

L’examen des toponymes français en Amérique du Nord, au nombre de plus de 5 000, permet de retrouver les traces des Franco d’Amérique et de constater la dimension continentale de la civilisation canadienne-française/québécoise. Ils sont associés à cinq grands mouvements ou cinq époques marquant l’aventure franco en Amérique :

1.     Découvreurs et explorateurs : Verazzano, Cartier, Champlain, La Salle, La Verendrye, Jolliet, Marquette…

2.     Traiteurs, trappeurs, coureurs de bois : Trudeau, Faribeault, Bottineau, Charbonneau, Tabeau, Trudeau, Larocque…

3.     Missionnaires : Taché, Provencher, Langevin, Ritchot, Morice, Lacombe…

4.     Officiers militaires : frères Le Moyne (d’Iberville et de Bienville), soldats démissionnaires de Napoléon en Louisiane…

5.     Gens du peuple répondant à l’appel du clergé et du continent : colons (agriculteurs), mineurs, travailleurs du textile, etc…. dont le nombre est trop important pour en élaborer.

Le 24 juillet sur les ondes de Radio-Canada, à l’émission « Chemins de travers », j’ai eu l’occasion d’en discuter avec l’animateur bien connu et très apprécié, l’anthropologue Serge Bouchard.

La conversation au complet inter coupée de musique de la Franco-Amérique est disponible sur le site de Radio-Canada :

(www.radio-canada.ca/emissions/les_chemins_de_travers/2010-2011/)

Bonne écoute.


3e Forum des jeunes ambassadeurs de la Francophonie des Amériques

Au collège Ahuntsic se tenait du 17 au 27 juin la troisième édition de cette activité organisée par le Centre de la Francophonie des Amériques. Après y avoir activement participé comme conférencier l’an dernier à Moncton, je n’y ai passé qu’une demi-journée cette année. Une petite saucette pour tâter le pouls et faire connaissance avec les 49 participants dont la répartition se présente comme suit :

Canada : 23 (Québec, 3; Ontario, 4; Manitoba, 1; Saskatchewan, 2; Alberta, 2; Colombie-britannique, 2; Nouveau-Brunswick, 4; Nouvelle-Écosse, 2; Terre-neuve et Labrador, 1; Île du-Prince-Édouard, 1; Territoires du Nord-Ouest, 1)

États-Unis : 8 (Louisiane, 5; Maine, 2; New York, 1)

Caraïbes : 7 (Cuba, 2; Guadeloupe, 1; Haïti, 2; République dominicaine, 1; Sainte-Lucie, 1)

Saint-Pierre et Miquelon : 1

Amérique du Sud et centrale : 10 (Argentine, 1; Bolivie, 1; Chili, 1; Colombie, 2; Équateur, 2; Guatemala, 1; Mexique, 1; Venezuela, 1)

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Étant donné, le peu de ma participation au Forum cette année, je laisserai à d’autres le soin de commenter le déroulement et le contenu des délibérations, Jean-Benoît Nadeau en l’occurrence. Sur le site du Centre de la Francophonie des Amériques, celui-ci a assuré une couverture quotidienne de l’événement (www.francophoniedesameriques.com/).

Le matin du 21 juin, j’ai pu écouter une conférence magistrale prononcée par Louise Beaudoin sur la diversité de la Francophonie. Rien sur les enjeux Canada/Québec—ou si peu. Rien sur les raisons des gestes qu’elle et ses collègues péquistes avaient posés ces derniers jours! Cependant, sa réputation l’avait précédée et aussitôt la période de questions ouverte, une première interrogation sur ce qu’elle pensait de l’ « indépendance » du Québec. Sa réponse a ouvert la porte à une virulente réplique de la part de Mme Marie-France Kenny, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, et observatrice au Forum, qui exprimait le point de vue de la plupart des jeunes ambassadeurs issus des milieux minoritaires canadiens.

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De cette chicane éternelle entre le Québec et le hors Québec, les participants d’ailleurs se sentaient exclus et y comprenaient peu, leur réalité étant tout autre. Jean-Benoît Nadeau l’a bien résumé dans sa chronique du 25 juin :

Or, le français n’a pas la même place et ne joue pas le même rôle que l’on vive en Amérique latine, dans un Département d’outre-mer, au Québec ou dans une communauté minoritaire. La culture de la langue est donc totalement diverse. Par exemple, les Latinos-Américains ont, pour la plupart, une culture très française de la langue, qui est pour eux une identité ultérieure dépourvue de charge politique.

Dans les DOMs et Haïti, c’est le contraire : le français est la langue supérieure, pour ne pas dire conquérante, et c’est elle qui écrase les langues locales – amérindiennes ou créoles.

Dans les autres provinces canadiennes, en Nouvelle-Angleterre et en Louisiane, c’est le français langue maternelle qui se fait écraser par l’anglais. Pour eux, le rôle de la France et du Québec est équivoque, pour ne pas dire ambigu. Enfin, il y a le Québec, qui a sa propre histoire de la langue, et qui vit la situation paradoxale d’être majoritaire et menacé. Ses politiques et ses attitudes en découlent.

Nadeau conclut et j’abonde dans le même sens :

Je crois donc que le Forum gagnerait beaucoup de temps, au premier jour, à offrir une série de quatre conférences (d’une heure) sur la réalité de chacun de ses blocs – en mettant l’accent sur l’histoire, les institutions et la sociologie. Il existe diverses formules à envisager.

J’espère que les jeunes ambassadeurs réunis au Collège Ahuntsic pendant les dix jours qu’ont durés le Forum ont eu l’occasion d’examiner et de contempler la grande fresque montée en 2004 par les Cégepiens pour commémorer les 400 ans de présence française en Amérique. Située à trois pas de la salle d’assemblée et adjacent à la cafétéria, la fresque aborde trois grands thèmes : conquête, résistance et modernité :

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Chemins qui se croisent de nouveau à Ticonderoga, NY

Le 18 janvier dernier, je décrivais dans cette chronique la rencontre à St. George, UT avec les Johnson du Wisconsin:

En février 2010, Kathi a pris sa retraite. John l’a suivie le 15 mai. Le 17 mai, ces Johnson de Dorchester, au Wisconsin, ont enjambé leur vélo tandem pour amorcer une randonnée de 3 600 km, de chez eux à Anacortes, sur l’estuaire Puget, dans l’État de Washington. Parcourant en moyenne 100 km par jour, ils ont réalisé, avec quelques arrêts par çi par là, leur objectif en 47 jours.

A pareille époque en 2011, le couple a entamé un périple dans le sens contraire. Quittant leur demeure le 20 mai, ils envisageaient atteindre Bar Harbor, ME avant le 1er juillet. Suivant quotidiennement cette aventure sur leur blogue, (http://www.pedalingthemidwest.blogspot.com/), j’ai décidé d’aller de nouveau à leur rencontre, cette fois-ci à Ticonderoga, NY, lieu historique sur les rives du lac Champlain. C’était le trentième jour de leur « balade ».

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Je leur ai offert de me rendre à Bar Harbor pour filmer l’arrivée, mais ils ont poliment refusé, préférant savourer et célébrer, seuls, leur réussite. Un couple merveilleux, John et Kathi, dont le rêve est sur le point de se réaliser–rêve qui nous fait rêver !

Ticonderoga fut fondé par les Français en 1755 qui y construisirent le Fort Carillon. Déjà, en 1758, la guerre se poursuivant entre Français et Anglais, 4 000 Français repoussent victorieusement l’assaut de 16 000 soldats britanniques. L’année suivante, les Britanniques chassent une garnison française. En mai 1775,pendant la guerre d’indépendance des États-Unis, la milice du Vermont (Green Mountain Boys) et d’autres s’emparent du fort au cours d’une attaque surprise conduite par Ethan Allen et Benedict Arnold. Les canon capturés sont transportés à Boston, où leur déploiement permet la prise de la ville par les patriotes en mars 1776. Les Américains tiennent le fort jusqu’en juin 1777, lorsque le général britannique John Burgoyne occupe à nouveau les hauteurs entourant le fort, contraignant l’Armée continentale à évacuer Ticonderoga et ses défenses. Peu après, les Britanniques abandonnent Fort Ticonderoga et celui-ci cesse d’avoir une utilité militaire après 1781.

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Sur la ligne de portage entre les lacs Champlain et George, la paisible ville de Ticonderoga compte à peine 5 000 habitants. Les cascades sur la rivière La Chute, la forêt et un gisement de graphite à proximité ont tôt fait du village un centre industriel important. Après la découverte de ce gisement en 1815, le graphite servait surtout à polir les nouveaux poêles qui commençaient à remplacer chez l’habitant les foyers comme source de chaleur et comme cuisinière. Par la suite, Ticonderoga, grâce à la présence de l’American Graphite Company, située près des chutes, a acquis une réputation mondiale pour la fabrication de crayons. Jeunes écoliers en Amérique du Nord, nous avons sans doute tous appris à écrire avec des Ticonderoga, No 2 !

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Aujourd’hui, un vaste parc public centré sur les chutes et sur un vieux pont couvert, le « kissing bridge », fait de Ticonderoga un havre de paix pour les passants et un lieu de recueillement pour les résidents.

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Tout au long des petites routes menant de Plattsburgh à Ticonderoga en passant par Port Henry et Crown Point, un regard attentif jeté sur les boîtes aux lettres et panneaux publicitaires révèle une présence franco : des Drinkwine (Boivin) et Tromblee (Tremblay), des Poulin et la famille Langlais qui est propriétaire d’un bar laitier (Frenchy’s) et d’un restaurant (Frenchman’s Restaurant) à Crown Point.

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Gros projet de construction dans la région ! Le nouveau pont à Crown Point qui, une fois terminé, enjambera le lac Champlain à son point le moins large. Date de parachèvement prévu : 2012. Pour le moment, le voyageur se contente du petit traversier, ce qui est fort agréable !

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