Trump : héritier d’Irving et d’Astor

Mise en contexte : Michel Bouchard est originaire de Falher, en Alberta. Il est aujourd’hui professeur d’anthropologie à l’Université de la Colombie britannique du nord, située à Prince George. Au cours des années 90, il poursuivait ses études de maîtrise à l’université Laval où j’ai eu le bonheur de le connaître. Par la suite, nous sommes devenus amis et collègues. Deux de ses textes intitulés respectivement «  De l’Acadie à l’Alberta en passant par le Kansas sur les traces de la famille Comeau » et « Les Lamoureux de l’Alberta : un parcours vaste et complexe » figurent dans deux ouvrages réalisés sous notre direction : Vision et visages de la Franco-Amérique et Franco-Amérique. Le mois dernier, Michel et deux collègues, Robert Foxcurran et Sébastien Mallette, firent paraître chez Baraka Books un nouvel ouvrage Songs Upon the Rivers : The Buried History of the French-Speaking Canadiens and Métis from the Great Lakes and the Mississippi across to the Pacific.

SCAN0427

Ce sont les recherches menant à la publication de ce livre qui ont inspiré le court texte qui suit. Il s’agit d’une analyse fort originale de la victoire de Donald Trump à la récente élection présidentielle aux États-Unis. Scrutés sous tous les angles, personne ne pouvait imaginer que les résultats de cette élection pourraient peut-être trouver leur explication dans un processus historique impliquant les Canadiens [français], Métis et Créoles entamé il y a 200 ans. Comme de quoi, selon le vieil adage : « l’histoire se répète » Voici donc, son analyse :

* * *

Un riche capitaliste, propriétaire new-yorkais d’ascendance allemande, portant son regard vers l’Ouest, y a vu des sauvages et des étrangers polluant le paysage. Il fit écrire un livre afin de définir ce qu’est une nation, s’assurant que l’Américain idéal serait blanc, anglophone et viril. On ne parle pas ici du futur président Donald Trump, mais de l’homme d’affaires et magnat immobilier John Jacob Astor. Si Trump fit écrire The Art of the Deal par un journaliste, Astor a demandé à Washington Irving d’écrire Astoria, une œuvre qui définirait la nation et remettrait à leur place ces étrangers — majoritairement des Canadiens français, des Créoles et des Métis — tant détestés. Trump incarne l’héritage d’Astor et d’Irving : un pays blanchi, anglophone et machiste qui nie que ces communautés et autres groupes semblables n’aient jamais fait partie de l’histoire américaine.

Beaucoup d’encre, réelle et virtuelle, a servi à analyser les causes de la montée de Trump, mais rien n’a été dit sur le long parcours historique qui lui a donné naissance. Depuis près de deux siècles, on a construit une nation mythique américaine en écrivant notamment une histoire fictive basée sur la peur mêlée à une exubérance nationale débridée. Cependant, Trump est l’héritier d’un récit historique encore plus ancien dont l’objectif était de rendre les États-Unis « American » où les vrais héros archétypaux de la République seraient les self-made men, blonds, bronzés et anglo-américains.

Johann Jakob Astor, dont le nom anglicisé est John Jacob Astor, a quitté l’Allemagne pour l’Angleterre. Suite à la Révolution américaine, il s’installa à New York. D’abord vendeur de pianos, il s’impliqua ensuite dans le commerce des fourrures. Cette activité lucrative lui permit d’acheter de vastes terrains dans le petit bourg de Manhattan. Il deviendra rapidement le premier nabab immobilier, le premier multimillionnaire, et sa famille sera la plus riche d’Amérique. Si une partie de sa richesse vient de la traite des fourrures, il a aussi profité de ses réseaux mondiaux pour financer la contrebande d’opium vers la Chine, s’assurant ainsi des profits encore plus substantiels.

Mais comment diable a-t-il fait pour accumuler une telle richesse grâce à la traite des fourrures en Amérique ? Au Canada, le castor placé sur le revers des cinq sous nous rappelle que jadis la richesse venait du commerce international des peaux utilisées pour confectionner les très populaires chapeaux de feutre. Moins connu est le fait que la fortune d’Astor à Manhattan vient aussi de ce même commerce des fourrures. Pour arriver à ses fins, Astor s’est joint à d’éminents francophones de l’Ouest, Créoles et Canadiens, qui servaient d’intermédiaires entre les agents qui recueillaient les fourrures dans les postes éloignés et ceux du marché mondial. Pour s’assurer que son entreprise, l’American Fur Company, devienne prospère, Astor s’est aussi allié la famille fondatrice de Saint-Louis, le clan Chouteau. Cette famille faisait appel à des milliers de voyageurs et de commerçants francophones afin de s’assurer que les peaux tant convoitées pourraient être obtenues en commerçant avec les nations autochtones de l’Ouest américain. Le Canadien français et les Métis étaient les « Mexicains » de l’époque, c’est-à-dire une main-d’œuvre bon marché favorisant ainsi l’accroissement de la richesse de la prospère élite américaine. Astor vendit son entreprise dans les années 1830, avant la chute des prix des peaux de castor.

S’il avait été né aux États-Unis, Astor se serait sans doute présenté à la présidence, mais il a dû se contenter de Washington Irving et de son neveu, Pierre Munroe Irving, pour promouvoir son Amérique idéale. Dans Astoria, Irving a dû tourner la faillite du Pacific Fur Company, une « succursale » de l’Américan Fur Company, en une tentative de nation-building dans laquelle la vision d’Astor aurait facilité l’expansion de l’entreprise mère jusqu’au Pacifique. Dans son traité de 1836, Irving, en présentant un Astor plus grand que nature, a dénigré les hommes mêmes qui avaient assuré sa richesse. Il a, en somme, présenté les voyageurs canadiens comme des enfants à l’âme sauvage dont la culture était destinée à disparaitre à court terme. Il a décrit les habitants de l’avant-poste de la frontière du Missouri en ces termes : « [la] population de Saint-Louis est encore plus hétéroclite que celle de Mackinaw. Ici, on pouvait voir le long des berges de la rivière, les bateliers bruyants, extravagants et vantards du Mississippi [c’est-à-dire les Créoles francophones], et les gais, grimaçants, chantant et toujours de bonne humeur voyageurs canadiens [français]. » Rappelons que Mackinaw était anciennement le fort français de Michilimackinac situé sur le détroit qui sépare les péninsules supérieure et inférieure du Michigan ; ce lieu abritait alors une grande communauté francophone et métis, ou française et indienne.

Tout au long de ses travaux, Washington Irving ne cesse d’avilir les gens qui parlent français, un groupe linguistique qui, était encore majoritaire dans des villes telles que Saint-Louis et La Nouvelle-Orléans et qui l’avait été la génération précédente à Détroit. Il quantifie même la supériorité de l’Américain type. Dans The Adventures of Captain Bonneville, il cite un certain marchand, dont il tait le nom, qui déclarait : « En ce qui concerne la sagacité, l’aptitude à trouver des ressources, l’indépendance et l’intrépidité intellectuelle, je considère qu’un Américain vaut trois Canadiens. » Les Canadiens français n’ont pas la noblesse et la masculinité de l’Anglo-Américain idéal, et la description de ces hommes ressemble étrangement celle de l’« Autre » américain, qu’il soit mexicain ou musulman. Comme les Canadiens, Créoles et Métis d’antan, ces étrangers contemporains sont trop émotifs, trop vaniteux, trop paresseux, trop malhonnêtes pour être à la hauteur de l’Anglo-Américain idéalisé.

Les travaux d’Irving, qui ont été publiés sous forme de feuilleton dans les journaux et de romans bon marché, encensaient les vrais Américains de l’Ouest qui propageaient la « civilisation », et ce, au détriment des locuteurs français qui, pourtant, avaient joué un rôle si important dans l’histoire de la région. Le film How the West Was Won les a aussi complètement gommés du récit. Les Canadiens français, Créoles et Métis entre autres sont carrément évacués de cette épopée cinématographique d’époque ; seul un certain « Jacques » y apparait tout à fait par hasard, et c’est là l’unique référence à la présence de la langue française.

En gommant la présence du français, le récit américain a du même coup perdu un modèle convaincant de multiculturalisme. Sans nier les idéaux d’une pureté raciale, les Français s’étaient alliés à des femmes appartenant à diverses tribus autochtones. Des esclaves émancipés, tel que John — probablement Jean — Brazeau, pouvaient devenir d’importants commerçants à l’époque du commerce des fourrures. On était libre d’être Canadien dans l’Ouest américain, même si la plupart de ses ancêtres étaient amérindiens. Le français était la lingua franca du continent à l’époque. En plus de sa propre langue, règle générale, le Canadien parlait une ou plusieurs langues indigènes et ils ont volontairement adopté les pratiques culturelles autochtones.

Un cas révélateur s’est présenté dans les années 1830 alors qu’Alexis de Tocqueville s’est rendu dans ces régions sauvages. Là, il rencontre un homme vêtu à l’indienne qui s’adresse à lui dans un français typique de la Normandie. L’érudit français est étonné, il prétend qu’il n’aurait pas été plus abasourdi si son cheval lui avait parlé dans sa langue natale. L’homme lui explique qu’il a un père [canadien] français et une mère amérindienne. Tocqueville note dans son carnet comment une race singulière de peuple métissé était disséminée aux frontières du Canada et des États-Unis.

En oubliant le passé multiculturel, multilingue et multiracial qui caractérisait les États-Unis, le mythe d’une Amérique blanche est parvenu à dominer le récit national. Ce mythe veut que les Anglo-Américains blancs ne soient pas métissés au point de vue racial. Pour reprendre les mots codés du groupe d’extrême droite Alt-Right, ce sont de vrais mâles alpha. Dans ce récit du passé américain, les Anglo-Américains étaient de vrais hommes, et leur monumentalité, largement mythique, ne doit pas être oubliée. Ce récit continue d’en inspirer plusieurs, il a certainement contribué, du moins en partie, à l’étonnante victoire de Trump. Astor et Irving seraient sans aucun doute très fiers !

DSC02250

Michel Bouchard et sa conjointe, Ekaterina aux chutes Montmorency, circa 2011

 

 


En m’adressant aux gens de mon âge : mentir et vieillir

Le 8 février 2012, j’écrivais ici : Suis-je lu? Voilà la question qui tracasse le blogueur! Surtout qu’un très infime pourcentage des lecteurs d’un blogue prend le temps de réagir, par un commentaire, à ce qu’ils y lisent : https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2012/02/08/le-dilemme-du-blogueur-des-etudiants-me-permettent-de-sauver-la-mise/.

Presque cinq ans plus tard, la même question revient car les commentaires sont de moins en moins nombreux…peut-être parce que les sujets traités sont moins attirants, peut-être parce que mon rythme de production a ralenti, peut-être parce que mes déplacements sont plus espacés, moins loin ou moins exotiques ! Que sais-je ? Ce qui est certain, c’est que j’essaie constamment de raffiner l’art d’écrire. L’un de mes outils est celui mentionné ici le 8 septembre dernier  (https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2016/09/08/deux-louis-un-conte-de-scribouillard/ ): une participation à l’atelier des Scribouillards, un groupe composé d’une dizaine d’individus qui se réunissent régulièrement pour faire marcher leurs imaginations, écrire ce qui leur vient à l’esprit, découvrir des recoins de Québec et sa région et tisser les liens d’amitié. Nos textes, écrits sur un thème défini par l’animateur ou l’animatrice du jour— toujours en moins d’une heure—sont diversifiés, toujours divertissants, parfois percutants et souvent de l’actualité. Les  discussions qui s’en suivent, après lecture, sont riches et passionnées !

trump-clinton-11

Nous sommes à l’ère du mensonge. Jamais le mensonge n’a autant occupé les média que depuis le début de la campagne électorale aux États-Unis. Le mensonge se trouve partout, apprêté à toutes les sauces. C’est pour cela que notre animatrice du jour nous l’a proposés récemment comme sujet de dissertation. Sur les six textes produits ce jour-là, j’en reprends deux ici du fait de leur orientation; ils s’entrecroisent partiellement :

I

Quand j’étais petite, durant la première année scolaire, on nous préparait à faire notre première communion. Pour ce faire il fallait outre apprendre quelques répliques du petit catéchisme, faire un examen de conscience en profondeur pour y déceler toutes les mesquineries qui auraient pu salir notre âme autrement toute blanche. On appelait ça des péchés dont on nous incitait à faire une liste pour ensuite aller s’en accuser à la confesse. C’était déjà impressionnant d’avoir à  confier ses petits secrets à quelqu’un qu’on ne connaissait pas du tout, qui plus est, à un homme en robe noire. Je n’allais pas m’y résoudre.

C’est à cette occasion que j’ai fait mon premier mensonge en m’accusant de quelques menteries que  j’aurais soi-disant racontées à mes parents, mensonges que j’ai répétés des années durant, chaque vendredi du mois, ne trouvant d’autres péchés plus commodes dont m’accuser sans rougir.

Puis un jour j’ai eu vent que le mensonge pouvait être pieux. Celui-là se répandait dans le village en se répétant d’une fenêtre à l’autre et même sur le parvis de l’église après la messe du dimanche. Il n’avait pas à être rapporté au curé qui le savait déjà: la jeune Louisette, à Georges, à Gédéon, à Cédé, à Catoche n’était pas partie en visite chez sa tante Henriette pour quelques mois mais…. chuuuuuuuuutttttttttttt!

Quelques mois plus tard, la belle Louisette, un peu bouffie, revenait au village mais elle ne revenait pas à l’école. Pourquoi? Elle ne le dirait jamais. Et comme elle ne trouverait pas mari dans le coin, à peine majeure elle irait se perdre en ville tôt ou tard, pour qu’à jamais son mensonge ne soit pas découvert.

Plus tard encore, j’ai compris que le mensonge n’était pas que l’apanage des petits en mal de péchés ou d’adolescentes mal-parties dans la vie, mais que les grands, curés, politiciens et parents y compris en usaient abondamment pour exercer leur pouvoir.

D’ailleurs le pouvoir est-il possible sans le recours aux mensonges? Que ce soit pour faire fortune en ne payant pas ses impôts ou « cacher ce sein que je ne saurais voir », le mensonge sert de couverture à toutes les ignominies. Dommage qu’ils ne suffisent plus que de s’en confesser pour blanchir son âme et nos rapports entre humains.

« Toute vérité n’est pas bonne à dire ». Soit! Mais le mensonge ne sert qu’à se berner soi-même sur l’état du monde. (N.P.)

II

J’avais un cousin, de trois ans plus jeune que moi. Appelons-le Alain. Je l’ai peut-être vu une fois en 50 ans, aux funérailles de mon père il y a une quinzaine d’années. Ce jour-là, nous n’avons pas eu le temps de jaser. Qu’est-ce que l’on aurait pu se dire d’utile et de révélateur en si peu de temps? Ce n’était ni le lieu ni le moment.

Or, il y a trois semaines, d’un coup (« out of the blue » comme dirait l’autre), je reçois sur Messenger un petit mot: Salut cousin, j’ai entendu dire que tu n’es plus croyant.

Heureux de reprendre contact avec Alain, mais troublé par la nature de son intervention, je ne sais quoi lui répondre. Dire la vérité avec toutes ses nuances, ce qui pourrait soit contribuer à détruire ou, au moins, à éroder sa foi, soit lui permettre de se justifier dans sa propre démarche spirituelle défaillante. Finalement, je n’ai pas dit la vérité, mais je n’ai pas menti non plus ! J’ai formulé moi-même une question appât de manière à le faire réfléchir et à réagir.

Cela a marché. Au bout de quelques heures, sa réponse me parvient. « On m’a menti toute ma vie. À l’âge de 60 ans, j’en ai eu assez et j’ai lâché! »

Je saute quelques autres échanges que nous avons eus, mais bref les mensonges auxquels Alain faisait allusion étaient de deux ordres: (1) les enseignements religieux qu’il avait reçus depuis son plus bas âge et qu’il avait choisi de mettre en vigueur pendant sa propre vie d’adulte; (2) les instructions et consignes qu’il avait reçues à l’âge d’adulte en acceptant de travailler à l’intérieur d’une structure ecclésiastique hiérarchique où ceux d’en haut donnent des ordres et ceux d’en bas n’ont qu’à y obéir.

Les enseignements religieux, sont-ils des mensonges? Si ceux et celles responsables de l’instruction religieuse d’Alain croyaient dur comme fer à ce qu’ils lui enseignaient, étaient-ce des mensonges? Quand, plus tard dans sa vie, il a décidé de ne plus croire, avait-il le droit de traiter ses parents, grands-parents, pasteurs et amis de menteurs? Autrement dit, en matière de foi, peut-il exister des mensonges?

Alain avait travaillé fort au sein d’une structure pyramidale qui ressemble drôlement à celle de l’église catholique, voire à celle de l’armée. Occupant des postes ou des fonctions intermédiaires, il était appelé à obéir aux ordres d’en haut et d’en donner à ceux et celles en bas. Ces ordres pouvaient-ils être des mensonges? Si oui, comment en justifier au sein d’une organisation religieuse? Peut-on mentir au nom de Dieu? Ses « serviteurs » mentent-ils de bonne foi?

Il est difficile de poursuivre par courriel une discussion avec un cousin lointain sur un sujet aussi délicat. Nous nous sommes donnés rendez-vous le jour où je serai de nouveau de passage près de chez lui, mais je n’ai pas confiance que cette rencontre donne satisfaction ni à l’un ni à l’autre. (LRD)

D’après nos délibérations, il semblerait que ce soit dans les officines du pouvoir politique et religieux que résident deux domaines privilégiés du mensonge.

Tout au long de notre séance consacrée au mensonge, nous nous inquiétions d’une vérité: l’un de notre nombre venait de subir loin de chez lui un AVC. Puisque nous, les Scribouillards, sommes tous de grands voyageurs, cette nouvelle nous a assaillis, nous rappelant la fragilité de la vie compte tenu de l’âge que nous avons. C’était donc rassurant quelques jours plus tard de recevoir de l’une des nôtres, Denise, ce poème écrit par Ghislaine Delisle :

residences-personnes-agees-le-boise-vanier-8-grande

Vieillir en beauté

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son cœur,

Sans remords, sans regret, sans regarder l’heure.

Aller de l’avant, arrêter d’avoir peur,

Car à chaque âge se rattache un bonheur.

 

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son corps,

Le garder sain en dedans, beau en dehors.

Ne jamais abdiquer devant un effort.

L’âge n’a rien à voir avec la mort.

 

Vieillir en beauté, c’est donner un coup de pouce!

À ceux qui se sentent perdus dans la brousse,

Qui ne croient plus que la vie peut être douce

Et qu’il y a toujours quelqu’un à la rescousse.

 

Vieillir en beauté, c’est vieillir positivement.

Ne pas pleurer sur ses souvenirs d’antan.

Être fier d’avoir les cheveux blancs,

Car pour être heureux, on a encore le temps.

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec amour,

Savoir donner sans rien attendre en retour,

Car où que l’on soit, à l’aube du jour,

Il y a quelqu’un à qui dire bonjour.

 

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec espoir,

Être content de soi en se couchant le soir.

Et lorsque viendra le point de non-recevoir,

Se dire qu’au fond, ce n’est qu’un au revoir!

 

Ne regrette pas de vieillir.

C’est un privilège refusé à beaucoup 

En lisant ces vers, je ne pouvais que sourire me rappelant un article d’un autre blogue que je tiens—en anglais celui-là—reflétant ces mêmes préoccupations, mais chez les gens d’un autre pays et d’une autre culture.

Aging Is Liberating

file005I have seen too many dear friends leave this world, too soon; before they understood the great freedom that comes with aging.

Whose business is it, if I choose to read, or play on the computer, until 4 AM, or sleep until noon?  I will dance with myself to those wonderful tunes of the 50s, 60s & 70s, and if I, at the same time, if I wish to weep over a lost love, I will.

file008

I will walk the beach, in a swim suit that is stretched over a bulging body, and will dive into the waves, with abandon, if I choose to, despite the pitying glances from the jet set. They, too, will get old.

file003

I know I am sometimes forgetful. But there again, some of life is just as well forgotten. And, eventually, I remember the important things.

FwJoysof

Sure, over the years, my heart has been broken. How can your heart not break, when you lose a loved one, or when a child suffers, or even when somebody’s beloved pet gets hit by a car? But broken hearts are what give us strength, and understanding, and compassion. A heart never broken, is pristine, and sterile, and will never know the joy of being imperfect.

file002

I am so blessed to have lived long enough to have my hair turn gray, and to have my youthful laughs be forever etched into deep grooves on my face.

So many have never laughed, and so many have died before their hair could turn silver.

file006

As you get older, it is easier to be positive. You care less about what other people think. I don’t question myself anymore. I’ve even earned the right to be wrong.

file000

So, to answer your question, I like being old. It has set me free. I like the person I have become. I am not going to live forever, but while I am still here, I will not waste time lamenting what could have been, or worrying about what will be. And I shall eat dessert every single day … FIRST …. (if I feel like it).

Alors, pour revenir à la question du début, par qui suis-je lu? Je n’ai toujours pas la moindre idée, mais s’il y en a parmi les lecteurs ou les lectrices des gens de mon âge, vous trouverez peut-être ici quelques lignes provocantes, rassurantes ou amusantes. Pour les autres, tournez vite la page. Je reviendrai bientôt à mes moutons.

 


Mexicains à la Société de généalogie de Québec

FullSizeRender-3Le mercredi soir, une fois par mois, de septembre en avril, la Société de généalogie de Québec (http://www.sgq.qc.ca) reçoit un ou une conférencier (ère). Hier soir, au Centre Noël Brulart de Sillery, la cinquantaine de membres de la Société réunis ont eu droit aux deux : conférencier (Carlos Aparacio) et conférencières (Mariela Tardan Trevino) et Ana Laura Mendez Burgoin). Ils étaient accompagnés de la grand-mère de Mariela.

IMG_4154

Ce contingent en provenance de Monterrey nous a entretenus des sociétés et démographies d’un passé francophone dans le Nord-Est du Mexique.

IMG_4155

Dans un premier temps, le professeur Aparicio a pris la parole pour nous mettre dans le contexte d’une Amérique du Nord coloniale qui évoluait au gré des grandes puissances européennes : l’Angleterre, la France et l’Espagne.

FullSizeRender-2

En regardant ses cartes qui illustrent si bien la convergence des francophones, à la fois canadiens et français, autour de Taos et Santa Fe et l’émergence, à l’époque, de routes telles que les pistes de Santa Fe, San Francisco et Chihuahua, le discours de l’Abbé Casgrain, courant au Québec en 1863 et qui nous semble aujourd’hui farfelu, prend tout son sens (voir ci-bas).

Une fois la table mise par leur professeur et les itinéraires historiques, les lieux et les aires d’influence culturelles francophones identifiés, les deux étudiantes ont tour à tour pris la parole afin de raconter l’histoire de leurs familles respectives et de montrer leurs arbres généalogiques.

doigt

En 1880, Charles Tardan, du petit village de Bosdarros, dans les Basses-Pyrénées, près de Pau, débarque à Veracruz. On peut présumer à tort ou à raison, étant donné son lieu origine, qu’il maîtrisait des éléments de base de la langue espagnole en plus de bien parler sa langue maternelle. Il se dirigera rapidement vers Mexico où il se liera d’amitié avec un autre immigrant de France, Francisco Dallet, arrivé possiblement à l’époque où la présence française au Mexique atteignait son apogée, c. 1865, dont le métier est la fabrication de chapeaux. Tardan et Dallet deviennent partenaires, mais progressivement, Tardan prend le dessus et engage dans l’entreprise deux de ses frères. En 1899, la compagnie porte le nom « Tardan Hermanos ». Aujourd’hui, il s’agit encore de la chapellerie peut-être la plus importante du pays (http://tardan.com.mx/). Qui ne voudrait pas porter un sombrero Tardan. Charles Tardan est l’aïeul de Mariela.

arbre gen

L’arrivée des Bourgoin, devenus Burgoin, remonte plus loin encore. Selon Ana Laura, qui parlait à l’aide d’un interprète, son ancêtre, Domingo Burgoin (Dominique Bourguin ?) aurait déserté un navire français au large de la péninsule de Baja-California, probablement dans la mer de Cortez, près des actuelles villes de La Paz et Los Cabos, car c’est là que demeurent encore aujourd’hui la plupart des Burgoin, se réunissant régulièrement pour festoyer sur les plages au sable blanc.

burgoin crlo

 

 

FullSizeRender-4

FullSizeRender-1

*          *         *          *          *         *          *          *          *          *          *          *          *          *          *          *          *

De notre point de vue, l’histoire du professeur Carlos Aparacio est fascinante. D’abord, parce que son fils de 14 ans est Québécois. Comment cela ? C’est parce qu’il est né à l’hôpital Saint-Sacrement à la suite du mariage de Carlos et son épouse, elle aussi mexicaine, rencontrée à l’Université Laval dans le cadre des cours de français ! Ensuite, parce que M. Aparicio est devenu un proche collaborateur. Comment cela ? C’est qu’au début de 2017 paraîtra aux Éditions du Septentrion une nouvelle édition de Franco-Amérique.SCAN0286

Ce sera plus qu’une réimpression, mais moins qu’un nouveau livre. Le contenu de ce livre publié en 2007 est mis à jour. De plus, il réserve plein de petites surprises dont ce bijou de Carlos Aparico inspiré de ses recherches sur la présence française et canadienne-française dans son coin de pays :

Les francophones ont joué un rôle important dans la construction historique du Nord-Est mexicain, un héritage encore visible aujourd’hui, notamment sur le plan architectural. Si l’histoire des migrations françaises métropolitaines et l’influence culturelle et politique de la France sont bien connues au Mexique, l’apport des individus et des groupes en provenance de la vallée du Saint-Laurent à l’espace francophone mexicain – et cela dès l’époque de la Nouvelle-France – reste par contre largement inconnu.

L’implication de la France sur les territoires mexicains est ancienne. Vers 1540, le français Marc de Nice faisait partie des expéditions espagnoles en quête des sept mythiques cités d’or de Cibola, dans les environs de la ville de Culiacán (actuel État du Sinaloa), lieu de passage important vers le Nouveau-Mexique. Mais c’est surtout entre 1861 et 1867 – soit lors de l’arrivée des troupes de Napoléon III au Mexique et la Guerre de Sécession aux États-Unis – que la présence française s’accroit. Napoléon III, empereur des Français, souhaite établir un puissant empire latin et catholique au sud des États-Unis. Ce rêve est bien accueilli dans certains milieux cléricaux sur les rives du Saint-Laurent, au point où l’abbé Casgrain envisage même la fin de l’Amérique anglo-saxonne protestante prise en étau par l’inévitable rencontre entre les catholiques du Nord et les catholiques du Sud :

Ici, comme en Europe, et plus vite encore qu’en Europe, le protestantisme se meurt. Fractionné en mille sectes, il tombe en poussière, et va se perdre dans le rationalisme. Bientôt – pour nous servir d’une expression du Comte de Maistre – l’empire du protestantisme, pressé du côté du Golfe Mexicain et du Saint-Laurent, fendra par le milieu; et les enfants de la vérité, accourant du nord et du midi, s’embrasseront sur les rives du Mississippi, où ils établiront pour jamais le règne du catholicisme [sic] (Casgrain, 1864 : 69).

Grâce notamment à l’aide apportée au gouvernement mexicain par les États-Unis, l’intervention française s’est avérée un désastre. Cet échec a provoqué l’effondrement du rêve canadien-français catholique. Vingt ans après ces événements, le gouvernement mexicain recueille des témoignages d’expériences vécues par les gens au moment de l’occupation française. Pour le Nuevo León, les rapports de cette présence dans 11 villages sont compilés un siècle plus tard dans un livre de Meynard Vazquez,  Ecos del Imperio. Des textes des partisans du gouvernement de Benito Juárez parlent des héros de la milice mexicaine et des gens qui ont pris les armes pour lutter contre les « envahisseurs » et les « traitres ». L’intervention française au Mexique aura toutefois permis l’arrivée de civils français au Nuevo León. Ces derniers transmettront un patrimoine culturel visible encore aujourd’hui, tout particulièrement dans les domaines de la danse populaire et de l’art culinaire.

La pénétration française des territoires septentrionaux espagnols se fait également à partir de la vallée du Saint-Laurent. René-Robert Cavelier de La Salle entreprend un grand voyage d’exploration en 1678, voyage qui dure cinq ans et qui le mènera d’abord aux Grands Lacs et ensuite à l’embouchure du Mississippi. C’est ici qu’il prend possession, au nom du roi de France, d’un vaste territoire qui sera connu sous le nom de Louisiane. Il récidive en 1684, en partance de la France, fondant, en compagnie de son équipage de 300 hommes à bord de quatre navires (L’Amable, La Belle, Le Joly et Le Saint-François), la colonie de Fort-Saint-Louis, sur la baie de Matagorda, en territoire texan. Située plus de 500 km à l’ouest de l’embouchure du Mississippi, la colonie fut néanmoins bien positionnée pour empêcher l’expansion territoriale des puissances coloniales rivales, l’Espagne et l’Angleterre. Mais c’était rêver en couleurs ! La Salle et son contingent réduit, ne pouvant s’entendre avec les Karankawa, un peuple autochtone établi le long  du golfe du Mexique, sont partis vers le nord chercher du renfort. En 1687, à 200 km de Fort-Saint-Louis, près de l’actuelle ville texane de Navasota, La Salle est assassiné par ses propres hommes, mettant ainsi fin à cette courte expérience coloniale au Texas (Leprohon, 1984).

Une part non négligeable des francophones du Canada s’étant établis dans la vallée du Mississippi ont poursuivi plus loin leur route atteignant les territoires actuels du Texas et du Nord-Est mexicain. La plupart d’entre eux sont d’anciens trappeurs impliqués dans la traite des fourrures  provenant de la région de Saint-Louis en Haute-Louisiane. On trouve encore aujourd’hui les traces de ces migrations au Nuevo León et au Texas où il est possible de tomber sur des patronymes canadiens tels que Dubois, Bourgoin, Labadie ou Langlois, noms dont la prononciation se fait maintenant en espagnol ou en anglais.

Charles Beaubien est un bel exemple de migration canadienne dans ces vastes contrées. Né à Nicolet en 1800, Beaubien quitte le Séminaire de l’endroit où il a étudié jusqu’en 1821, l’année même de l’indépendance du Mexique et de l’ouverture du principal lien terrestre entre le Missouri et le Nouveau-Mexique, la fameuse piste de Santa Fé. Inspiré par les exploits d’antan de Cavelier de La Salle, Beaubien se rend à Kaskaskia, au cœur des pays des Illinois, pour ensuite se diriger vers la ville néo-mexicaine de Taos en 1823. Trois ans plus tard, en 1826, il ravive une ancienne route commerciale connue sous le nom de piste de Chihuahua qui relie les villes de Sante Fé et de Mexico, ouvrant ainsi la porte à un commerce florissant en plein cœur du Mexique. L’intégration de Charles « Don Carlos » Beaubien (Sabin, 1995 : 29) à l’économie mexicaine lui permet d’ailleurs d’obtenir, dès 1829, la nationalité mexicaine. Il devient maire de Taos en 1834 avant d’être nommé juge au milieu des années 1840. À la même époque, le gouverneur du Mexique, Manuel Armijo, lui concède en copropriété, avec son ami Guadalupe Miranda, une terre de près de 7 000 km2 à quelques dizaines de kilomètres au nord-est de Taos.  À la suite de la conquête de 1846 des territoires néo-mexicains et texans, les actes de propriété seront reconnus par le gouvernement américain (Demers, 2001). Du coup, Beaubien devient alors citoyen étatsunien en plus d’être nommé gouverneur par intérim du nouvel État à une époque où plusieurs francophones reprennent la piste de Santa Fé en vue de gagner la Californie.

L’histoire du gendre de Charles Beaubien n’est pas moins intéressante. Lucien Bonaparte Maxwell est né à Kaskaskia en 1818, il est le fils de l’Irlandais, Hugh Maxwell, et de la fille du coureur du bois, Pierre Ménard. Ayant appris de son grand-père les voies du pays, il est parti vers l’Ouest faisant équipe avec Kit Carson dans la compagnie d’exploration sous les ordres de John C. Frémont. En 1844, à Taos, il se marie avec Luz Beaubien, la fille de Charles. Grâce à cette alliance, Lucien se joindra à une famille notable et deviendra l’un des plus grands propriétaires terriens du Nouveau-Mexique. Sur une plaque commémorative au cimetière Mountain View dans la ville de Cimarron portant son nom il est inscrit : Mountain Man, Scout, Rancher & Farmer (Murphy, 1983).

Ancienne, l’existence du fait français en territoire mexicain diffère selon son origine : il peut, d’une part, provenir directement de la métropole française ou, d’autre part, avoir suivi les pistes commerciales continentales que s’approprient les trappeurs et commerçants canadiens-français et métis du Canada ou de la Louisiane. Toutefois, au-delà des différences d’origine, ces deux réalités s’adaptent au gré des circonstances historiques et des conflits politiques et militaires qui définissent l’espace mexicain au xixe siècle. Ce qui est certain, c’est que la frontière actuelle entre le Mexique et les États-Unis coupe en deux un espace franco qui accueillait jadis des composantes à la fois françaises et canadiennes.

Références

CASGRAIN, Henri-Raymond (dit abbé Casgrain) (1864), Histoire de la Mère Marie de l’Incarnation, première supérieure des Ursulines de la Nouvelle-France, Québec, Desbarats.

DEMERS, Maurice (2001), « Foreigners on the New Mexican Land Grants: A Case Study of the Beaubien-Miranda Land Grant », The Trans-Mississippi West/History 373, Albuquerque, University of New Mexico. (Inédit)

LEPROHON, Pierre (1984), Cavelier de La Salle : Fondateur de la Louisiane, Paris, André Bonne.

MURPHY, Lawrence (1983), Lucien Bonaparte Maxwell : Napoleon of the Southwest, Norman, University of Oklahoma Press

SABIN, Edwin L. (1995), Kit Carson Days, 1809–1868, vol. 1, Lincoln, University of Nebraska Press.

VÁZQUEZ, Meynardo (1994), Ecos del Imperio. Testimonios de la Intervención francesa en pueblos de Nuevo León, Monterrey, Universidad Autónoma de Nuevo León.

 


Des Français à Brigham

Malgré sa petite taille (18 000 habitants) la ville de Brigham, en Utah, a toujours assumé un rôle majeur au sein de la région culturelle mormone telle que définie en 1966 par le géographe, Donald Meinig. Pouvait-il en être autrement, compte tenu qu’elle porte le nom du prophète mormon qui, au milieu du 19e siècle, a dirigé la migration massive des Saints des Derniers Jours vers l’Ouest ? Une fois les Saints arrivés dans la Vallée du Grand Lac Salé en 1847, Brigham Young, mit son grand dessein à exécution, atteignant le statut du plus grand colonisateur que les États-Unis n’aient jamais connu.

En mai 1865, Young visita le village portant son nom, situé à une centaine de kilomètres au nord de Salt Lake City, et identifia l’endroit précis pour la construction d’un bâitment pour célébrer et adorer Dieu. « C’est ici que vous construirez votre tabernacle », a-t-il dit. Et progressivement les résidents de Brigham se mirent à l’œuvre, ne parachevant le tabernacle que 25 ans plus tard, en 1890. En 1896, le feu y fit rage, détruisant le tout et faisant place à l’édifice actuel dont la construction se fit beaucoup plus rapidement.

FullSizeRender-1

Tabernacle de Brigham City, circa 1898

Si le vieux tabernacle demeure le symbole par excellence de l’héritage pionnier de la ville de Brigham, c’est le nouveau temple, situé juste en face qui rappelle la croissance du Mormonisme moderne et fait de cette petite ville un maillon dans la chaine des 177 temples mormons érigés à travers le monde.

FullSizeRender-2

Temple de Brigham City

Ensemble, le tabernacle et le temple doublent l’offre touristique de ce chef lieu du comté de Box Elder qui se veut également la porte d’entrée à l’un des plus grands refuges aviaires au monde.

FullSizeRender

Palais de justice du comté de Box Elder

IMG_4080

 » Gateway to the World’s Greatest Wild Bird Refuge « 

 

idleChaque fois que je passe par Brigham, je m’arrange pour manger à l’Idle Isle, un restaurant qui a pignon sur rue depuis 1921. Très bonne table, excellent service, ambiance d’antan. Divisé en deux salles de dimension à peu près égale, la deuxième sert surtout à accueillir des groupes. Assis dans la première salle, j’ai cru néanmoins entendre en provenance de la deuxième du français. Une fois mon repas terminé, j’ai esquivé vers l’autre salle où 42 Français prenaient leur repas. Surtout, mais pas exclusivement, des personnes âgées de diverses régions de l’Hexagone.

IMG_4076-1

Ils étaient montés à bord d’un avion à Londres à destination de Denver afin de réaliser un circuit touristique de 12 jours comprenant les parcs nationaux de Yellowstone, des Grand Tétons, des Arches et des Canyonlands. Évidemment, ils faisaient halte à divers points d’intérêt général… comme Brigham.

Sans pouvoir l’affirmer catégoriquement, je dirais néanmoins, d’après les brèves conversations que j’ai eues avec eux, que la plupart de ces voyageurs invétérés avaient déjà visité le Québec. Sans surprise, il y en avait un qui est venu m’annoncer fièrement que sa fille—ou était-ce sa petite fille—avait étudié l’an dernier à Chicoutimi et, honteusement, qu’elle avait trouvé l’hiver dur !

Ma rencontre avec ces Français m’a fait penser à un film que j’avais vu jadis : If It’s Tuesday, This Must be Belgium. Il s’agissait d’un groupe de touristes américains qui font un tour tourbillon de l’Europe, devant consulter leur itinéraire et le calendrier pour savoir où ils étaient. Il en était de même pour ces Français qui, pour le petit échantillon que j’ai consulté, semblaient avoir perdu le Nord…ou le Sud…ou l’Est…ou l’Ouest.


Deux Louis, un conte de « scribouillard »

Peut-on se lasser de traverser le fleuve entre Québec et Lévis ?

IMG_4037

IMG_4038-1

IMG_4036-1

Je ne le crois pas. Moi, je cherche les occasions, la plus récente se présentant jeudi dernier, le premier jour du mois de septembre quand je répondais à la convocation de notre petit groupe d’« écriveux », les Scribouillards, qui se réunissent régulièrement pour faire marcher nos imaginations, écrire ce qui nous vient à l’esprit, découvrir des recoins de Québec et sa région et tisser les liens d’amitié. Que de bonheur !  Et cette fois-ci, la destination : la maison natale de Louis Fréchette située à trente mètres de la piste cyclable de la Rive sud dans le quartier de Lévis que l’on appelait autrefois Saint-David (4385, rue Saint-Laurent).

IMG_4039

Maison Louis-Fréchette

Pas besoin, ici, d’aller dans le détail sur la vie de Louis Fréchette. Suffit de dire qu’il est né le 16 novembre 1839 à Saint-Joseph-de-la-Pointe de Lévy, dans la foulée de la rébellion des patriotes. En fait, c’est cette année-là que Lord Durham avait rapporté que les Bas-Canadiens constituaient un peuple sans histoire et sans littérature. Avant de mourir le 31 mai 1908 à Montréal, Fréchette lui rend la monnaie de sa pièce devenant poète, dramaturge, écrivain et homme politique. Il a marqué son époque et la littérature canadienne-française en émergence.

IMG_4045

À la suite de la visite de la maison Louis-Fréchette, j’ai livré ma réflexion à mes amis scribouillards de la manière suivante :

Deux Louis

C’est avec joie que j’ai reçu le courriel de Marie nous annonçant que Louis Fréchette était autre chose qu’une salle au Grand Théâtre. Notre atelier de cette semaine serait une occasion en or pour moi de découvrir ce pionnier de la littérature québécoise dont je connaissais si peu. Merci Marie !

En faisant le tour de sa maison, plusieurs pensées m’ont traversé l’esprit. Mentionnons en deux. D’abord, la vie de cet homme fut le résultat d’un tas de choix personnels : où habiter, quelle profession suivre, travailler pour l’argent ou travailler pour le plaisir et la satisfaction, chercher la gloire ou rester humble, s’affirmer ou s’abaisser ? Sa vie reflète également les choix de société, ceux des Québécois du 19e siècle. S’avouer vaincus devant le désastre de 1837-38 et se soumettre aux diktats du Lord Durham, continuer à vivre sous le joug du clergé ou trouver une porte de sortie sans offenser Dieu, chercher à collaborer avec les autorités ou inventer des moyens pour les contrarier, rester dans les lieux sûrs au pays où tenter sa chance ailleurs dans l’inconnu ou le moins connu ?

N’est-ce pas les mêmes choix auxquels Maria Chapdelaine fit face : rester au pays et épouser Eutrope Gagnon, vivre la grande aventure des Sauvages accompagnée de François Paradis, quitter Péribonka et fuir vers les États-Unis avec Lorenzo Surprenant qui lui offrait mer et monde—au moins une ville avec trottoirs pour marcher et vitrines pour musarder.

Et là, je me suis imaginé un conte…disons une rencontre à Paris en 1880. Le lauréat, Louis Fréchette, sort de son bref entretien avec son héros, Victor Hugo. L’attend dans la rue un jeune garçon de 10 ans du nom de Louis Hémon.

-Parlez-moi du Canada, dit le gamin.

-Que veux-tu savoir, réplique Fréchette.

-Tout, rejoint petit Louis.

Les deux Louis se rendent au Jardin de Luxembourg s’asseoir sur un banc devant l’un des étangs où des enfants poussent leurs voiliers miniatures. Grand Louis dévoile à Petit Louis les secrets de ces quelques arpents de neige dont il est issu et qu’il aime. Il lui explique cette relation difficile entre les deux nations qu’on appelle depuis 13 ans le Canada. Il lui explique que ce nouveau Canada a usurpé le nom de l’ancien. Il sème dans le cœur et dans la tête de Louis Hémon ce désir et scelle son destin de passer outre-Atlantique et de s’installer le temps de deux saisons dans le Québec profond. Un jour, se dit petit Louis, j’écrirai le premier classique de la littérature canadienne-française.

Louis Fréchette ne reverra plus Louis Hémon. Il meurt en 1908, trois ans avant l’arrivée au Lac-Saint-Jean de l’autre. Il n’aura pas l’occasion de lire le grand classique, de savourer et de critiquer les propos de ce Français qui, après avoir apprivoisé le Québec et les Québécois, partira vers l’Ouest pour essayer de cerner et de comprendre cet autre Canada. Il n’arrivera pas à bout de son rêve, car, à Chapleau, dans le nord de l’Ontario, il sera happé par un train et mourra sur le champ.

La deuxième étincelle qui m’a allumé lors de cette visite chez Louis Fréchette est l’extrait tiré de Mémoires intimes qui a lancé cet exercice d’écriture : en apprenant le désir de son fils de devenir poète, le père de Louis le prévient de « se résigner à mourir à l’hôpital ». N’est-ce pas ce qui est arrivé à l’autre grand poète québécois de la génération suivante. Émile Nelligan n’est-il pas mort à l’« hôpital » ? Le père de Louis Fréchette, Louis-Marthe, tout comme David, ce père irlandais d’Émile, était réfractaire à l’idée que son fils devienne poète.

Qu’y a-t-il chez les poètes qui déclenche ce genre de dédain et de mépris ?