Flin Flon, Manitoba : rencontre posthume avec l’autre brebis égaré de la famille

S’apercevant que j’étais rendu à Flin Flon, au Manitoba, l’un de mes plus fidèles lecteurs, Réjean Beaulieu, en Colombie-Britannique, m’écrivait : « Dean, serait-ce ton aventure le plus au Nord dans la Franco-Amérique ?

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Ma réponse : « ça aurait pu ! » Mais hélas, la raison de mon voyage à Flin Flon fut tout autre. Une quête, certes, mais pas dans le but de rencontrer des Franco-Manitobains. Non, cette fois-ci, ce fut plutôt une quête relevant de mon patrimoine familial.

En 1932, le frère de ma grand-mère, Don Fryer, quitta son Utah natal, emmenant son épouse et leur fils de deux ans, Robert, à Flin Flon, au Manitoba, afin d’y travailler dans l’industrie minière.  Son travail dans les mines de cuivre à Bingham Canyon (près de Salt Lake City)—et la Crise économique l’aidant—l’avaient bien préparé à ce nouveau défi. « Uncle Don », comme disait souvent ma mère, ne revenait  auprès de sa famille en Utah qu’à de très rares occasions. Je me souviens de l’avoir vu une fois en 1951. Il est mort à Flin Flon en 1959, son épouse Grace en 1977. Personne de la famille de ma grand-mère, avant moi, ne s’était jamais rendu au nord du Manitoba leur rendre visite, chose que j’ai faite le 5 juin dernier, mais de manière posthume évidemment.

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Pourquoi était-ce important pour moi ? Parce que je suis le « Uncle Don » de la génération suivante. Lorsque j’ai pris la décision de quitter les États-Unis temporairement en 1971 pour poursuivre l’aventure canadienne au Québec, mon oncle, Harley Gillman (à gauche dans la photo ci-bas), s’est fait un devoir de me donner des conseils : « Don’t do it, Dean ! Tu vas être comme Uncle Don. Tu ne reviendras plus, on va te perdre, on ne connaîtra pas tes enfants. C’est important la famille ! »

 

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Bien que convaincu à l’époque que mon oncle faisait fausse route, je conviens aujourd’hui, 45 ans plus tard, qu’il eut parfaitement raison. Quoique plus solides avec ma parenté de l’Utah que ne l’ont été ceux d’Uncle Don, qui ne jouissait pas des mêmes avantages technologiques que moi, avec la sienne, mes liens familiaux sont néanmoins relativement peu serrés….malgré mes meilleures intentions.

Voilà, donc, cher Réjean, la raison de mon aventure nordique. Pour mes deux oncles, Harley et LaDell Gillman (photo à droite) et pour ma sœur, j’ai préparé un dossier photographique que je leur ai envoyé par la poste de Flin Flon, leur rappelant—au cas où ils auraient oublié, ce que j’en doute—les « mésaventures »  de deux brebis égarés de la famille Fryer-Gillman, devenus, par le fait même, les moutons noirs de leurs générations.


Le petit monde de Gabrielle Roy

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Elle habitait ici, rue Deschambault

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Elle étudiait ici, Académie Saint-Joseph, construite en 1911

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Au couvent, les religieuses entretenaient chez nous des sentiments d’héroïque défense. Bravant la loi, prenant sur leurs pauvres loisirs des heures supplémentaires, elles continuaient à nous instruire en français…

Ainsi stimulée, aiguillonnée, je raflai, dans mes dernières années d’étude tous les prix octroyées par l’Association des Canadiens français du Manitoba, à l’élève obtenant la preière place aux examens de français. Ma petite rue qui m’a menée autour du monde.

 

Elle enseignait ici, École Provencher, construit en 1906

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L’autre classe des petits était ouverte è tot ce qui n’était pas de langue française, compris dans la catégorie anglaise, encore qu’elle ne comptait guère d’enfants d’origine anglaise, mais plutôt russe, polonaise, italienne, espagnole, irlandaise, tchèque, flamande…

Au bout de quelques années, je m’étais tellement attachée à ma classe qui m’en apprenait sur le folklore, les chants, les danses et les peuples…

J’étais si près de ces enfants que ke frère Joseph m’ayant tout de même proposée la troisième ou la quatrième année, je le suppliai de me laisser avec mes petits immigrants. La détresse et l’enchantement.

 


Présentation du candidat par André Fauchon, Saint-Boniface, le 1er juin 2015

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Yves Frenette, Dean Louder et André Fauchon

Monsieur le chancelier,

J’ai l’honneur et le grand plaisir de vous présenter M. Dean Louder, professeur retraité de l’Université Laval.

Qui aurait pensé qu’un jour, ce géographe américain deviendrait le grand spécialiste de l’Amérique française, de la Franco-Amérique, comme lui et ses collègues l’ont rebaptisée, Dean Louder est un anglophone, mais c’est aussi un francophone, alors qu’il a non seulement adopté le français comme langue d’usage dans l’université et dans la ville où il a vécu, mais qu’il a été en quelque sorte habité par le français, comme le démontre son choix de publier ses travaux (ouvrages, articles et chapitre de livres, bloque) essentiellement en français.

Spécialiste de la géographie sociale et culturelle, le professeur Louder s’est intéressé à l’espace des minorités aux États-Unis, notamment en Louisiane, où il découvre une Amérique différente, une Amérique francophone. Ce contact avec le monde francophone orientera sa carrière, et son œuvre importante va se rattacher aux divers aspects de la vie française en Amérique. À la suite d’un colloque sur la francophonie nord-américaine, organisé à La Nouvelle-Orléans, il va co-diriger un ouvrage, paru en 1983, qui marquera la recherche sur la francophonie, un ouvrage fondateur qui deviendra un classique, Du continent perdu à l’archipel retrouvé: le Québec et l’Amérique française.

Que de chemins parcourus par la suite à sillonner de long en large et à maintes reprises les espaces francophones: Acadie, Louisiane, Nouvelle-Angleterre, Ontario, Midwest, Ouest canadien, Ouest américain, et toutes ces petites communautés francophones que peu de personnes connaissaient. Au cours de sa carrière, comme professeur et chercheur, il a formé de nombreux étudiants et leur a fait prendre conscience de l’existence d’une francophonie bien vivante en Amérique du Nord, par le biais d’excursions qu’il a organisées pour eux dans tous les coins et recoins de cette Amérique française, notamment dans les communautés francophones de la vallée de la rivière Rouge, au Manitoba, au Minnesota et au Dakota du Nord, à l’automne 1982. On peut se demander s’il reste quelque part, en Amérique du Nord, un petit îlot francophone qu’il n’aurait pas encore visité!

À son arrivée à l’Université Laval, Dean Louder a immédiatement pris fait et cause pour la francophonie. Pendant sa longue carrière, il a fait œuvre de pionnier dans l’étude de l’Amérique française et en est devenu un acteur important. Ses travaux constituent une contribution constante et importante à l’approfondissement de la compréhension que nous avons de la Franco-Amérique; ses travaux ont également permis l’éclosion d’études spécialisées et de chaires de recherche dans ce domaine.

M. le chancelier, au nom du Sénat de l’Université du Manitoba, je vous prie de conférer à M. Dean Louder le grade de docteur en droit honoris causa.


Doctorat honoris causa attribué par l’Université de Saint-Boniface à Dean Louder: son allocution

Monsieur le lieutenant gouverneur, Monsieur le chancelier, Monsieur le recteur, distingués invités, chers collègues et amis et, surtout, fiers finissants que je félicite en ce grand jour.

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Recevoir un Honoris causa à deux pas de la tombe de Louis Riel, ce n’est pas rien ! C’est une collègue de l’Université de Calgary d’origine mauricienne qui me l’a rappelé dernièrement. J’en suis très ému et bien reconnaissant, d’autant plus que nous sommes réunis dans ce lieu historique dont on a su conserver la magnifique façade à la suite du terrible incendie de 1968. Celle-ci nous sert de témoin des grands événements qui se sont déroulés ici, à la confluence de la Rouge et de l’Assiniboine.

C’est en mon nom personnel et au nom de tous les géographes du Québec qui ont cru à la Franco-Amérique et qui en ont fait la promotion, malgré certaines remarques désobligeantes de la part de collègues et d’administrateurs de leurs universités, que je reçois ce parchemin. Aujourd’hui, vous faites honneur non seulement à moi, mais à Eric Waddell, Cécyle Trépanier, Christian Morissonneau et Jean Morisset. Merci beaucoup.

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Ma quête, celle de découvrir et de faire revivre au Québec et en milieu minoritaire francophone le souvenir des Français d’Amérique a commencé en 1975 à la lecture d’un texte en anglais écrit par Clark Blaise, un écrivain canado-états-unien, conçu—conçu dis-je bien—à Winnipeg en 1939.

D’abord quelques mots sur Blaise dont le père Léo Roméo Blais est né à Lac-Mégantic, au Québec, en 1905. En 1937, celui-ci se marie en troisièmes noces avec une charmante femme de Winnipeg rencontrée à Montréal. Le couple élit domicile ici même, dans la ville de madame. Léo n’était pas fier de ses origines, au contraire. Sa vie durant, il a tout fait, mais sans succès, pour en effacer le souvenir. C’est pour cela qu’à la veille de la naissance de leur premier et seul enfant, Clark, Léo a conduit son épouse à Fargo, au Dakota du Nord, afin que le bébé naisse au pays de l’Oncle Sam et évite ainsi « la malédiction de naître Canadien français » ! Par la suite, Léo Blais a roulé sa bosse un peu partout aux États-Unis : Ohio, Leesville, en Floride, Pittsburgh, avant de mourir en 1978 à Manchester, NH sous le nom de Lee R. Blaise.

Entre temps, le petit Clark a grandi. Il a eu la chance de fréquenter d’excellentes universités et de devenir un écrivain de grande renommée. Le mystère entourant ses origines a fait en sorte qu’il fasse un voyage initiatique au Québec et qu’adulte, il apprenne le français. En 1975, dans une nouvelle intitulée Tribal Justice, il écrivait ce qui suit qui m’a été donné de lire :

My father told it to me over beers in a bar in Manchester (N.H.) as though he were giving me an inheritance. One of my uncles, the one who’d gone to California had taken the easy northern route across Ontario and the prairies, then down the west coast lumber trails without missing a single French messe along the way. All America is riddled like Swiss cheese with pockets of French.

À partir de cette lecture, ma quête a commencé. Je me suis mis à la recherche de ces gens-là. Bien des années plus tard, nos chemins se croisent et je raconte à Clark Blaise l’impact sur ma vie personnelle et professionnelle de ces trois petites phrases tirées de son œuvre. Sa réponse : « but Dean, It was fiction, I made it up! » Mais non, ce n’est pas de la fiction, c’est une réalité, une vérité. Vous, ici aujourd’hui, en êtes une preuve partielle.

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Lors de la présentation qu’a faite de moi, M. Fauchon, il fut question de mon passage au Manitoba en 1982, accompagné de mes étudiants. Nous avons profité de l’occasion aussi pour monter la rivière Rouge jusqu’au Minnesota afin de rencontrer Virgil Benoît, ici présent aujourd’hui, et d’autres Canayens de Gentilly, Terrebonne et Red Lake Falls. Virgil nous a ensuite emmenés à Belcourt dans la réserve Montagne à la tortue, collée sur la frontière entre le Dakota et le Manitoba, où tous, sans exception ou presque, portent un patronyme à consonance française. Et de là, avant de revenir à Saint-Boniface, nous avons fait un crochet, passant par Saint-Léon, Saint-Claude et Notre-Dame-de Lourdes.

Vingt-cinq plus tard, seul, je suis passé par Willow Bunch, en Saskatchewan. Dans le grand jardin du presbytère, encore gris et aux arbres dénudés, Mme Lorraine Bouvier, originaire de Sainte-Thérèse, à quelques kilomètres de là, travaille à quatre pattes à nettoyer les dégâts du long hiver, raclant et enlevant les feuilles mortes en vue de la belle saison. Elle me présente à son mari, Henri (photo à droite). Sur le coup, je ne les avais pas reconnus, pourtant….

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Au fil de la conversation, j’apprends que ce couple fransaskois a fait carrière dans l’enseignement au Manitoba et qu’à leur retraite ils ont décidé de quitter le village de Saint-Léon pour réintégrer leur Saskatchewan natale. Willow Bunch, Talle-de-saules, n’ayant plus de curé résident, ils se sont portés acquéreurs du presbytère.

Saint Léon ! J’y étais allé en 1982 accompagné d’une vingtaine d’étudiants. En apprenant cela, Lorraine s’exclame, « Mais vous êtes le prof de Laval ! Nous avons accueilli vos étudiants chez nous à Saint-Léon. Ils y étaient couchés mur à mur ! »

Voilà donc, ce qui est et ce qui devrait être encore davantage la Franco-Amérique : des réseaux caractérisés par des liens d’amitié et d’amour. Pour illustrer davantage, je vous fais lecture d’un poème écrit par un étudiant, Yves Jardon, lors de notre passage en juin 1987 chez les Franco-Terre-Neuviens à Port-au-Port :

À la Grande Terre

À l’Anse-canards

À Cap-Saint-Georges

Les amitiés complices des âmes

Aux accents perdus dans l’espace

On débarque et on reste

J’y ai senti les coups des vagues

Dans la gigue de vos pieds

Le chant du monde

Au bout d’une terre nouvelle

Entre à chaque porte

Rencontre une amitié

Les bras ouverts aux mains tendues

Le cœur à cœur a son air

Laisse-toi aller

La grève à galets roule sous les vagues

Une autre musique au vent

Pêcheur de morues et de homards

Je vous entends chanter

Que la musique vient de la mer

Et quand la mer et partout

Hier à Ottawa, dans le cadre du Congrès des sciences humaines et sciences sociales de la Société royale du Canada, eut lieu une causerie sur le thème Voir Grand au cours de laquelle le sociologue et l’humaniste acadien-franco-ontarien-québécois, Joseph Yvon Thériault évoqua l’actualité des francophones d’Amérique à l’aune de l’histoire de la Franco-Amérique. Il cernait les défis contemporains auxquels les francophonies québécoise et minoritaires font face, les défis qui sont les nôtres. Je nous invite, vous et moi, à nous procurer un exemplaire de son allocution et à contempler ses propos. Après lecture, chacun pourra se poser la question, « et moi ? moi, là-dedans, comment pourrais-je, en tant que Franco d’Amérique, faire fleurir cette francophonie qui me tient à cœur, comment voir plus grand que ma communauté afin de tisser des liens avec les Québécois, les Acadiens, les Franco-Canadiens des autres provinces et les Franco-Américains qu’ils soient de la Nouvelle-Angleterre, de Floride, de Louisiane, du Midwest ou de la côte ouest…et les Haïtiens de Port-au-Prince, Miami, New York, Boston et Montréal, pourquoi pas ? Je vous souhaite de découvrir le vaste Archipel de la Franco-Amérique, de vous déplacer, comme je le fais depuis tant d’années, à travers ses îles et îlots. Bon voyage en Franco-Amérique et bon voyage dans la vie !


Le grand déménagement des sœurs Clarisses

 

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En fin de semaine dernière à l’Hôtel Universel de Rivière-du-Loup eut lieu le 50e Congrès de la Fédération Histoire Québec qui regroupe quelque 40 000 membres individuels faisant partie de plus de 200 sociétés membres. Réunis sous le thème « Du souvenir au devenir », les congressistes ont pu écouter un puissant plaidoyer de leur président, Richard Bégin, à l’attention des élus/décideurs de plusieurs paliers de gouvernement présents dans la salle, sur l’urgence de développer un plan pour la préservation du patrimoine religieux du Québec.

Puis, dimanche, en assistant à la messe dominicale en la chapelle du monastère des sœurs Clarisses, nous avons eu un bel exemple de ce défi, car la douzaine de sœurs vieillissantes qui occupent les lieux, érigés en 1931, déménageront prochainement à un étage mis à leur disposition dans leur nouvelle bâtisse par la Congrégation des sœurs de l’Enfant-Jésus de Chauffailles qui compte, elle, 44 religieuses. Ici, les sœurs cloîtrées continueront de mener leur vie contemplative de prière, d’accueil et de partage, selon la forme de vie de sainte Claire d’Assise, fondatrice de leur ordre. Déjà, en novembre 2014, 19 des sœurs décédées ont fait le voyage à travers la ville. Exhumées, pour ensuite être de nouveau inhumées au cimetière Saint-François, situé à proximité des nouveaux locaux, elles pourront ainsi rester près des leurs !

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Et qu’adviendra-t-il du monastère situé au 7, rue Pelletier ? Seul Dieu le sait ! Du moins, on l’espère, car il y a tant d’églises, de monastères, de couvents, de chapelles et de croix de chemin au Québec qui attendent son intervention !

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