« Un coup salaud du destin » : tragédie de l’Isle-Verte cinq mois plus tard

Par une nuit glaciale du 23 janvier dernier une partie de l’histoire du village de L’Isle-Verte s’est envolée en fumée, emportant avec elle 32 aînés. Vingt-deux autres occupants de la résidence du Havre ont survécu à l’incendie.

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Le 23 août, le lieu de l’hécatombe a triste mine.

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Plus gaie, mais aussi très sobre tout de même, la cérémonie se déroulant tout près, faisant d’un terrain appartenant à la Fabrique un parc intergénérationnel et créant un mémorial aux victimes et aux survivants dont plusieurs présents. Sur les 22 survivants, trois sont décédés depuis la conflagration, l’un en avril, l’autre en juin et le dernier le 5 août.

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À 10h30 pile, au son de la trompette, les Chevaliers de Colombe, accompagnés de l’Abbé Jean-Louis Smith, avancèrent solennellement vers le site où une foule d’environ 300 personnes, surtout membres des familles éprouvées, attendaient. À tour de rôle, les dignitaires ont prononcé de courts discours de circonstance. Celui du député fédéral François Lapointe, fut particulièrement poignant, car il évoquait le « coup  salaud du destin » qui prive maintenant bon nombre de personnes réunies ici aujourd’hui de vivre ce qu’il vit régulièrement auprès de sa propre mère de 80 ans : marcher avec elle dans le parc, souper en sa compagnie, lui présenter des petits et arrière petits enfants.

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Deux aînés de la Villa Rose des Vents prirent les ciseaux pour couper le ruban, dévoilant ainsi un genre de stèle vitrée sur laquelle sont gravés à gauche les noms des victimes de l’incendie et, à droite, ceux des courageux survivants.

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Pour compléter le tableau, ces mots de Mère Thérésa inscrits au bas : « La vie est un défi à relever, un bonheur à mériter, une aventure à tenter. »

Un membre de la famille de chaque victime et chaque survivant reçurent une rose blanche après quoi Mme LaFrance-Côté  lut le poème « Voici les absents », de Blanche Lamontagne (1889-1958), résidente de L’Isle-Verte de 1916 à 1920. Une petite chorale chanta « Souvenirs d’un vieillard », le public la rejoignant à chaque refrain :

Petits enfants, jouez dans la prairie

Chantez, chantez le doux parfum des fleurs

Profitez bien du printemps de la vie

Trop tôt, vous verserez des pleurs

(Refrain)

Dernier amour de ma vieillesse

Venez à moi, petits enfants

Je veux de vous une caresse

Pour oublier

Pour oublier mes cheveux blancs

 Quoique bien vieux, j’ai le cœur tout plein de charmes

Permettez-moi d’assister à vos jeux

Pour un vieillard, outragé, plein de larmes

Auprès de vous, je me sens plus heureux

(Au refrain)

Petits enfants vous avez une mère

Et chaque soir près de votre berceau

Pour elle au ciel, offrez votre prière

Aimez-là bien jusqu’au jour du tombeau

(Au refrain)

Petits enfants, quand j’étais à votre âge

Je possédais la douce paix du cœur

Que de beaux jours sont passés sans nuages

Je ne voyais que des jours de bonheur

(Au refrain)

En vieillissant, j’ai connu la tristesse

Ceux que j’aimais, je les ai vus partir

Oh, laissez-moi vous prouver ma tendresse

C’est en aimant que je voudrais mourir

(Au refrain)

Et les ballons tenus par les enfants montent vers le ciel, les blancs pour les femmes, les gris pour les hommes!

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CMA au Témiscouata

Le dimanche soir 24 août, le rideau tombera au Québec sur le cinquième Congrès Mondial Acadien. Au Parc Clair Soleil, sur les berges du plus beau lac de la province, à Témiscouata-sur-le-lac (arrondissement Cabano), un spectacle concert sur le thème « Racines » aura lieu, suivi de feux artifices magistraux. Sous la direction artistique de Nelson Minville, le « show » basé sur la musique traditionnelle et néo-trad mettra en vedette une brochette d’artistes liés par leurs racines acadiennes : Yves Lambert, Édith Butler, Ingrid St-Pierre, Jean-François Breau, Marie-Ève Janvier, Roland Gauvin, Belzébuth, Visten, Surôit, Prenez Garde, Jonathan Painchaud, Danny Boudreau, Guillaume Arsenault, Caroline Savoie et Roch Voisine!

Malheureusement, je ne pourrai y être! Toutefois, mon passage  par le portage qui sépare les eaux qui coulent vers le Saint-Laurent de celles qui drainent vers le Saint-Jean m’aura permis de vivre des expériences nouvelles et de constater, comme jamais auparavant, que, n’eut été d’une décision rendue par un juge à Londres, Dr. Stephen Lushington, qui décida en 1851 de la frontière entre deux colonies britanniques, le Canada et le Nouveau-Brunswick,  les gens d’Edmundston et ses environs auraient pu être aujourd’hui des Québécois. ou bien. que des Québécois du Témiscouata seraient vraisemblablement devenus des Néo-Brunswickois!

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Je fréquente depuis une dizaine d’années l’Auberge Marie Blanc à Notre-Dame-du-Lac (autre arrondissement de la nouvelle municipalité de Témiscouata-sur-le-lac) et connais bien ses propriétaires, les sœurs Sirois, Martine et Marie-France, qui eurent la gentillesse, afin de s’assurer d’une modeste présence au programme du CMA, de m’inviter à présenter une conférence à l’Auberge sur un thème de mon choix. Étant donné la nature des lieux et le petit nombre de personnes attendues, j’ai préféré transformer « conférence » en « causerie »  dont le contenu fut largement tiré de mon bouquin publié l’an dernier : Voyages et rencontres en Franco-Amérique. Tout le monde (10 personnes) assis calmement dans la salle à dîner, j’ai « causé » de mes  voyages et rencontres en Acadie.

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Pour beaucoup d’Acadiens—surtout pour ceux de la diaspora—l’aspect le plus important, voire le plus critique et crucial des CMA est la rencontre des familles : les LeBlanc à Saint-Jacques, les Madore à Van Buren, les Maillet à Saint-Basile, les Thériault à Fort Kent, les Valcourt à Packington… Cela n’en finit plus! Pour savoir comment se passent ces rencontres, j’ai choisi d’aller vers les Boudreau (Boudrot, Boudreaux, Boudreault). Trois raisons à cela : (1) en prenant le petit déjeuner chez Marie Blanc, j’avais rencontré deux gentilles Américaines de Boston ne parlant qu’anglais, but Acadian through and through, les descendantes d’un certain François Boudreau, arrivé en Acadie au dix-septième siècle; (2) la rencontre avait lieu à proximité, en face de l’église de Notre-Dame-du-Lac; (3) l’une de mes brus est une Boudreau…mais « lt » (Boudreault, témoignant de l’origine saguenay-lac saint-jeannoise de son père, Maurice).

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Les ressources mises à la disposition des gens en quête de leurs racines sont impressionnantes. Les amitiés se créent instantanément et la bonne humeur règne.

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Partout dans les rues de Cabano, Notre-Dame-du-Lac et Dégelis, les drapeaux acadiens ornent poteaux, panneaux et propriétés. Pour l’espace de 17 jours le drapeau fleurdelisé cède la place à celui à l’étoile jaune,

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sauf sur une propriété de la rue Commerciale à Notre-Dame-du-Lac où les propriétaires affichent leurs vraies couleurs, tout en étant polis, respectueux et accueillants à l’endroit de leurs « frères francophones »

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photo-3« Frère francophone, la belle province t’accueille! »

photo-2_2photo-5 « Viens raconter ce que tu es aujourd’hui »

Même si le Québec n’est pas l’Acadie, les Québécois ne refusent jamais un « party », et dimanche, « y va y avoir tout un », mais plus important que cela, c’est que le CMA sur sol québécois aura rallumé une braise presque éteinte, celle rappelant aux gens du Témiscouata qu’ils partagent avec leurs voisins d’outre frontières un héritage et une histoire. J’irais plus loin: le CMA qui se termine demain illustre, une fois de plus et plus fort que jamais peut-être, que le Québec et l’Acadie ont besoin l’un de l’autre. Ils ne peuvent que s’enrichir mutuellement!


Congrès Mondial Acadien, 2014

Événement d’envergure! Rassemblement retentissant! D’une durée  de 17 jours dans ce, sa cinquième édition. Il y en a pour tout le monde, mais personne ne peut tout faire! Le programme officiel du CMA compte 105 pages! Écrit en parallèle (français/anglais), mais quand même !  Cent cinq (105) divisé par 2, c’est tout de même 52 pages et demies. Appréciable!

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Le Congrès se déroule sur le territoire du Grand Madawaska qui chevauche deux pays (Canada et États-Unis) et deux provinces (Québec et Nouveau-Brunswick) et un État (Maine). Le Congrès est ponctué de trois sous événements majeurs comprenant des spectacles grandioses mettant en vedette des musiciens de la francophonie nord-américaine : l’ouverture le 8 août à Edmundston, la fête nationale le 15 à Madawaska (Maine) et la fermeture le 24 à Témiscouata sur le lac, anciennement Cabano. Entre temps, ExpoMonde à Grand Sault attire chaque jour la foule. Des milliers de congressistes, touristes et curieux se ruent vers le Centre E-P. Sénéchal où une multitude de kiosques sont aménagés pour mettre en évidence le savoir faire des gens de l’Acadie des terres et forêts. Y trouve aussi la grande scène où les hommages pleuvent sur la tête des invités de marque et où se produisent chaque jour des artistes de la région et d’ailleurs .

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L’Acadie des terres et forêts, cela n’a pas toujours existé! J’ai entendu ce terme pour la première fois en 1999 de la bouche de Roland Martin, alors maire de Saint-Léonard, petite ville connue autrefois comme Grande-Rivière. Adrien Bérubé, géographe émérite de l’Université de Moncton, campus d’Edmundston, m’informe que le véritable « inventeur » du terme est l’homme de lettres originaire de Sainte-Anne-de-Madawaska, Étienne Deschêsnes. Il s’agit d’un terme unificateur et inclusif pour  identifier la région et ses habitants francophones. Unificateur pour les rattacher aux autres membres de la grande famille acadienne des Provinces maritimes, se trouvant plus au sud et plus à l’est. Inclusif pour ne pas exclure ceux et celles qui ont depuis toujours opté pour le nom identitaire de « brayon » et pour ne pas exclure non plus ceux et celles, comme les gens de Grand Sault, dont un gentilé (un nom qu’un peuple ou un groupe s’attribue) n’a jamais existé.

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Pendant ma semaine en Acadie des terres et forêts, j’ai usé pas mal de semelle sur mes souliers à courir des activités, toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Dans les jours qui viennent, je rendrai ici quelques-unes de mes observations en commençant par celles consignées à mon journal de bord au Québec. Pour compléter, je vous invite à consulter en ligne les éditions récentes du journal Acadie Nouvelle qui a assuré une couverture constante et large du CMA, 2014

 


L’Association Les Amitiés acadiennes à Québec: « proposition » d’un nouvel hymne national acadien

Le premier Congrès mondial acadien (CMA) eut lieu à Moncton, au Nouveau-Brunswick, en 1994, le deuxième en Louisiane en 1999, le troisième en Nouvelle-Écosse en 2004 et le quatrième dans la péninsule acadienne en 2009. Le 8 août dernier s’amorça le cinquième, à Edmundston, au Nouveau-Brunswick, au cœur de ce que l’on appelle aujourd’hui « L’Acadie des terres et forêts », une région qui s’étend sur deux pays (Canada, États-Unis), deux provinces (Québec, Nouveau-Brunswick) et un État (Maine). La sélection en 2010 de cette région qui correspond grosso modo à l’ancien Grand-Madawaska, peu connu pour son acadienneté, sema un certain émoi à Québec car l’Association acadienne de la région de Québec (AARQ), avec l’appui de la coalition des organisations acadiennes du Québec, avait, ainsi qu’un groupe de la Louisiane, soumis d’impressionnants dossiers dans le but de se voir attribuer la tenue du Congrès 2014. Au sein de l’AARQ  et dans le milieu touristique de la Vieille-Capitale, la déception fut grande!

Hier soir, cependant, cela ne paraissait pas lorsqu’une cinquantaine de membres de l’AARQ avaient le plaisir de recevoir 38 membres de l’association Les Amitiés acadiennes, fondée en France en 1976 par Philippe Rossillon–celui même qui fut traité en 1968 de persona non grata au Canada par Pierre Elliott Trudeau dans un discours à la Chambre des communes d’Ottawa– pour développer les relations culturelles et amicales entre les Acadiens, les Français et les descendants d’Acadiens de tous pays. Ils arrivaient de Montréal en autocar en route vers le CMA où ils participeront à certaines activités avant de se rendre à l’Ile-du-Prince-Édouard et à Halifax. De là, ils rentreront sur Paris.

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Les Français arrivant à l’aréna de Sainte-Foy, lieu du dîner rencontre.

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Accueil chaleureux

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Repas copieux…et bien arrosé pour ceux qui avaient apporté leur bouteille

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Personnalités de marque de la soirée

C’est l’Acadien québécois (ou est-ce plutôt le Québécois acadien?) Raymond Breau, auteur, compositeur, fonctionnaire, résident de Québec depuis longue date, qui anima la soirée.

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Ses deux chansons « Balade à l’amitié »  et « Tabusintac », une ode à son patelin néo-brunswickois, mit la table pour la véritable vedette de la soirée, Carolyne Jomphe, qui, à la suite de 54 tournées en France, connaissait bien son public. Avant d’interpréter trois classiques acadiennes, l’artiste, originaire de Havre-Saint-Pierre, traça son propre parcours, y compris la découverte de ses racines acadiennes et l’éclosion de cette identité chez elle, puis reconnut la présence dans la salle des amis français qui la reçoivent affectueusement à chacune de ses tournées dans l’Hexagone.

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Les amis normands de Carolyne

Le choix des chansons? Assez prévisible, mais magnifiques tout de même : « L’Acadie n’a pas de frontières » que Carolyne a rendu célèbre et qui est particulièrement pertinente à l’occasion du CMA, « Évangéline » interprétée le plus souvent par Marie-Jo Thério ou Annie Blanchard et « Grand Pré », composition d’Angèle Arsenault, décédée récemment (25 février 2014), à qui Carolyne fit un vibrant hommage. Celle-ci s’interroge sur l’opportunité de faire de « Grand Pré » l’hymne national de l’Acadie moderne.

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En l’écoutant la chanter, même dans une salle dont l’acoustique est atroce et l’équipement sonore inapproprié, en réfléchissant sur les paroles et en me faisant bercer par la mélodie, je conclus que l’idée n’est pas bête! Ave Maris Stella a peut-être fait son temps. Je suis assez d’accord avec Carolyne. Reste à convaincre les millions d’Acadiens dispersés à travers le monde!

 

 

 


Retrouvailles en Algoma

Le hasard fait bien des choses. J’en ai eu une autre preuve aujourd’hui!

Crevés de faim, après nous être levés tôt à Newberry, au Michigan, cinquième halte dans notre traversée du pays, depuis Calgary à Québec, pour arriver aux écluses de Sault-Sainte-Marie (côté américain) à temps pour passer l’avant-midi à observer, en bonne compagnie mennonite, le déplacement des bateaux géants d’un lac à l’autre, nous étions heureux, une fois rendus au Canada, de trouver à Iron Bridge (population 639), au coeur de la région d’Algoma, en Ontario, le Red Top Motor Inn.

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Mesurant 1 400 pieds de long par 105 pieds de large, le Paul R. Tregurtha, fabriqué en 1981, est le plus gros porter sur les Grands Lacs.

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En aval, un autre « monstre » attendait son tour

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Petite famille mennonite

Au Redtop, compte tenu de l’apparence extérieure, on ne s’attendait pas à grand chose. Quelle surprise! Une cuisine gourmet, à prix raisonnable! La meilleure bouffe, m’a t-on dit plus tard, sur la route 17, qui se déroule sur 800 km au nord du lac Supérieur, depuis Thunder Bay à Sault-Sainte-Marie, et sur 800 km supplémentaires du « Soo », comme on aime dire dans la région, à Ottawa. Conduire de longues distances sur un ventre trop plein n’a pas de bon sens. Donc, malgré notre grande faim, nous avons opté chacun pour une soupe. Moi, le smoked whitefish chowder avec jaune d’œuf, mon épouse, le red pepper soup with cauliflower mousse. Miam! Miam!

Le repas fut servi par un gentilhomme d’un certain âge qui s’est avéré le co propriétaire de l’établissement. En apprenant mon itinéraire et mon ultime destination, la ville de Québec, il m’a informé qu’entre 1976 et 1979, il avait fait des études à l’université Laval.

–Mais c’est mon université, lui ai-je dit, j’étais professeur pendant 32 ans!

–Quel département? m’a-t-il demandé.

–Géographie, fut ma réplique.

–Mais j’ai étudié dans ce département, qui êtes-vous?

Et bien, je me trouvais devant un de mes anciens étudiants, Greg Brown, Torontois, qui, jeune, avait osé venir à Québec faire en français son baccalauréat en géographie.

Il m’a nommé tous les professeurs qu’il avait connus, tous mes anciens collègues, bien sûr. Lorsqu’il a mentionné le nom de Luc Bureau, qui lui avait fait connaître Charlevoix, dans le cadre de l’un de ses projets de recherches, j’ai sorti de mon sac à dos le plus récent livre de Bureau, Rat des villes dont je venais de compléter la lecture et je lui en ai fait cadeau!

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L’un des aspects les plus extraordinaires du métier de professeur, c’est de pouvoir retrouver, à tout hasard, ses anciens étudiants un peu partout et souvent dans les situations les plus inusitées.