Vendredi dernier (le 24 octobre 2014 pour ceux liront ce texte dans quelques décades), Jean-Philippe Cipriani présentait à l’émission de Marie-France Bazzo une chronique économique sur le milieu du livre.
Sans dire de véritables bêtises, il véhicule cependant certains lieux communs ou certaines « fausses impressions qui ont l’air de bonnes si on n’y regarde pas de trop près ».
Je vous avoue que, depuis le lamentable échec du Parti québécois sur la réglementation du prix du livre, je passe, comme bon nombre de mes collègues, par une petite phase de désintérêt ou d’abattement, qui ne devrait pas durer. Voici en bref quelques points que je tiens à rappeler.
1. La faillite de La Courte échelle secoue le milieu, certes. Mais elle ne surprend personne. Évitons surtout de tirer des conclusions générales à partir d’un cas particulier. Mes pensées aux auteurs, pigistes et employés qui se retrouvent pris en otages.
2. De même, la faillite de Benjamin ne surprend personne et, pareillement, met un tas d’éditeurs de livres et de revues dans l’embarras (ce qui est joliment dit). Benjamin est loin de représenter un cas d’école dans la distribution de livres.
Ces deux cas nous rappellent que même de grandes entreprises (à l’échelle de notre industrie) sont avant tout des affaires d’individus.
3. En parlant d’individus, un collègue publiait récemment dans Le Devoir une lettre dans laquelle il demandait aux patrons de Renaud-Bray et de Dimédia de mettre leur ego de côté pour régler leur différend commercial. De même, M. Cipriani explique dans sa chronique que Dimedia a coupé ses livraisons de livres pour une question de droits de retour.
Pourquoi tourner autour du pot quand celui-ci est assez gros et peint en jaune fluorescent : Renaud-Bray ne paie plus ses factures depuis février. Est-ce assez clair dit comme cela ? Tout le monde comprend ? Et là aussi ça va, si ça continue, finir par se traduire par des auteurs, des pigistes et des employés sur le tapis. Pourtant, ce n’est jamais dit aussi clairement. Que Renaud-Bray paie ses livres s’il veut faire avancer les négociations commerciales !
4. Cerise sur le gâteau, M. Cipriani ne peut s’empêcher de faire remarquer combien le modèle d’affaire du livre est désuet, comment le Québec accuse un retard technologique (lire mon billet sur ce sujet) et se désole que cette réflexion n’est malheureusement pas d’actualité.
Depuis plusieurs années, les associations professionnelles ont multiplié les rencontres, conférences et autres ateliers sur ce sujet. Il existe une table de concertation interprofessionnelle, une table du livre à la SODEC, le Conseil consultatif du livre et de la lecture. Il y a eu une commission parlementaire qui a remué tout cela (eh oui, la réglementation du prix reste une très bonne façon de commencer le travail). Depuis l’élection du gouvernement libéral de M. Couillard, de nombreuses rencontres ont été organisées pour trouver d’autres pistes de solution, et certaines nouvelles et audacieuses.
De grâce, ne nous dites pas que la réflexion n’a pas cours. Ou alors je serai dans l’obligation de penser que c’est la vôtre qui manque de profondeur.
C’est un plaisir de te lire. Enfin, des propos clairs et nets.
Merci.
Marie-Madeleine
Je crois que c’est un des billets le plus pertinent et le plus pragmatique que j’ai lu depuis longtemps. Bravo, Gilles pour la justesse de ton et de tes arguments.