J’ai un aveu à vous faire… j’aime ça, moi, les reconstitutions historiques. Il faut dire que je viens d’Ohain, un petit village du Brabant wallon, en Belgique. À côté d’Ohain, vous trouvez les plaines de Waterloo. Prononcé à la belge, Oua-tèr-leau. Rien à voir avec la ville anglaise. Et pourtant, c’est bien là que Napoléon perdit son empire. L’histoire locale veut que les troupes de l’empereur aient circulé sur le petit chemin en pavé qui passait devant la maison.
La bataille de Waterloo : plus de 10 000 morts, 30 000 blessés. On ne rigole pas. C’était le 18 juin 1815, il n’y a même pas 250 ans. Et pourtant, les 20 et 21 juin 2009 vous pourrez aller assister à la reconstitution de la bataille. Et, pour y avoir déjà assisté, laissez-moi vous dire que c’est festif : fanfares, ballons, chocolats et crèmes glacés. Y retrouve-t-on des Français ? Beaucoup. C’est un moment important de leur histoire. Et quiconque est déjà aller à Paris sait l’importance que revêt Napoléon à leurs yeux.
Pourquoi diable n’est-on pas capable au Québec de faire la paix avec notre histoire ? Les membres du RRQ pourront s’agiter autant qu’ils voudront, la bataille des plaines d’Abraham de 1759 a été remportée par les Anglais. Autant que celle de Sainte-Foy, en 1760, le fut par les Français. Parce qu’on parle bien de reconstituer ces batailles et non la conquête.
Bien sûr les Anglais ont pillé et brûlés les fermes sur leur passage. Pourquoi pensez-vous que les Américains appellent la guerre de sept ans la French and Indian War ? Parce qu’ils avaient une peur bleue des Français et de leurs alliés indiens, qui ne cessaient de mener des raids sur leurs forts, massacrant soldats et civils, scalpant quelques crânes au passage. Youhou, la guerre, ça vous dit quelque chose ? Personne n’avait la conscience bien tranquille.
En fouillant sur Internet, je suis tombé sur la Compagnie de Lacorne. Leur site est très intéressant. D’autant plus qu’il nous renseigne sur deux activités qui se sont déroulées en 2008 : les reconstitutions de la chute de Louisbourg et la bataille de Carillon, deux activités tenues pour souligner leur 250e anniversaire (allez-voir leur section Photos). Seront-ils de la partie sur les plaines en 2009 ? Peu importe pour la suite.
La forteresse de Louisbourg est située sur l’ile du Cap-Breton à l’entrée du golfe Saint-Laurent. Cette place forte française défend l’accès au fleuve, sa prise est un sine qua non pour la conquête de l’Amérique française. Malgré son apparence de forteresse imprenable, elle est tombée entre les mains des Anglais en 1745, à l’occasion de la guerre de succession d ‘Autriche. Croyez-le ou non, elle est rendue à la France en 1748. Les prouesses militaires ne font pas le poids face aux magouilles politiques qui se déroulent alors en Europe.
En 1758 donc, rebelote. Un certain Wolfe dirige les troupes anglaises. Au bout d’un long siège, la garnison française doit capituler, sans les honneurs militaires. Et pourtant, 250 ans plus tard, personne ne s’émeut de la reconstitution de cet événement qui mène tout droit à la chute de la Nouvelle-France.
Le fort Carillon est situé sur une pointe au sud du lac Champlain et au nord du lac George, contrôlant de ce fait l’accès à la rivière Hudson. Toujrours en 1758, un important contingent britannique se lance à l’assaut du fort. Les troupes françaises, dirigées par un certain Montcalm, tiendront bon, infligeant de lourdes pertes aux Anglais. Et pourtant, 250 ans plus tard, personne ne s’émeut de la reconstitution de cet événement durant lequel des centaines de soldats périront.
Qu’est-ce qui pousse les Québécois à la paranoïa lorsqu’on parle de la bataille des plaines ? Est-ce que ce n’est pas l’occasion rêvée de dire : « Nous sommes encore là ! Conquis, peut-être, soumis et assimilés ? Pantoute ! »
Allez assister fièrement à ces reconstitutions. Souvenez-vous du courage de soldats et miliciens qui ont défendu la ville et la colonie. Comme les membres de la Compagnie de Lacorne, saluez leur mémoire. Mais, de grâce, arrêtez de projeter sur la situation politique d’aujourd’hui les haines d’hier.
Photo pas rapport des chutes de Niagara, parce que l’eau coulera sous nos ponts.
Mais ce qui est inacceptable, c’est que ce soit le Fédéral qui organise le tout et qui le finance. Si c’était le Québec qui prenait cette initiative (un peu comme le font les Acadiens avec le Grand Dérangement…) ce serait peut-être différent.
Bref, moi je trouve ça douteux que ce soit ceux qui constituent le groupe dominant qui fêtent la défaite du groupe dominé, chez eux!
Bien sûr, quand on y voit que du « théâtre », du spectacle, on n’y voit pas de problème…
Personnellement, j’ai un malaise.
Et bien tu pourras aller sur les plaines cet été
Je citerai l’excellent témoignage de Ian Bussières paru ce matin dans Le Soleil :
« D’après lui, la controverse tient surtout du fait que la reconstitution aura lieu sur un terrain fédéral. » Pourtant, ce n’est pas Stephen Harper qui nous a téléphonés pour que nous fassions ça ! C’est l’initiative du Corps historique du Québec et la nôtre et, comme le site de la bataille appartient au gouvernement fédéral, nous avons dû demander la permission pour y tenir l’événement. »
M. Gagnon ajoute que son organisme ne reçoit aucune subvention du gouvernement fédéral. » À ma connaissance, aucun groupe de reconstitution historique francophone ne reçoit de subvention fédérale. Cependant, nous en avons reçu une du gouvernement provincial pour favoriser la promotion du fait français à l’extérieur de la province « , conclut-il. »
Pendant toute l’année où Josée Verner était ministre du Patrimoine, on ne l’a pas entendu, maintenant qu’elle n’est plus en charge du dossier, elle n’est pas capable de la fermer. Car c’est finalement elle qui jette de l’huile sur le feu, en insistant pour dire qu’elle sera présente… alors que personne ne l’a invité !
Deux opinions de lecteurs dans les journaux ce matin très intéressantes :
Denis Gaumond, dans Le Soleil, on retrouve son texte sur Vigile.net.
Yves Tremblay, dans Le Devoir.
Alain Lavallée se livre à une longue analyse du dossier sur son blogue.
Une autre point de vue très fouillé, mais aussi très orienté. L’exercice mérite toutefois une lecture attentive.
Québec, on le sait, est une ville bien conservée. Des remparts (un peu reconstitués, mais bon…) aux vieux quartiers si bien retapés, du manège militaire qu’on reconstruira jusqu’aux superbes fêtes du 400 où je ne sais plus combien de personnificateurs de Champlain lui ont redonné vie, à Québec, le touriste revit l’Histoire parce qu’à Québec, on se fait une spécialité de la refaire. Alors hein, que l’on reconstitue une bataille ou tout autre événement historique quel qu’il soit, on sait que ce sera bien, bon et beau. À vrai dire, comme le 400 a bien fonctionné, un répétera un peu le succès. Pourquoi pas? La formule a toujours bien fonctionné. À Québec, c’qui marche, c’est le « re ».
Et dites-moi, bonnes gens férus d’histoire, c’est quoi déjà la devise de ce pays…euh pardon, de cette province-là? « Je me souviens ». Ah ben oui! Eh bé mon vieux, comme respect à la devise, est-ce qu’on pourrait faire mieux? Non j’crois pas. On se souvient. On est « ça », nous, on se souvient. Le touriste aime ça d’ailleurs. On lui montre combien on était beaux et forts, nous, avant. Tiens, si vous voulez, on va même faire comme ils faisaient avant. Vous verrez, ce sera joli. Et puis bon, on n’est pas les seuls, y’en a d’autres qui le font ailleurs, alors hein, on est pas pire que les autres!
Tu vois, Gilles, pour moi, Québec, cette ville que j’ai juste envie de serrer dans mes bras parce que j’y ai passé parmi les plus belles années de ma vie, c’est pas ça. Pour moi Québec, c’est la création du Moulin à images, la construction de tout ce qui vit maintenant sur la côte d’Abraham, de tout ce qui vibre dans St-Roch. Je ne parle pas de Revitalisation de quartier, là. Non, mais de création, de tout recommencer, de tout refaire. J’ai lu quelque chose dernièrement qui parlait de Québec comme LA ville au Québec où l’architecture s’était le plus éclatée et que si on voulait continuer à mettre la ville en valeur, certains envisageaient l’avènement d’un projet rassembleur et unique à la « Guggenheim de Bilbao » ou « Cité des sciences et des arts de Valence ».
Les reconstitutions sont passéistes. Oui, le devoir de mémoire, ça existe, mais pas en créant des événements à touristes, éphémères et disons-le, kétaines. Ce qu’on veut, ce sont des structures durables, des choses comme le Moulin à Images : c,est historique, oui, mais c’est créatif, c’est nouveau, c’est beau! Tellement beau que ça continue, et qu’en continuant ça peut s’adapter d’année en année! Et ça donne des idées nouvelles pour d’autres créations et là, LÀ, Québec devient intéressant!
Alors la reconstitution de la bataille, là… y pourraient pas passer à autre chose pour une fois?
Mais quel beau débat. Ah oui, vraiment, quel beau débat.
Alain, tu fesses là où ça fait mal. J’aurais plein de choses à répondre, entre autre sur le mépris qui se dégage de ton intervention, mais en fait tout se résume à ceci : pourquoi es-tu parti à Montréal plutôt que de défendre ces idées à Québec ? Reviens, Alain, reviens !
Le 16 février se tiendra Québec Horizon Culture, duquel peut jaillir le meilleur comme le pire. Croisons les doigts…
Qu’en penser?
Je ne sais pas. Si je suis de ceux qui sont contre (du moins as très chauds à l’idée de reconstituer une bataille, quelle qu’elle soit), mais je ne peux dire pourquoi. C’est con, hein? Alors je parle…
Mais pour alimenter la discussion (car la discussion est beaucoup plus intéressante que la reconstitution de la bataille…), je dirais que dans ton texte, tu compares des batailles incomparables.
Waterloo? La défaite des Français n’a rien enlevé aux Français, sinon qu’un peu de suffisance et d’idées de grandeur napoléonesques.
Louisbourg non plus. On parle de la prise d’une forteresse (qui aura de lourdes conséquences, soit).
Mais la bataille des plaines marque la conquête; la fin d’une souveraineté, le début d’une lente colonisation (qui aurait été rapide si ce n’aurait été du poids démographique anglais et français), du début du mépris (anglais, d’une part, et français hexagonal de l’autre), mépris qu’on combat encore aujourd’hui.
Il aura quand même fallu plus de 200 ans (et l’assimilation de plus de la moitié des francophones en Amérique du Nord – le reste est pour quand?) pour que les Québécois commencent à croire qu’ils valent autant que les autres. Et encore, on commence…
Voilà, il est là, mon malaise.
La bataille des plaines n’était qu’une bataille à l’époque. Depuis, elle est le calvaire d’un peuple.
Tout cela pour arriver à un constat:
Certains, comme moi, voient cette bataille d’un point de vue diachronique, incapables de la détacher de l’histoire qui suivra, alors que les autres, ceux qui veulent voir la reconstitution, la voient d’un point de vue synchronique.
Mais je ne sais toujours pas qui a raison.
Daniel: en tant qu’historienne spécialisée de la période post-conquête (ouh là là les grands titres ronflants ), la bataille des plaines d’Abraham n’est qu’une bataille parmi une série d’autres qui jalonnent la guerre de Sept Ans. N’oublions pas la grande victoire de Lévis à Sainte-Foy l’année suivante. La conquête du Canada ne débute pour moi que par la cession de la Nouvelle-France, en 1760 puis par la cession de la colonie en 1763. La France aurait pu changer d’idée au sujet de sa colonie du Canada bien après 1759 (même si on sait en fait qu’elle songe plutôt à s’en départir très tôt dans cette guerre pour ses îles à sucre qui lui rapportent plus d’argent).
Oui, il y a eu une défaite française en 1759, mais pour moi on en parle encore que parce que les deux chefs des armées, Wolfe et Montcalm, y ont trouvé la mort, ce qui était exceptionnel pour les officiers à l’époque. Je t’accorde que de part et d’autre, on tente de «récupérer» l’événement, je pense notamment à cette satanée idée de réconciliation à tout prix qui m’énerve au plus haut point.
Pour moi, le nationalisme ne débute d’ailleurs pas à ce moment, il arrive plus tard, avec l’instauration entre autres de nos institutions politiques.
Et c’est une erreur répandue que d’accoler nos idées, nos sentiments du XXIe siècle aux événements du XVIIIe siècle… Je sais pas si je suis claire, il est tard!
Merci d’éclaircir un peu tout cela, Sophie.
Vois-tu, je fais partie de la grande majorité des gens qui croit que la bataille des plaines est LA défaite française.
Alors, il faut faire un peu d’éducation.
Il est clair que cette bataille a pris une valeur symbolique que les historiens, ceux de la CCBN en premier, ont sous-estimé.
Notez bien que, 250 ans plus tard, le président Sarkozy poursuit la politique française. Souvenons-nous des mots de Voltaire : je crois que la France peut être heureuse sans QUébec.