Archambault déterre la hache de guerre

À l’approche de Noël, alors que les caisses enregistreuses tournent à plein régime, apportant une manne salvatrice aux libraires qu’ils soient indépendants ou affiliés à une chaîne, le groupe Archambault déclare la guerre. Dans une série d’annonces1, le vendeur de livre comparait en effet ses « prix chocs » à ceux de Renaud-Bray2.

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Le livre est-il une boîte de petits pois ?

Qu’on se le dise : Renaud-Bray, comme la plupart des libraires, ne fait que respecter le prix de détail suggéré par l’éditeur. Un prix juste qui permet une rémunération adéquate des forçats du livre : du libraire à l’auteur en passant par l’imprimeur et bien sûr l’éditeur. Couper le prix de détail, c’est forcément couper un revenu.

Mais au-delà des considérations matérielles, c’est à la valeur symbolique du livre qu’il faut s’arrêter. Nul besoin de répéter l’importance de la littérature, sous toutes ses formes, comme pilier de développement d’une société. La défense de la bibliodiversité et de son accès le plus large devrait être une priorité. Une guerre des prix entre les deux plus grandes chaînes québécoises pourrait aller jusqu’à la menacer.

Je me souviens… de Champigny

Dans son ouvrage L’Amour du livre (Septentrion, 2004:47), Denis Vaugeois nous rappelle comment les librairies Champigny et Renaud-Bray avaient alors croisé le fer. Après avoir frôlé la faillite, les librairies Renaud-Bray ont redémarré avec l’aide de la SODEC et du Fonds de solidarité de la FTQ. Aujourd’hui Champigny n’est plus. Pierre Renaud a retenu la leçon, il respecte le prix du livre.

De telles pratiques commerciales ne peuvent mener qu’à l’appauvrissement de tous les détaillants du livre. Si ceux-ci se concentrent sur la pointe de l’iceberg, les Best-Sellers à vils prix, c’est toute la partie immergée de la littérature qui va en souffrir. Avec des conséquences pour la fragile chaîne du livre mais surtout pour son maillon ultime : le lecteur. Doit-on sacrifier la qualité et la diversité sur l’autel de la concurrence ?

Où on reparle du prix unique

Il existe pourtant une solution toute simple à ce problème, solution déjà appliquée dans des pays de divers horizons (Allemagne, France, Espagne, Grèce, Mexique, etc.) : une loi sur le prix unique du livre. Privés de la plus facile promotion pouvant être réalisée sur un livre, les détaillants n’auraient alors plus qu’une seule arme pour convaincre : l’excellence du service et l’abondance de l’offre. Au bénéfice du lecteur qui, fier de ses quelques dollars bien investis dans une industrie culturelle de qualité, pourra aller siroter son café en se laissant bercer par les mots d’ici ou d’ailleurs.

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1. Annonces parues les 5 et 12 décembre 2009

2. Le 19 décembre 2009, Archambault affichait plutôt un « Prix régulier » barré.

2 réflexions au sujet de « Archambault déterre la hache de guerre »

  1. Ce qui me frappe surtout en 2009, c’est qu’il y a des nostalgiques de l’époque pré-Gutenberg, des membres de la Confrérie de la Plume et de l’Encre pour encore considérer que le livre est un sacro-saint bien culturel et non un produit de consommation de masse comme il y en a tant. Tant qu’il y aura de la demande pour des produits précis, il y aura une offre pour y répondre, c’est pourtant aussi simple que ça. Vendre les livre au même prix partout (lire ici: cher partout) sous prétexte de préserver des indépendants, c’est faire preuve d’un obscurantisme quasi-marxiste.

  2. Yves Mo devrait s’informer un peu et prendre le temps de vérifier le bilan fait par les Français après 25 ans de pratique du prix unique. C’est justement pour lutter contre l’obscurantisme qu’un vaste réseau de librairies est souhaitable. Il permet la compétition et la circulation de livres moins faciles mais plus solides. Quand on connaît toutes les étapes liés à l’édition d’un livre, on se rend compte qu’il n’est pas cher, surtout si on le compare au prix des spectacles ou d’une bonne bouteille. Et il a une vie plus longue.
    Denis Vaugeois

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