French Prairie, Orégon

En 1827, les premiers Blancs se sont implantés de façon permanente dans le territoire que l’on appellera l’Orégon. Plus précisément, ces Canadiens français, voyageurs et trappeurs travaillant au compte de la compagnie de la baie d’Hudson, s’installent dans la vallée de la Willamette. Ici, dans ce milieu édénique, ils prennent femme parmi les
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kalapuyans alors en pleine crise de survie devant les ravages de la malaria. Dix ans plus tard, ils compteront entre 65 et 70 familles situées sur la Prairie française. Ces Arquet, Bellique, Desportes, Gervais, La Bonté, LaFramboise,
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Longtain, Lucier, Perreault, Plante et Rondeau se sont surtout établis le long de la rivière, mais aussi à l’intérieur des terres, du côté de la rivière Pouding. Ils ont créé cinq villages : Butteville, Champoeg, Saint-Paul, Saint-Louis et Gervais. Champoeg a été détruit deux fois par les inondations de 1861 et de 1891. Son site existe aujourd’hui en tant que parc historique. Les quatre autres villages demeurent.
En 1834, l’année même qu’arriveront parmi eux les missionnaires méthodistes sous la houlette du pasteur Jason Lee (ceux-ci érigeront sur les rives de la Willamette à proximité de Gervais trois petits bâtiments), les Canadiens feront écrire quatre lettres à Saint-Boniface, au Manitoba, demandant la formation d’une mission catholique. Celle-ci verra le jour en 1839, mais déjà en 1836, ils auront construit à Saint-Paul une petite église en bois rond, la première église catholique en Orégon. Celle-ci sera remplacée dix ans plus tard par une structure en brique, dédicacée par Mgr François-Norbert Blanchet, archevêque de l’Orégon. Lui, son frère, Mgr Augustin-Magloire Blanchet, archevêque de Walla Walla, puis de Nisqually et Mgr Modeste Demers, évêque de l’île de Vancouver, tous trois de la région de Québec, dirigeaient à cette époque le destin de l’église catholique dans cette vaste région.
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Par la suite, d’autres Canadiens français viendraient qui n’avaient pas de liens avec la grande compagnie mercantile. Parmi ceux-là, François-Xavier Matthieu, vers 1840 et Adolphe Jetté, au début des années 1850. Le premier fut particulièrement utile à la petite collectivité parce qu’il savait lire et écrire. Dans la foulée des « troubles de 37 », Matthieu avait fuit le Bas-Canada, préférant l’Orégon à l’exécution ou à l’exil en Australie. Il a mis ses tendances républicaines à profit en 1843 en signant, avec Étienne Lucier et plusieurs Américains, des accords pour former un gouvernement provisoire qui aboutirait à un gouvernement territorial en 1846 et à un gouvernement d’état en 1859. Certains de ses compatriotes ont vu en ce geste un acte de trahison, mais il était déjà trop tard pour les Canadiens et Métis de maintenir leur hégémonie dans la région. Matthieu a opté pour la voie de la raison. Des milliers de pionniers américains arrivaient de l’Est en suivant l’Oregon Trail. Ils se sont établis massivement dans la région, réduisant rapidement les familles métisses à l’état de minorité.
Melinda Jetté, arrière-petite-fille d’Alfred Jetté de Repentigny, au Québec, et de Margaret Liard, métisse de la Prairie française (2604), prépare actuellement une thèse de doctorat en histoire à l’université de la Colombie-britannique
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sur le peuplement de French Prairie. Au congrès de l’ACSUS, lors d’une séance consacrée au thème « Zones frontalières canado-américaines : culture politique, histoire culturelle et mémoire », elle a fait un plaidoyer en faveur d’une nouvelle interprétation de l’histoire de l’Orégon. Au lieu de l’examiner toujours à travers la lentille anglocentrique des pionniers de l’Oregon Trail, il est temps, selon Melinda, de reconnaître les Canadiens comme les véritables premiers Blancs à s’établir dans la région et de décortiquer et d’analyser l’ensemble de facteurs très complexes qui les liaient aux peuples autochtones, dans un premier temps, et, dans un deuxième, à la majorité.
Une fois son intervention scientifique terminée, Melinda et moi nous sommes éloignés du vacarme de la grande ville, du brouhaha du congrès. Pour le temps d’un léger repas, nous nous sommes retrouvés sur les rives de la Willamette, à Butteville, au plus vieux magasin général encore en opération dans l’état de l’Orégon.
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One thought on “French Prairie, Orégon

  1. J’ai découvert cette page en cherchant. Voilà. Je voulais toujours savoir historiquement l’arrivée des rondeau en Oregon. Il y a un nommé Elzéar Rondeau marié à Seraphine Guilbeault, frère de l’abbé Pierre Rondeault qui a été missionnaire chez les Cowichan en Colombie Britannque. Elzéar aurait attiré par son frère Pierre, l’abbé et est décédé en Orégon à Wasco.
    Vos informations sont très intéressantes. Ça ouvre des horizons inconnus. Ces premiers Rondeau dont vous parlez, en connaissez-vous l’origine de leur histoire?
    Je m’arrête pour le moment.
    Merci et au revoir.
    clément rondeau de Laval au quebec.


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