New Bern, NC : faire fausse route sans se perdre

La possibilité de passer quelques heures dans l’une des rares colonies suisses en Amérique du Nord m’avait attiré à New Bern. Au centre d’interprétation, la gentille dame m’assure que c’était bel et bien des Suisses qui se sont installés ici en premier. Ces premiers habitants se seraient toutefois disparus mystérieusement sans laisser de traces, seulement le toponyme « Bern », mot qui, selon elle, veut dire en allemand « ours ». De vrais ours ici, on n’en voit pas, mais des effigies d’ours, il y en a partout : sur les voitures de police, sur les plaquettes identifiant des édifices historiques, sur les équipes sportives de l’école secondaire. Ne connaissant pas très bien l’allemand et désireux de vérifier les informations qui venaient de m’être transmises, j’ai téléphoné à Konrad, mon ami canadien d’origine allemande, qui m’a confirmé que « bern » ne voulait pas dire « bear ». Devant ce dilemme, je suis resté perplexe. Mais, malgré le fait d’avoir été induit en erreur, j’ai néanmoins trouvé fascinante cette petite ville de 23 000 habitants dont l’importance historique et culturelle semble dépasser de loin son poids démographique. Située à la confluence des rivières Neuse et Trenton, à proximité de l’océan Atlantique, New Bern charme par son cachet historique et surprend par sa contribution originale à la culture populaire nord-américaine.
Si les origines de New Bern semblent vagues en ce qui concerne ses premiers habitants européens, elles sont très claires quant aux deuxièmes, les Anglais. À l’époque coloniale, ceux-ci ont établi New Bern comme capitale de la Caroline du Nord. Elle l’a demeurée pendant une quinzaine d’années après la déclaration d’indépendance américaine de 1776. Une fois la nouvelle république américaine fondée, les Caroliniens commençaient à quitter les zones côtières, se déplaçant vers l’intérieur, vers le piémont et vers les Appalaches. New Bern se trouvait loin des nouveaux noyaux de populations, Par conséquent, la capitale fut déménagée à Raleigh, au centre géométrique de l’État. Aujourd’hui, entouré d’une muraille haute de trois mètres, à la manière des châteaux et logis de la royauté anglaise, le palais Tryon témoigne encore de ce rôle prestigieux de capitale.
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Plus d’une douzaine de maisons avoisinant le Palais Tryon sont classées « monuments historiques ». Parmi elles, le manoir Harvey, bâti en 1798, la maison Stanley, où sont nés en 1810 et 1817 respectivement, le gouverneur militaire des forces de l’Union en Caroline du nord, Edward Stanley, et son neveu, Lewis Addison Armistad, Général à la
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tête d’une armée confédérée défaite à la bataille de Gettysburg, et la maison Attmore-Oliver qui abrite aujourd’hui les archives de la société historique de New Bern. La plupart des maisons historiques ont connu à travers les années, selon le climat politique, de multiples fonctions : résidences familiales en temps de paix, quartiers généraux des forces de l’occupation, hôpitaux ou entrepôt en temps de guerre. Si l’histoire coloniale est mise en évidence ici, c’est la Guerre de sécession qui est célébrée le plus. La Caroline du nord a donné 125 000 soldats à la cause du Sud. Sur ce nombre, 40 000 ne sont jamais revenus. Aucun autre État de la Confederacy n’a autant contribué ni autant sacrifié.
Pas moins de neuf édifices à caractère religieux se trouvent à l’intérieur du kilomètre carré que constitue le centre historique de New Bern. Évidemment, les églises baptiste et méthodiste sont les plus imposantes. Plus modestes, les lieux de culte des catholiques et juifs dont la présence remonte à 1824 se font face sur la rue Middle, à proximité des autres.
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La guerre, la religion… deux sujets très sérieux qui ont laissé une marque indélébile sur le tissu urbain de cette petite ville du Tidewater. New Bern a aussi influencé la culture populaire du monde entier en donnant lieu à l’invention d’un produit très recherché qui désaltère et qui portait à préjugés dans le contexte de la belle province.Y a-t-il des gens à Montréal qui se souviennent de l’époque où ils se faisaient traiter de « pepsi » par des « blokes » ? Et bien, n’eut été l’élaboration en 1898 de la formule du Pepsi-Cola par Caleb Bradham, pharmacien de New Bern, il aurait fallu aux Anglâs choisir un autre nom pour abaisser les « Frenchies ».
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Fausse route? Oui, d’une certaine façon. Je n’ai pas trouvé à New Bern ce que je cherchais. Par contre, j’y ai eu droit à de belles surprises. C’est là la joie de voyager en dehors des sentiers battus. On est rarement perdu et jamais déçu.